JOURNAL D'YPRES ET DL L'ARRONDISSEMENT.
30"»' année.
11 y a dans le dernier numéro du Progrès
une forte jérémiade sur l'irritation qui a
éclaté entre les vieux libéraux et les jeunes
libéraux, et un appel ces différentes nuan
ces, afin de les porter la réconciliation.
C'est là tout ce que le bon confrère a ré
pondu notre article sur la véritable cause
de la fameuse qui s'est fait jour dans le
camp libéral. L'article suivant, que nous
empruntons au Feuilleton belge, vient cor
roborer l'opinion que nous nous étions for
mée, qui du reste est celle de tout publiciste
hormis le Progrès VObservateur et peu d'au
tres gusdem farino.
La maréchaussée hollandaise a recon
duit M. Delefortrie la frontière pour
défaut de papiers. Il parait qu'ayant laissé
son passeport au Sas-de-Gand, il s'était
aventuré un autre village. Les gendar
mes belges, qui étaient aux aguets, l'ont
arrêté au moment où il remettait le pied
sur le sol du pays. 11 parait du reste que
le fugitif était résigné se mettre la
disposition de l'autorité. Lors du départ
de Gand pour Courtrai, il a du attendre
pendant plus d'une heure la station,
cause d'un retard de convoi, lié et de com
pagnie avec un malfaiteur en guénilles. A
Courtrai on lui a fait monter la voiture
cellulaire, pour se rendre Ypres. Le che
val étant tombé mort en route, les gendar
mes ont attendu la diligence de Van Gent,
et Delefortrie est descendu avec eux l'hô
tel de la Tête d'Or. Quand il y vit diverses
personnes qu'il connaissait, il éclata en
sanglots et en gémissements déchirants.
Les assistants, émus de compassion, firent
une petite collecte enlr'eux, et lui en re
mirent le montant. Cependant il fallut, en
tre les deux gendarmes, traverser pied
la ville pour aller la maison d'arrêt. Bien
qu'ilfût tard, plusieurs personnes suivaient.
A la Petite Place, Delefortrie pria les gen
darmes de le conduire un moment un
cabaret voisin, pour élancher sa soif ar
dente. Il y reçut encore quelques secours.
Il était transi et bleuissant de froid. Ce
malin, grâce l'intervention officieuse de
quelques anciennes connaissances, il a pu
partir pour Furnes par une voiture spéciale.
Que d'abaissements pour un homme qui
appartient une honorable famille, qui est
père, qui est né et habitué vivre dans
l'aisance! Les joies de cabaret, la dissipa
tion des sociétés de cabaret, soupers, tirs,
combats de coqs, et autres occasions
semblables de goguettes,ont conduit là le
notaire d'une belle résidence. Il y a cepen
dant cette conduite déplorable une autre
cause, qui a peut-être seule creusé l'abîme,
et que la vente des meubles a mise au jour.
Dans cette vente figuraient les œuvres im
pies et impudiques de Jean-Jacques Rous
seau, et d'autres livres immoraux, dont
l'usage éteint la foi et corrompt les mœurs.
L'homme qui par curiosité et se fondant
sur son instruction, pense pouvoir impu
nément avaler le poison de ces lectures, et
braver les défenses de l'Eglise, est victime
de sou orgueilleuse témérité sans s'en aper
cevoir. La sensualité matérielle maitrise
insensiblement tous ses désirs; et répudiant
la crainte de Dieu, méprisant la droiture,
par indifférence d'abord, par intérêt ensui
te, enfin par nécessité, il se contente d'un
vernis d'honneur et de moralité. Si quelque
accident froisse ce vernis, toute l'ignomi
nie du dedans est mise découvert.
Ce n'est pas des injustices, des escro
queries, des faux seulement que des œu
vres scélérates comme celles d'un Rousseau
ou d'un Voltaire peuvent pousser. Les cri
mes d'impudicité et de suicide ont plus
souvent encore leur source dansces produc
tions salaniques. Si dans une bibliothèque
figurentRousseau, Parny, Voltaire, Dupuis,
Volney, Diderot, Sue ou d'autres noms mi
sérables de cet aloi,si dans une maison des
estampes ou statues alarment la pudeur
hâtez vous desorlir de là, car vos intérêts n'y
sont point en sûreté.On peuldirequec'est
un bonheur providentiel pour Delfortrie
d'avoir été saisi par la gendarmerie de
peur que privé de ressoùrëi^uccombant
^^remords, il n'attentât sesçhurs, coin-
%s.
No 3046
On s'abonne Ypres, rue de
Lille, ïi° 10, près la Grand'placeet
chez les Percepteurs des Postes du
lloyauïne.
P»aX OE L'ABOIVIEHEIT,
par trimestre,
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités
Prix d'un numéro. «O
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tion doit être adressé l'Éditeur
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clames, 14 centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
7PB.S3S, 9 Décembre.
LEg VIEUX LIBÉRAUX ET LES JEUHES
LIBÉRAUX.
Chacun sait que le libéralisme actuel se divise en deux
variétés bien distinctes et qui tiennent fort n'être pas con
fondues.
