JOURML D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N° 3033. Samedi, 24 Octobre 1846. 30me année.
vérité et justice.
79B.ZQ, 24 Octobre.
Chaque fois que nous disons une bonne
et rude vérité au Progrès, il jette feu et
flamme; mais' depuis qu'il est venu au
monde, il n'avait pas encore écumé de
rage comme au sujet de nos réflexions sur
la diminution des troupes.
C'est que par cette simple question
De quoi faut-il s'étonner le plus, ou de la
conduite du Ministère qui ne veut être que
rigoureusement juste l'égard de ses en
nemis, ou des Jérémiades du Progrès qui
voudrait obtenir des faveurs de ceux qu'il
poursuit constamment de son envie et de
sa haine? c'est que par cette simple
question, nous avons brisé sur leur figure
le masque de ces charlatans dulibéralisine,
qui n'ont d'autres adhérents queles pau
vres dupes de leurs audacieux et dégou-
anls mensonges.
Ils ont beau crier sur les toits Le
Propagateur se réjouit de ce que la ville
décline; la feuille béate nous l'a dit, c'est
une punition, c'est une vengeance de la
part du Ministère les gens sensés ne s'y
méprendront pas depuis dix ans nous
déplorons vos écarts, nous signalons avec
douleur les résultats inévitab es d'une ad
ministration partiale et exc usive. Nous
avons exprimé les regrets sincères que
nous cause la mesure prise par le Minisire
de la guerre; et nous avons eu assez de
franchise pour ne pas dissimuler cette sa
tisfaction qu'éprouve quiconque voit se
réaliser un présentiment, une prédiction,
même lorsqu'il en résulte un dommage,
car ceux-là seuls doivent se l'attribuer qui
ont dédaigné les avertissements destinés
l'éviter.
Ce qui nous fait plaisir, c'est que le pu
blic se désabuse, que les électeurs voient
clairement où vous les menez, et c'est là
tout juste ce qui vous met en colère; enfin
ce qui nous donne la jouissance la plus ex
quise, c'est le spectacle burlesque de votre
orgueilleuse impuissance.
Nous comprenons que les libéraux du
Progrès seraient intéressants s'ils parve
naient se poser en victimes. Qu'ils ne
s'en flattent point, ils ne feront accroire
personne que le Gouvernement ait eu l'in
tention de les punir, qu'il soit descendu
jusqu'à vouloir se venger de leurs odieuses
attaques. Non, mille fois non. Infliger une
punition! mais le Gouvernement a, par
des combinaisons dont il ne doit point
rendre compte, diminué la garnison de
quelques hommes et de quelques chevaux,
il n'a pas, que nous sachions, réduit la
garnison d'un tiers, ni même d'un quart;
et dans l'hypothèse qu'il tiendrait se ven
ger de ses ennemis, ne pourraît-il pas li
miter notre place ce qui est rigoureuse
ment nécessaire au service en temps de
paix
Les villes fortifiées ont le plus de droit
aux cantonnements nombreux et les villes
ouvertes n'en ont que faire. Voilà sans
doute un raisonnement que les illuminés
seuls pourront comprendre; car nous et
les nôtres nous sommes assez simples pour
croire qu'il est plus facile de maintenir
l'ordre avec peu de troupes dans une pe-
lite ville entourée de murs, qu'avec beau
coup de troupes dans une ville populeuse
et accessible sur tous les points de sa cir-
conlérence.
Nous ignorons que Ja ville ait eu deux
dépôts depuis 1815; mais dans l'affirmative,
il n'en résulterait pas un droit acquis. Ce
respect du passé n'est pas habituel au Pro
grès; trop souvent il affecte pour les vieil
les ornières le plus cordial mépris.
Eh! que n'avons nous pas eu depuis
1815! jusqu'en 1826, par exemple, nous
avons possédé un collège florissant, où les
élèves affluaient de tout l'arrondissement,
pour ne pas dire de tout le pays et même
de pays étrangers; où l'éducation ne lais
sait rien désirer sous le rapport de la
religion, de la morale et des sciences. De
puis lors nous avons vu déchoir cet éta-
blissementqui faisait la réputation denotre
ville, et que nous reste-t-il? Si, au lieu de
deux dépôts nous n'en avons plus qu'un
seul, au lieu d'un seul collège nous en
avons deux; mais, il est impossible de ne
pas le confesser, ce ne sont que deux sque
lettes de collèges. Voilà une autre consé
quence de l'aveuglement des libéraux.
