JOURNAL D'YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
No 2969
29me année.
7PB.3S, 14 MARS.
LES CHIENS
DU MONT SAINT-BERNARD.
Le Ministère qui vient dfe se dissoudre
nous avai t donné les plus belles espérances.
Résultat de cet esprit de bienveillante con
ciliation qui distingue la Royauté, il sem
blait de nature calmer les dernières irri
tations qui éloignent les partis, et rallier
toute la nation ces vues généreuses qui
ont posé les bases inébranlables de nos
institutions libérales. Toutes les opinions
du Pays devaient se réfléter dans cette
réunion d'hommes francs et loyaux qui
venaient de prendre le gouvernail de l'État.
A coté d'hommes qui n'avaient jamais
embrassé une opinion exclusive, on voyait
figurer, un libéral qui venait stipuler pour
son parti avec les catholiques et non con-
tr'eux, un catholique qui venait stipuler
pour son parti avec les libéraux et non
contr'eux. La marche du Gouvernement
devait être la marche de la raison elle-
même. Le Ministère était homogène, en
ce sens qu'il se présentait devant les cham
bres après avoir arrêté de commun accord
les principes de toutes les lois qu'il ferait
discuter dans leur sein. La loi sur l'ensei
gnement moyen avait, comme les autres,
pu réunir l'adhésion de tous les ministres.
Et pourtant ce sont les délibérations défi
nitives de ce dernier projet de loi en con
seil des ministres qui ont amené la crise
que nous devons encore subir. Quelles
nouvelles questions ont pu surgir de ce
nouvel examen, qui semble surabondant,
lorsqu'on se rappelle les protestations anté
rieurement faites par le chef du Cabinet?
Quels sont les ministres qui ont soulevé
ces difficultés inattendues et qui ont dé
vié sans retour des voies transactionnelles?
Voilà ce qu'il nous est impossible de pé
nétrer. Mais ayons la sincérité de le dire,
que la résistance soit venue de la part des
libéraux ou qu'elle soit venue de la part
des catholiques, nous la regrettons dans la
même mesure. Nous aurions surtout des
Tout ce qui concerne 1* rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
l'pres. Le Propagateur paratt
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIE DES INSERTIONS.
1 centimes par ligue. Les ré
clames, SA centimes la ligne.
On s'abonne Vpres, Grand'-
Place, SI, vis-à-vis de la Garde, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIE DE E'ABOENEMENT,
par trimestre,
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités
Prix d'un numéro.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
L'étalage de la foire du Carême est très impor
tante cette année; le beau temps qui a favorisé la
première semaine a attiré en ville beaucoup de
monde des environs.
Notre digue bourgmestre, M. Vanderstichele de
Maubus, vient d'être nommé Chevalier de l'ordre
de Léopold. Les longs et loyaux services de notre
premier magistrat méritaient coup sûr cette flat
teuse distinction.
Vendredi, vers le soir, lors de la sérénade donnée
M. le Bourgmestre, des soldats formaient la haie
côté des musiciens, pour leur rendre le passage
plus libre. A l'entrée de la rue S'-Jacques, un
caporal poussa brusquement jusques contre la
façade de la maison de M. le Sénateur Malou, une
personne inoffensive, qui regardait paisiblement la
troupe passer. Cette violence exercée sans aucun
avertissement, et uniquement motivée sur ce qu'on
n'avait pas suffisamment reculéexcita les réclama
tions de quelques assistants. Mais au même moment
le troupier, comme pour montrer qu'il se mettait
au-dessus des observations des bonrgois, s'empara
de la personne qu'il avait condoyée, sans qu'elle
eut proféré une seule parole, et la conduisit la
garde, où elle fut relâchée sur l'ordre de l'officier
de service. Cette manière d'agir moscovite ou de
krawasch turc, n'est aucunement dans les habitudes
du militaire belge; et si elle n'a eu pour effet que
de faire ressortir le caractère extrêmement doux de
l'inconnu assailli, il est évident qu'avec d'autres,
moins calmes, elle aurait pu amener une rixe.
