D'ÏPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
30me année.
T??.3S, 10 Février.
LES CONSEILS DE PRED HOMMES.
Tout effort, soit de théorie, soit d'expé
rience, tendant préciser et garantir les
intérêts variés qu'embrasse l'industrie, est
digne d'attention et d'encouragement; cela
est vrai surtout lorsqu'il est question de
manufacture, de fabrique, de commerce,
une époque où l'agriculture semble ne
plus sulïire aux besoins de ceux qui s'y li
vrent, et dans un pays où le labeur des
champs est presque la seule ressource de
ta plus grande partie des populations. Et
pourtant il faut se tenir en garde contre
les innovations hasardées, il faut surtout
user de la plus stricte méfiance l'égard
d'institutions anciennes que l'on l'ait revi
vre avec légèreté. Il est des gens en effet
qui n'examinent rien que du point de vue
de leurs caprices ou de leurs intérêts ils
admettent une mesure par cela seul qu'elle
aide favoriser une vaine opinion; ils prô
nent tout ce-qui conduit au développement
du mercantilisme et de la richesse indivi
duelle; le devoir du publiciste conscien
cieux est de combattre l'égoïsme partout
où il se rencontre sous quelque forme il
se révèle, sans néanmoins tomber dans les
rêves creux du philosophisme humanitaire,
ni perdre de vue la ligne de démarcation
LE ROI ET LA NORMANDE.
entre ce qui est praticable et ce qui ne l'est
point.
Il y a cinq ans, nous avons vu retirer de
dessous les cendres qui couvrent une mul
titude de décrets de l'Empire, une juridic
tion exceptionnelle; nous l'avons vu raviver
dans quelques lieux raresoù elle était pres-
qu'éteinte, et introduire dans plusieurs
villes qui ne l'avaient jamais connue.
Nous n'avons accueilli la loi du 9 avril
1842 sur les Conseils de Prud'hommes
qu'avec la plus grande circonspection. Il
nous paraissait dangereux de remettre en
vigueur une législation surannée, qui ne
pouvait pas être en harmonie avec les be
soins de l'époque actuelle, sans l'avoir sou
mise un remaniement scrupuleux; il
y avait, selon nous, imprudence instituer
dans plusieurs villes, ayant que le besoin
en fût dûment constaté, une juridiction
qui n'y avait pas encore existé; nous con
sidérions comme de nature produire des
résultats fâcheux le pouvoir donné au gou
vernement de l'appliquer des industries
auxquelles elle n'était point destinée; enfin
nousavions une légitiinepréventioncontre
des juges exceptionnels.
Cependant on aurait pu considérer com
me téméraireuneopiniondéterminée peut-
être exclusivement par des motifs puisés
des sources abstraites, et, avant de nous
exprimer au sujet des Conseils de Prud'-
hommes, nous avons voulu les voir
l'œuvre, afin de nous ménager l'avantage
d'assoir notre appréciation sur des faits,
sur des éléments positifs.
Usant de la faculté que loi abandonnait
l'art 1" de la loi du 9 avril 1842, le gou
vernement, par arrêté du 12 août de la
même année, (i) a doté la ville d'Ypres
d'un Conseil de Prud'hommes.
Les membres du Conseil ont été élus et
réélus; ils ont fonctionné activement dans
les différents cercles de leurs attributions
nous n'avons pas cessé un instant d'obser
ver lecoursde leur juridiction et l'influence
que leur intervention exerce sur les indus
triels en général, et sur les ouvriers en
particulier.
Nous comptons exposer nos vues dans
deux articles qui suivront successivement
celui-ci. D'abord nous soumettrons nos
lecteurs un résumé de la législation rela
tive aux Conseils de Prud'hommes r il
présentera les circonstances, les causes
qui ont engendré cette législation; son es
prit, son but, sa portée. Ensuite nous
déroulerons nos réflexions critiques: nous
tâcherons d'établir que les conseils de Prud'-
j\o 3064.
Tout ce qui ooncerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur A
Vpren. Le Propagateur parait
Le HAMKDI et le IIIRiHi;»!
de chaque semaine.
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Royaume
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Pour YpieSfr. 409
Pour les autres localités 43®
Prix H'ua numéro. 9 <e
VÉRITÉ ET JUSTICE.
(Suite etfif.)