Ainsi l'heure qu'il est, vous ne pourriez faire aux jeunes
libéraux une plus sanglante iujure que celle de les appeler
vieux libéraux
Le vieux libéral est un ex-jeune libéral qui, force de
discours, de réclames sur sou patriotisme, son oivisme, est
parvenu échanger son logis de garçon contre un somptueux
appartement, ses beefsteaks équivoques contre de succulents
dîners, et sa position d'avocat sans clients contre le rang hono
rable et bien rétribué de représentant de la nation.
A l'état de jeune libéral, le vieux libéral était bousingot en
diable, il appelait Bobespierre un modéré et qualifiait les mas
sacres de Danton, du nom d'impérieuses mais terribles néces
sités. Il était assez partisan de la loi agraire, du maximum et
autres inveutious ingénieuses des niveleurs de 93.
Mais cet état physiologique et morne du jeune libéral ne
dure guère. C'est un moment de transition comme celui que la
•chrysalide met devenir papillon. Une fois député, le jeune
libéral commence revêtir le pelage du vieux libéral, ses allu
res se modifient, sa férocité s'adoucit; on peut en faire un
miuistre sans crainte qu'il morde personne.
A l'état de ministre, le jeune libéral est toul-à-fait mécon
naissable. Ses amis même ne le reconnaissent plus, ou plutôt il
ce reconnaît plus ses amis. Il a le verbe haut l'aflirmalion
insolente et impérative; parlez lui des beaux jours où il élabo
rait des plans de république en maDgeant du bœuf aux choux,
il vous regardera comme un fou tombé de la lune.
La transformation est complète, le jeune libéral a disparu
clans les couches successives que l'égoïsme et l'ambition ont
déposé chez lui. De celle jeune et ardente nature, il vous reste
une manière de pédant gourmé, de purituiu ennuyeux parlaut
de sa vertu, de son incorruptibilité, de son dévouement, des
-services qu'il a rendus au pays, et autres rocamboles l'usagé
des vieux libéraux.
Ainsi transformé, le vieux libéral, s'il est ministre, imite la
fourmi. U songe la saison de la bise, il vote avec enthousiasme
toute loi qui a pour résultat de donner une pension quiconque
s'est assis pendant douze heures sur la vitrine du pouvoir. Le
sage se prépare tous les événements, et sous un gouvernement
où la parole a le pas sur l'idée, tout député, fut-ce monsieur
Castiau, est exposé devenir ministre de quelque chose.
Il est cependant des occasions où le vieux libéral si rogue,
si farouche d'ordinaire, s'humanise et s'assouplit. C'est lors
qu'il est expulsé du pouvoir par une révolution parlementaire.
Alors il se ressouvient de ses anciennes doctrines, et tend la
main ceux qui les professent avec la généreuse bonne foi de
la jeunesse. Mais ce retour momentané aux principes qu'en
petit comité il appelle les erreurs de sa jeunesse, n'est qu'un
masque, une comédie l'aide de laquelle le vieux libéral
cherche engluer les jeunes libéraux, et obtenir d'eux qu'ils
lui fassent la courte échelle, pour rcmooler ce pouvoir tant
désiré qu'on calomnie aussitôt qu'il vous quille, et qu'on re
prendra avec amour comme un mulet fier d'un bât neuf.
Pendant longtemps les jeunes libéraux avaient cru dans la
candeur de leur ân»e la réalité de toutes ces austères et
farouches vertus qu'affichaient leurs aînés dans leur adoles
cence. Quant aux vieux libéraux, passés de l'état de prolétaires
éloquents celui de conservateurs, de propriétaires, ils s'effrayè
rent de voir leurs cadets prendre au sérieux les théories socia
les et politiques l'aide desquelles ils avaient escaladé le
pouvoir. Cette situation, comme on le voit, manquait de
franchisecomme l'a dit si naïvement M. Verhaegen. Les
jeunes libéraux, réduits aux miettes que leurs vieux burgraves
laissaient tomber de leurs table, se sont révoltés, et, humiliés
au rôle de marche-pied qui leur était réparti, ils ont déployé
l'étendard de l'insurrection et séparé leurs troupes de celles de
leurs perfides et égoïstes alliés.
Eh bien oette déconvenue ces vieux roués politiques, qui
trouvaient commode et ingénieux de se servir des griffes de
leurs candides amis pour tirer leur profit les marions politi
ques et parlementaires du feu des élections, cette déroute
dans laquelle l'égoïsme et l'ambition des vieux libéraux ont été
mis jour et livrés sans voile l'indignation publique, quel
ques-uns de ces Mascarilles démasqués ont eu l'incroyable
audace de vepir la présenter au pays comme un nouveau titre
sa reconnaissance, et joignant l'ingratitude la lâcheté, ils
prétendent aujourd'hui qu'ils se sont séparés de leurs collègues
ce use des dangers qu'offraient pour la tranquillité publique
les théories socialistes professées par leurs cadets.
II y a des hommes qui savent joindre toutes les lâchetés
toutes les hypocrisies.
Si, ce qu'à Dieu ne plaise, les vieux libéraux arrivaient ja
mais au pouvoir, les jeunes n'ont qu'à se bieu tenir, on pourrait
bien leur faire un 18 fructidor leur taille!
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