Entre le Valais et le val d'Aoste, entre la
Suisse et l'Italie, s'élève un sommet terrible, h
7,750 pieds au-dessus du niveau de la Méditer
ranée. Éternelle patrie des glaces et des neiges, si
quelquefois la cime sauvage se dépouille de sa
blanche enveloppe, ce n'est point pour se couvrir
de verdure et pour s'émailler de fleurs, c'est pour
laisser voir des masses de rochers arides et nus. La
végétation, si vigoureuse au pied du Mont, sur le
versant italien, s'épuise et meurt bien longtemps
avant d'atteindre la crête. Là, croissent seulement,
sous les rares abris qu'offreut les saillies de ro
chers, quelques touffes de gazou que dominent
peine quelques plantes herbacées.
Au milieu même de l'été, d'épouvantables ou
ragans, balayant la neige qui couvre le sol, et la
mêlant celle que versent les nuages, bouleversent
et obscurcissent sans cesse les airs de leurs tour
billons. Un petit lac, dont le bassin s'ouvre vers
le haut de la montagne, au lieu de répandre la vie
et le mouvement dans ces lieux désolésajoute en
core leur tristesse. Ses eaux presque perpétuel-
M11* Virginie Soeneu, qui jouit ici d'une grande
vogue comme accoucheuse, comparaissait jeudi en
police correctionnelle où elle avait été renvoyée
sur une plainte adressée la commission médicale
de Bruges, basée sur ce qu'elle aurait traité un cas
de chirurgie. Comme il résultait de l'instruction que
cette délation n'avait pas le moindre fondement,
quelques minutes de délibération ont suffi pour
prononcer l'acquittement. Il a été suivi des applau
dissements unanimes du public nombreux entassé
daus l'étroite enceinte de l'auditoire. Si l'on a eu
eu vue de nuire la réputation de la sage femme,
et la confiance dont elle est généralement ho
norée, le moyen ne pouvait être choisi plus gauche
ment, et ne produira qu'un effet tout contraire. Ce
n'est pas la première fois que les calculs de l'envie
se trouvent déjoués, et qu'elle s'attire la confusion.
Cinq sérénades ont été données M. Vander
stichele l'occasion de sa promotion.
lement gelées, n'offrent que la blancheur terne de
la glaceou, si parfois le dégel les vient ranimer
elles prennent alors des teintes noires profondes,
qui leur donnent un caractère plus lugubre. Un
torrent, le Valtorcy, qui tombe dans le Valais en
se creusant d'affreux précipices, trouble seul le
silence funèbre de la montagne. La vie animale en
est absente comme la vie végétale, et les perdrix
blanches elles-mêmes n'aventurent pas cette hau
teur leur course et leur vol.
Deux villages, sis a mi-côte, Saint-Rémy, sur
le versant italien, Saint-Pierre, sur le versant
suisse, marquent les points où commence ce désert
tout sibérien. C'est cependant travers celte ef
frayante contrée, où tout secours mauque l'hom
me, et où de redoutables daugers le viennent as
saillir, que se dirige une des deux seules routes
qui unissent l'Italie la Suisse. Le passage est si
périlleux, que les anciens eux-mêmes avaient
reconnu le besoin de se placer sous la protection de
la divinité avant d'entreprendre le voyage. Un
temple, consacré Jupiter, avait été élevé au
sommet du mont, et les voyageurs y déposaient
des offrandes pour se rendre le dieu propice. Des
pierres, des autels votifs et des inscriptions attes-
tent encore que l'aspect menaçant de la montagne
éveillait fortement la dévotion païenne.
Le sentiment religieux ebretien devait s'y mani
fester d'une manière plus noble. La pensée d'un
hospice était bien vaguement renfermée peut-être
dans la construction d'un temple et d'une maison
de prêtres destinés le desservir; mais elle ne fut
développée qu'après l'établissement du christia
nisme, et ce ne fut même que vers le milieu du
dixième siècle que le Savoyard saint Bernard de
Meuthon eut la gloire de lui donner une entière
exécution. Ce héros de l'humanité, que ses succès
apostoliques daDs les montagnes de l'Iielvétie
avaient rendu populaire, fonda une confrérie de
religieux, dont le mont redoutable serait la seule
patrie, et dont la vie devait être exclusivement
consacrée secourir les voyageurs, les disputer au
froid, aux tempêtes, aux avalanches. La généreuse
milice fut bientôt formée, bientôt l'oeuvre, et,
depuis tout l'heure neuf siècles, elle se recrute et
transmet sa mission d'âge en âge sans que jamais
une place ne demeure vide dans ses rangs.
On ne saurait rendre trop d'hommages la pieté
profonde, l'ardente charité de ces disciples de
saint Bernard; car toutes les douleurs, toutes les