JOURNAL DYPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
S
N» 2934.
29me année
vérité et justice.
7PB.3S, 15 Novembre.
Durant les préparatifs de la lutte les
passions s'irritent et s'exaltent récipro
quement; elles arrivent leur paroxysme
lorsque les partis se lancent dans la mêlée.
Après l'action, quoiqu'il y ait des vain-
ueurs qui exagèrent leurs succès, et
es vaincus qui cherchent pallier leur
défaite, la tranquillité, le calme se réta
blissent. Alors on peut espérer d'être
écouté quand on parle, on peut espérer
d'être lu de sang froid quand on écrit.
Jetons un coup d'oeil impartial sur les
élections des 27 et 28 octobre.
Le conseil communal doit représenter
tous les citoyens, de même que les cham
bres représentent toute la nation. Il n'est
pas d'intérêt matériel, pas d'intérêt moral,
qui ne réclame bon droit sa défense et
son appui. Quelque restreinte que soit une
population, il y germe des opinions de
toutes les nuances; n'est-il pas naturel
3ue toutes ces nuances soient reflétées
ans le corps qui dirige les affaires de la
commune? Dès lors c'est une prétention
absurde que celle de n'admettre dans une
assemblée politique ou administrative que
des hommes doués d'opinions identiques.
Selon nous, un conseil communal ne
peut être composé de catholiques exclusi
vement, mais il ne peut l'être de libéraux
exclusivement; nous ne désapprouverions
pas davantage un conseil communal qui
UNE LIVRE DE SUCRE.
(suite et fin.)
ne se composerait que d'avocats, que de
propriétaires, que d'industriels, l'exclu
sion de toutes les autres classes de citoyens.
Si donc avant 1856 les vues catholiques y
étaient prédominantes, il fallait tâcher d'y
opposer un contrepoids, mais en 1845, où
les tendances libérales n'ont plus de frein,
il devenait indispensable de les modérer
par l'élément catholique.
Cela serait conforme en même temps
aux principes de la raison et aux règles
élémentaires de la justice.
Malheureusement le parti libéral, com
me tous les partis extrêmes, ne connaît ni
mesure ni limite. Il ne s'est point borné
fioursuivre sa part d'influence, il a déclaré
a guerre, une guerre mort, tous ceux
qui n'entendent point courber la tête sous
son drapeau d'orgueil, aux hommes de
cœur et d'intelligence qui ne veulent point
lui offrir en holocauste leur liberté et leur
indépendance. En un mot, au lieu de
gouverner avec les autres, les libéraux
visent les gouverner sans eux et malgré
eux.
Ainsi depuis 1836, nous avons vu éli
miner du conseil communal, cause
ou sous le prétexte de leurs tendances
catholiques, des hommes honorables sous
tous les rapports. Considérer ces hommes
comme le rebut des administrateurs, ou
désapprouver chez d'autres ce que l'on
approuve chez soi, c'est voir la paille dans
les yeux du prochain et ne pas voir la
poutre dans ses propres yeux.
Ainsi encore aux dernières élections, le
libéralisme, qui, selon nous, devrait être
en affaires publiques ce que la charité est
en matière de Religion, s'est montré dé
daigneux et despotique au point qu'il a
écarté des rangs électoraux des hommes
de mérite et de distinction, par cela seul
qu'un journal antagoniste avait prononcé
leurs noms. Électeurs, si nous avions pu
nous attendre une pareille éventualité, si
nous avions pu croire que deÉ rancunes de
journalisme l'emporteraient sur les exi
gences légitimes de notre administration,
nous eussions gardé le silence au sujet des
élections, nous n'eussions certes pas mis
en avant MM. De Gheus et Vandendries-
sche!