L'administration communale subsidie un
collège où la religion est exclue dans la
personne de ses minisires; un établisse
ment libre s'est ouvert ceux qui n'enten
dent point séparer la religion de la scienc®.
De là concurrence et rivalité. L'esprit de
parti est semé dans les tendres cœurs de
la'jeunesse. Cet état de choses n'est pas
seulement préjudiciable aux intérêts ac
tuels de la ville,mais encore il suscite pour
V
On s'abonue Vpreu, rue de
Lille, u° io, près la Grand'place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Hopume
PRIX DE L'ABOllTEIIEIT,
par trimestre.
Pour Ypresfr. 4O#
Pour les autres localités 4A®
Prix d'un numéro.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
lpres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DE® INSERTIONS.
19 centimes par ligue. Les ré
clames, SA centimes la ligne.
LEÊ
[Suite et fin.)
Les parties qu'habitent ces sauvages, portaient
généralement les noms d'Oudhulst (i), de Fry-
Busch et de Staden-Busch. Eux-mêmes sont
counus depuis des siècles, comme nous l'avons dit,
sous la dénomination de Oudlanders et de Bus-
kanters.
Aussitôt qu'on a gravi l'espèce de monticule où
s'élève le village de Clerken, on voit une vallée
fort e'tendue, où se trouve un nombre considérable
de petites habitations uniformes badigeonnées de
blanc, et couvertes les unes de chaume, les autres
de tuiles; elles sont placées les unes derrière les
autres, comme les dés d'un jeu de domino. Un petit
jardin et quelques arbres forment le seul enclos de
chacune de ces cabanes. Leur intérieur présente
l'aspect le plus misérable, le plafond se compose
de fagots, placés sur de minces poutrelles, travers
desquelles passe la fumée du foyer, qui le plus sou
vent occupe le milieu de la maison. Dans un espace
(i) Vieux lioux, ou bien Houl-Hulstbois de boux.
de vingt pieds carrés, habite parfois une famille
toute entière, composée de père, mère et d'une
dixaine d'enfants. Leur lit est formé de minces
baguettes de bouleau, sur lesquelles on étend des
herbes sèches ou de la tnousse. Quelques assiettes,
un chaudron, un coffre, une table, des chaises boi
teuses, sont les seuls meubles que l'on trouve dans
ces misérables bouges, dont nous ne pouvons nons
faire une idée, nous autres qui sommes habitués
voir l'aisance et la propreté régner dans presque
tontes les campagnes de la Flandre.
Nous l'avons dit, les Oudlanders et les Bus-
kanters sont généralement forts et robustes, gais,
joyeux et toujours occupés a chanter. Leurs enfants
sont soumis aux plus rudes épreuves. On les élève
avec une dureté cruelle; au milieu de l'hiver, on
les rencontre presque nus, et si la mère n'a point de
lait, on donne a sucer aux jeunes nourrissons du
pain de seigle de la plus grossière espèce. S'ils
parviennent échapper a un tel régime, on peut
être persuadé qu'ils sont d'une bonne constitution.
Cette population grossière se distingue aujour
d'hui par sou amour pour le vol, le maraudage et
le mensonge. Pour tout ce qui est autorité, elle
a cependant de la crainte et du respect; nneécharpe
officielle, un uniforme de gendarme, une épée de
soldat, lui imposent toujours. Braves d'ailleurs,
pleins de reconnaissance pour ceux qui leur font
du bien, ces gens-la sont capables des plus beaux
traits de dévouement. En voyant cette espèce
d'hotnines vraiment primitifs, on peut se former
une idée assez exacte, pensons rions, de ce qn'étaien t
nos serfs flamands pendant le moyen âge, aux XII*
et XIII" siècles.
Quoique voisins immédiats de fermes qui appar
tiennent la population ordinaire, les Huskanters
vivent en quelque sorte part et isolés. Ils se
marient entre eux, ont leurs lieux de réunion,
leurs cabarets eux, et ne fréquentent les autres
paysans que pour affaires. Ils ne font point de scru
pule de dérober quelque chose leurs voisins;
pour tout ce qui n'appartient pas leur race, ils
ont un mépris marqué, une aversion qu'ils ne cher
chent même pas cacher. Les anlipaties caracté
ristiques se sont conservées vivaces aujourd'hui,
quoique adoucies pour les mœurs de notre époque
et le contact pins fréquent avec les paysans des
environs. Malgré les efforts du clergé et des auto-