JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N» 3006.
3Qme année.
7PB.3S, 22 Juillet.
Le Salut des Enfants des salles d'asile a
eu lieu comme nous l'avons dit hier cinq
heures. Les sons de ces faibles voix sem
blaient se perdre d'abord sous les voûtes
élevées de la vaste basilique de S' Martin;
mais mesure qu'il avançait, le chant
prenait des tons plus fermes et mieux mo
dulés. Après le Salut, les jeunes élèves ont
entonné un petit cantique approprié la
circonstance
La grandeur du temple, la majesté des
autels, une foule nombreuse et recueillie,
des orgues sonores fesant effort pour bais
ser leurs tons graves jusqu'aux accents les
plus doux, et au milieu de tout cela de
jeunes enfants adressant leurs premiers
hommages l'Éternel qui vient peine
de les appeler la vie un tel spectacle
ne peut manquer d'attendrir l'homme qui
porte un cœur aimant. Si l'art et les années
donnent d'autres voix plus de force, plus
d'harmonie, plus d'attrait, celles-ci du
moins partaient de poitrines encore pures;
MONSIEUR GUILLAUME.
et sous les pauvres vêtements de ces artis
tes improvisés, brillait d'un vif éclat la
candeur augélique de la grâce baptismale,
non encore ternie par le contact empoi
sonné du monde.
Hier, le Te Deum d'usage a rappelé aux
habitants l'inauguration dé S. M. Les bâ
timents publics étaient pavoises.
A la dernière audience cprrectionnelle,
une femme appelée comme témoin, por
tait une capote ou chapeau de paille par
dessus son bonnet. L'huissier lui fit ôter le
chapeau. C'est la première atteinte que
nous ayons vu porter au privilège général
dont jouit partout la coiffure des dames.
Elles feront bien de he paâ laisser se mul
tiplier un précédent si1 fâcheux pour les
immunités immémoriales de leur sexe.
Lundi 20 de ce mois, Mal. les amateurs
de pigeons, d'Ypres et de Bixschote, ont
fait lâcher des pigeons voyageurs Paris.
Le 1" prix a été remporté par un pigeon
de M. Vandenpeereboom, qui voyageait
pour compte de M. Neven, fils.
Le 2°" prix par le pigeon de M. Hennion
lequel pigeon a déjà remporté le 2°" prix
cette année, de Cologne.
Le 3"" prix par le pigeon de M. Defever,
fils, de Bixschote.
Samedi, la servante du Sr Vuylsteeke,
tailleur, rue des Chiens, âgée de 20 ans,
avait réglé de se rendre le lendemain la
kermesse de Polynckhove avec quelques
unes de ses compagnes. Mais elle tomba
subitement malade, et Dimanche midi,
elle était déjà décédée.
On écrit de Rousbrugghe qu'un hom
me est tombé mort en travaillant la
moisson.
LA TOMBOLA DE POPERINGHE.
La tombola organisée Poperinghe aura
le double avantage de combler un déficit
occasionné dans la caisse du Bureau de
Bienfaisance par le mauvais état des der
nières récoltes, et d'attirer les étrangers
principalement aux jours de la Kermesse,
laquelle, de même que toutes nos fêtes
flamandes, doit son déclin des causes de
différente nature.
11 faudrait avoir visité le salon sous
l'influence de la plus injuste partialité
pour ne pas reconnaître que l'intelligence
et le zèle charitables des Dames de Pope
ringhe a dépassé l'attente qui se trouve
le inoins facilement satisfaite. Etalés avec
un soin délicat, avec un goût exquis, les
objets offerts frappent les regards éblouis
par leur multiplicité, par leur variété,
par leur choix, par la richesse des ma
tières, par la magnificence du travail. Et
tout cela est en quelque sorte encadré dans
la charmante galerie de tableaux de l'a
mateur distingué, M. le baron De Posch-
On t'abonne Ypreu, rue de
Mlle, 195, prél la Grand*place, et
ebex les Percepteur! des Postes du
Royaume. I -,
PRIX DE L'XBOXXEREXT)
par trimestre,
Pour Ypres fr. A
Pour les autres localités a
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le REIVRKDI
de chaque semaine.
PRIE DES IMSERTIOKS.
ft centimes par ligue. Le» ré
clames, centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Autrefoii comme uu père,
De soin! compatissants
Jésus-Chriet sur la terre
Entourait (ta Enfants, etc...
Sainte Vierge Marie,
Mère du Fils de Dieu
A l'enfant qui vous prie
Souriez eu tout lieu etc.