Exclusifs et dominateurs, les libéraux
proscrivent toute espèce de contradiction,
ils vont jusqu'à éviter toute espèce de dis
cussion. Grâce leurs intrigues, il n'y a
plus aucun dissident au conseil; les pro
positions élaborées par deux ou trois
membres,actifs et intelligents,si l'on veut,
mais non infaillibles, il faut le dire, reçoi
vent, au jour de la séance publique, un
assentiment unanime et empressé. II est
aisé sans doute de n'avoir pas examiner,
critiquer, et de n'avoir pas réfuter le
moindre moyen de contestation. Le bien-
être communal n'en souffrira-t-il jamais?
N'est-il pas dangereux d'abandonner avec
une si aveugle confiance, de si graves in
térêts, quelques jeunes gens de bonne
volonté, mais sans expérience?
Nous voudrions nous tromper, car nous
pensons qu'une assemblée délibérante où
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APRÈS LES ÉLECTIONS COMMUNALES.
Sans rien ajouter, le roi remplit d'eau un verre
qui se tro-vait h sa portée; il y jeta quelques mor
ceaux de sucre encore épars sur la table, et dit, en
préparant ce breuvage pour la reine
Il n'y a pas assez d'air dans vos salons, on
fait trop de feu dans vos cbemioées, ou bien vous
avez trop de monde.... Ceci va vous remettre,
vous allez faire connaissance avec un nouveau
sucre, madame.
M. de Maurepas était léger, futile, mais il était
pourvu d'une certaine finesse, et il avait surtout
une grande expérience de la cour. En homme
vieilli dans les détours du palais, et qui savait
deviner l'inspection du visage ce qui se passait
dans le cœur, il saisit le verre d'eau qu'avait pré
paré le roi et l'avala.
Que faites-vous, monsieur, dit le roi, qui
rougit de colère.
Marie-Antoinette s'avança vers M. de Maurepas
et lui tendit la main.
Sire, dit-elle,a son époux, ce n'est rien je
vais retourner au jeu.
Au moment même, le capitaine des gardes entra.
Sire, dit-il, on a fermé toutes les portes du
château je puis assurer V. M. que personne
n'est sorti depuis plus d'une demi heure. Enfin on
s'est emparé du coupable; on va l'amener devant
V. M.
La porte du salon s'ouvrit deux battans, et un
homme entouré de huit ou dix gardes-du-corps
fut conduit, ou plutôt porté, devant le roi. Il était
vêtu d'un habit marronla veste et la culotte
étaient d'un drap pareil, ses gros souliers avaient
des boucles d'argent; cette toilette commune et
la mine effrayée de l'inconnu formaient le con
traste le plus singulier avec l'or, les broderies et
les diamans qui étincelaient de toutes parts. M. de
Maurepastoujours habiletoujours spirituel et
plein de cet esprit d'à propos qui distingue le vrai
courtisan, d'un signe éloigna les gardes-du-corps,
puis s'avança vers cet homme, qu'il rassura du
regard et qu'il présenta au roi.
Sire, dit-il, voila l'homme qui a rempli voire
sucrier ce soir, voila celui qui fait du sucre avec
des légumes; pour peu que V. M. le trouve bon,
il fera aussi du poivre, de la canelle, du gingem
bre, et nous pourrons nous passer des colonies.
11 y avait évidemment, dans tous ces petits évé-
nemens successifs, quelque chose que l'on cachait
h Louis XVI il s'en aperçut, et, sans demander
d'explication, il s'éloigna de quelques pas avec le
fabricant de sucre, et se mit h causer avec lui.
Qu'est ce donc, monsieur, demanda la reinp,
le roi est empoisonné
Comme moi, madame; nous mourrons tous
deux du poison le plus doux possible.... heureux
d'avoir sauvé la vie de V, M. et de partager le
sort de mon souverain.
Ne plaisantez pas, monsieur, s'il vous plaît.
J'ai vu, madame, les craintes de V. M., dit
M. de Maurepas, mais j'ignore de quoi il s'agit.
11 s'agit de poison, monsieur, de poison mêlé