Au conseil de la ville on lit la lettre du Roion
la relitelle était formelle; la signature, le sceau
rien n'y manquait. Voilà des municipaux bien em
pêchés, et non sans sujet. Ce Louis XI était un
Roi d'une volonté si absolue, d'une opiniâtreté si
tenace! Qui pouvait dire jusqu'où irait sa rancune?
Aussi, avant d'arriver au fait, MM. les échevins
et conseillers discoururent fort et biaisèrent long
temps. Celui-ci voulut qu'on eût recours 'a l'appui
du duc d'Esielau; celui-là, qu'on écrivait M. le
bailli c,et autremonseigneur le patriarche évê-
que de Bayeux. Vient le tour de Robert Delafon-
taine, qui, donnant plus franchement au but, s'en
va dj»e que la prière du Jfui valait comman
dement et qu'il ert fallait passer par où Sa
Majesté voulait. Pour le coup, Roger Gonël n'y
put teuir. Quand il s'agisait de liberté, ce Roger
G'onël n'entendait pas raillerie, et par malhenl
pour Désile, c'était un des plus influent du conseir.
Eh quoi! s'écria—t-il, le Roi n'a-t-il pas
confirmé la charte des Normands Où est l'article
qui lui permet de disposer de la main de nos filles?
Les Rois d'Angleterre, qui nous ont gouvernés
pendant trente ans et tant grevés, n'eussent pas
osé l'entreprendre. En Normandie, nous sommes
francs et libresce serait servitude si le Roi
mariait les filles sans le gré des parents il ne s'agit
pas ici du bien du royaume et delà chose publique,
mais d'affaires de famille qui ne regardent que
nous seuls. Pour conclure, ce mariage ne doit point
se faire. Dame Estiennotte est femme de tête et de
sens, qu'elle trouve un biais; si on la tourmente,
les conseillers ne doivent point lui manquer au
besoin. En tous cas, je réponds de moi, et l'on
sait comment je m'appelle.
La sortie était un peu hardie pour le temps, et
si Tristan Lhermite eut été l'a, il y aurait trouvé
au moins la moitié redire. Mais Roger Gouël
avait parlé avec une chaleur qui entraîna ces hom
mes indécis et jusqu'à Robert Delafontaine lui-
même, tout honteux de l'avis timide qu'il venait
d'émettre.
Qui dira le bonheur de dame Estiennotte lors
qu'elle se vit sure d'être appuyée? A peu de jours
de làelle avait fait avertir Désile il accourtne
se possédant pas de joie et dévorant en idée la
(i) L'art. 4 tic cet arrêté prescrit la ville, d'après l'enga
gement qu'elle avait pris, de fournir les locaux nécessaires,
tant pour la tenue des séances du Conseil de Prud'hommes
que pour la mise aux arrêts. Disons eu passant que la ville
n'a pas encore accoru) li son obligation sur ces points, pas plus
qu'a l'égard des Justices de Paix.
bonne dot du marchand l'eau lui eu venait la
bouche. He'las! c'e'tait mâcher avide, et tout d'a
bord il trouve au logis un coucours de monde qui
ne lui plaît guère; c'étaient les nombreux parents
et amis de Jehan Le Tellier et de sa femme, tous
gens riches, de bon renom, bien autorise'e dans la
ville, et dont l'air ne lui pronostiquait rien de bon;
plus, ve'ne'rable et discrète personne, M. l'abbé
Viote, l'un des grands-vicaires de la cathédrale,
grand-oncle d'Alice, homme de caractère, aussi
qu'aucun de sa robe, et dont le regard perçant,
fixe' imperturbablement sur Désile, mettait celui-ci
mal l'aise pour la première fois de sa vie. On fait
venir Alice un peu timide, un peu embarrassée
d'abord mais bientôt, enhardie par la présence de
tous ses parents, de tous ses amis dévoués, la jeune
fille diten baisant les yeux qu'elle n'avait au
cun vouloir de se marier, mais le dit d'un air
si renoncé, si détaché des choses de la terre, que
le jeune voisin qui était là avoua qu'Havait eu peur.
Désile ne demanda pas son reste. Il sut bientôt ce
qui s'était passé, et maugréa de toute sou âme.
Quelques heures après, il avait les houzeaux ses
jambes et moulait achevai; le jeune voisin lui rint
l'étrier d'un air officieux le bon traître qu'il était!