Vers le milieu de l'anuée 1784, un homme d'une haute
réputation de probité, qui avait occupé avec honneur et talent
des emplois de la plus grande distinction, qui avait été admis
dans le conseil du Roi de France, et avait même été son prin
cipal Ministre, redescendit, avec une joie que sou amour pour
le prince ne put lui faire dissimuler, de ce faite de puissauce,
et s'en alla par la France, la Hollaude et la Suisse, étudiant
les moeurs, les usages, les lois, la nature, et semant partout
des bienfaits sous le nom vulgaire de Guillaume, qui dérobait
l'admiration de la foule uu nom déjà fameux, plus tard
devenu sublime.
Guillaume le voyageur vint Marseille, la plus ancienne
ville de France. Il ae promenait souvent sur la côte, peu de
distauce du superbe bassin de forme ovale, et creusé par la
nature, qui fait de Marseille le plus sûr et le plus riche port
de la Méditerranée. Il avait plusieurs fois déjà remarqué un
jeune batelier de quatorze ans peine, et d'une physionomie
intéressante, qu'il voyait chaque jour se dirigér avec le produit
de sa pêche vers uDe maisonnette simple pauvre même, mais
qui u'avait rien de repoussant, et qui laissait deviner, par sa
piopreté, par l'ordre qui semblait y régner en dedans comme
au dehors, un souvenir d'habitudes plus aisées chez ceux qui
l'habitaient.
Résolu d'être utile ce jeune homme, s'il avait les qualités
que la douceur et la franchise la fois de sa figure faisaient
suppocer, Guillaume le suivit un soir quelque distauce sans
I "DsmhddmmdmRRMMA
en être remarqué. Lejeuue homme entra dans la maisounctte
où l'attendait uue vieille femme, sa mère sans doute; et Guil
laume resta aux aguets autour de la cabane, dont la porte était
demeurée ouverte, et il put entendre un instaut ce dont on
parlait.
Assieds-toi, ici, près de moi, mon pauvre Pierre, disait
la vielle femme, assieds-toi; ton front est tout eu nage! Oh!
merci, mou fils, Dieu ue peut manquer de béuir tôt ou lard
l'eufaut qui travaille ainsi pour sa niere. Mais je ne veux pas
que tu te fatigue ce point, et, si tu tiens vivre longtemps
pour moi, mon bon tils, il faut te méuager tes forces pour
l'avenir.
Pauvre mère répondit le jeune homme, ce n'est pas la
vigueur qui me manque quand il s'agit de vous... Ob! non,
ajouta-t-il aveo un long soupir.
Et puis il répéta encore Pauvre mère
Tu es triste, plus triste que d'ordinaire, mon fils.
J'ai pensé tout le jour vous, ma mère, ce que vous
avez été, répondit Pierre... Ob s'il ue tenait qu'à moi, a mou
travail, que le bouheur d'autrefois
Ne réveillons pas de péuibles souvenirs, interrompit sa
mère, et sachons uuus contenter d'un piéseut qui pouiraii être
plus misérable eucore... Ta pèche a-t-elle été heureuse aujour
d'hui? ajouta-t-elle aussilôt, comme pour détourner son fils
de l'idée d'un passé plus fortuné sans doute, et dont il s'affli
geait moius pour lui-même que pour elle.
Ma pêche a été moins heureuse que de coutume, répondit-il.
Moins beareuse? et pourquoi donc? demanda la vieille
ftmme. il nie semblait que le ciel et la mer avaient été propices.
C'est vrai, répondit Pierre; mais, depuis denx jours, j'ai
quelque chose ici et là il montrait la fois sa léte et sou
cœur quelque chose qui me préoccupe, qui me dit, ma mère,
que pour vous et pour moi l'heure approohe où je dois me créer
un sort moins misérable et moius précaire.
Pas d'ambition, mon fils!
Oh! non, ma mère, pas d'ambition telle que vous la
craignez pour moi, pas de celte ambition où l'on n'a que soi-
même, que son orgueil eu vue, pas de celte ambition qui
n'élève la fortune qu'en sacrifiant la prohilé, la justice et
l'honneur mais uu désir bien naturel de vous rétablir dans
une position que vous n'auriez jamais dû perdre, une voloulé
sainte de laisser intacte et pure la mémoire de mou pere, en
acquittant les dettes qui lui ont été imposées par l'adversité;
Voilà ce qui, depuis quelques jours, me lient des heures entière
immobile et pensif auprès de mes 6lets,
11 doil y avoir uue histoire étrange dans cette cabane,
murmura une voix qui partait du dehors, la voix de Guillaume
la» sons arrivèrent, quoique peu distincts, aux oreilles de
Pierre- Il leva la tête subitement; l'ombie, U silhouette d'un
homme enveloppé d'un manteau s'esquissa sur la muraille.
Pierre fil uu mouvement comme s'il allait se lever de sou
siège, l'ombre disparut. Elle revint presque immédiatement
mais, sur un mouvement du jeune homme, elle disparut tout
fait. Pierre s'avança au seuil de la cabane; il n'aperçut que
les sinuosités indécises de U côte qui se confondaient avec les
vagues de l'onde.
[Pour fin continué