JOURNAL D YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. N<> 3072. 30me année. On s'abonue Ypres, rue de Lille, n® 10, près la Grand'place, et cher les Percepteurs des Postes du Royaume. PKI Y «F. LMBOXMENKWT, par trimestre, Pour Y prèsfr. 4 O® Pour les autres localités 4 4® Prix d'un numéro. S® Tout ce qui concerne la rédac tion doit être adressé l'Éditeur Y près. Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. 1*111Y DES IYSERTIOY8. 19 centimes par ligue. Les ré clames, tâ centimes la ligne. VÉRITÉ ET JUSTICE. 7??.SS, 10 MARS. LES CONSEILS DE PRUD'HOMMES. La loi la main, nous avons précisé l'état de choses pour lequel cette juridiction fut établie, et par des considérations générales nous avons prouvé qu'en dehors de ces conditions elle devient un danger au lieu d'être un bienfait. Lorsque nous avons dit que la fabrique, la ma nufacture, dans toute l'étendue du mot, n'existe pas Ypres, nous avons émis une assertion que personne ne s'avisera de contredire. Voyons ce qui existe en réalité et occupons- nous spécialement de l'industrie dentellière. De la draperiequi donna la célébrité a notre ville, nous ne possédons plus depuis longtemps qu'un admirable souvenir, le monument qui orne notre place publique. Si dans ces derniers temps, nous comptions quelques manufactures de rubans, elles ont dû céder devant les mécaniquesanglaises, comme la filature et la tisseranderie la fabrication des cuirs, des savons, des sels et des spiritueux est réduite de minces proportions; nous ne pro duisons presque plus rien qui soit réclamé par des besoins sérieux, nous ne travaillons plus qu'au profit des caprices et des passions: les brasseries prospèrent toujours, l'industrie dentellière a pros péré, mais, nous le voyons avec effroi, elle sembie être arrivée au point où commence le déclin. Plaise a Dieu que nous nous trompions 1 On se le rappellera, les marchands de dentelles seuls, ont, par l'organe d'un de nos représentants, provoqué dans la Chambre la faculté pour le Gou vernement d'instituer Ypres un conseil de Prud'hommes. Or comment s'exerce l'industrie dentellière? Les femmes s'y livrent a l'exclusion des hommes Rien ue peut intéresser davantage les catholiques belges que les efforts déployés par leurs compatriotes pour la propagation de la foi. C'est pourquoi nous avons publié dans le temps des fragments de lettres de M. Warlop, jeune belge, missionnaire de la Congrégation du S1 Coeur de Marie, lequel se trouve actuellement sur la côte occidentale d'Afrique. C'est pour le même motif que nous publierons partir d'aujourd'hui plu sieurs passages d'une lettre qu'il a naguère adressée au supérieur de cette Congrégation elle contient plusieurs détails qui, nous n'en doutons pas, exciteront au plus haut degré la curio sité de la plupart de nos lecteurs. Lt TTRE de M. Warlop, Missionnaire de la Congrégation du Suint Cœur de MarieM. le Supérieur. Dakar, 3o août 1846. iltmi djer père. Quelques juurs après mon arrivée Corée, M. Briot eut la boulé de me couduireà ta grande terre, c'est-à-dire Dakar, pour reudre visite au roi et choisir le terrain sur lequel nous devions bâtir. En mettant le pied sur cette pauvre terre je n'ai pu retenir mes larmes sur le sort de ce peuple qui me semblait devoir être confié un jour mes soins. Je souhaitai, et depuis ce temps j'ai souhaité mille fois, de mourir pour ces infortunés en m écriant Parce Domineparce populo tuo Mes chers confrères me conduisirent alors devant le roi et toute la cour. Je ne pus d'abord le remarquer, car il n'avait rieu qui le distinguât des autres. Couché dans le sable et mal vétu, it me tendit la main et la reporta sur son cœur j je fis do et s'il est des exceptions a cette règle, elles sont tellement rares qu'il doit être permis de ne point s'en occuper. On peut diviser en trois catégories, les person nes qui font la dentelle par métier les femmes mariées pour qui les soins du ménage et de la famille occupent la première place et qui ne pren nent le carreau que durant les heures libres afin de joindre quelque supplément au salaire du mari et de faciliter la vie commune; les célibataires qui ont le carreau sur les genoux depuis le malin jus qu'au soir, qu'elles n'aient pourvoir qu'a leur propre subsistance, ou qu'elles aient a pourvoir ou a aidera l'existeDce de leurs parents; enfin les enfants et même quelques jeunes filles qui tra vaillent dans les écoles. La dentellière, quelque catégorie qu'elle ap partienne, est avant tout libre et indépendante sous le rapport de l'exercice de sa profession elle travaille chez elle ou son école, elle n'est sous les yeux ou la surveillance ni d'un marchand- fabricant, ni d'aucune personne qui le représente; elle n'est assujettie aucune subordination elle travaille même pour son propre compte et lorsque sa pièce est terminée, elle va la vendre chez le marchand qui lui en offre le plus haut prix. Cette manière d'être fut générale, ou presque générale, mais depuis plusieurs années elle a subi des modifications. Jadis le dessin de la dentelle était peu varié, sa dimension ne l'était pas davantage l'ouvrière travaillait longtemps d'après le même patron; puis il y avait du calme et de la loyauté dans la concur rence l'ouvrière pouvait travailler toute sa vie pour le même marchand. Aujourd'hui les caprices de la mode et la spéculation multiplient sans bor nes les dessins et la dimension des dentelles: les ouvrières ne sont pas toujours en étal de répondre même et tous ceux qui l'eutouraieut suivirent son exemple. Je lui fis présent d'une chalue en cuivre bien poli que je sus pendis sou cou; tout le monde alors se leva, puis joiguant les mains, et portant les yeux au ciel, tous s'écrièrent Y alla h Yallah'. Mon Dieu! mon Dieu! Bissimi lay, bi&simi layquelle merveille! quelle merveille! Tous étaient dans le ravissement et n'avaient jamais vu pareille chose. Ils nie demandaient ce que je voulais et m'offraient tout ce qu'ils avaient, mais je leur fis répondre que je ue voulais rien sinon qu'ils donnassent leur cœur Dieu. Je désirai voir ensuite la case du roi; on me la montra, mais encore une fois point de distiuctiou. Je m'informai de ses biens; 011 me dit qu'il était riche, en argent, en terre, en bœufs, en captifs et eu femmes. 11 me prêta ses chevaux et je continuai ma route. Une foule de Noirs me suivaient; tous voulaient me précéder pour pouvoir mieux me fixer. L'un di sait que j'étais le graud-père de Mahomet, l'autre que j'étais plus que Mahomet, un autre que j'étais le grand Tnubabe. Celui-ci tenait ma soutane, celui-là nia ceinture, et tous ont couservcjusqu'a présent le même respect pour le marabout blanc. Après avoir bien examiné le terrain, j'ai choisi celui qui m'a paru le plus avantageux i° sous le point de vue de la salubrité 2° sous le rapport de la position favorable pour an noncer la bonne nouvelle; je dis favorable, car c'est Je point central de 12 villages, et il est prés de la capitale: 3° par le^ produits avantageux pour la construction de notre vaste sémi naire qui a 36 mètres de long sur i5 de large et est entouré de galeries de 3 mètres de large avec ooiouues d'après l'ordre toscau. M« voilà doue installé Dakar avec le frère Siméou. Peu- aux exigences et sont forcées de quitter un magasin pour un autre; ensuite l'ardeur et l'àpreté de la concurrence portent les marchands s'arracher les ouvrières par des moyens qui les séduisent et les perdent. D'un coté, le changement continuel de par chemin ralentit le travailcomme l'uniformité l'accélère, et diminue la journée de l'ouvrière, d'où il résulte une gène qui l'oblige réclamer des avances; c'est le premier pas vers la dépen dance. D'un autre coté, le marchandsoit qu'il entre dans le négoce, soit qu'il veuille y donner une nouvelle impulsion, allèche les ouvrières par l'es poir d'un bénéfice plus grand par l'appât de plus grandes avances; il donne, et la mère de famille qui est dans le besoin accepteet la jeune fille qui aime le plaisir prend au plus au mieux; l'une et l'autre tombent dans l'assujétissement. Ainsi les ouvrières deviennent débitrices du marchand, qui n'est pas, d'ordinaire, un créancier facile; il les tient désormais dans ses griffes: elles ne peuvent plus travailler que pour lui elles ne peuvent plus travailler que la dentelle indiquée; elles doivent travailler pour le salaire qu'il trou vera bon de leur accorder. A l'assujétissement vient se joindre la misère, la plus honteuse misère; elles se trouvent entre deux éctieils la prosti tution et l'abus de confiance; elles ont en perspec tive le tribunal correctionnel et même la Cour d'assises. Les conseils de Prud'hommes pourraient-ils ap porter quelque remède ces maux Nous en avons dit assez dans nos articles pré cédents pour qu'une réponse négative ne se lasse pas attendre cette question.Les inconvénients qui se rattachent l'institution dans les petites villes, sous le double point de vue de l'inaplicabilité morale et matérielle des dispositions organiques dant 15 jours, j'allais chaque soir oie coucher Gorée au risque de périr daus la traversée; au bout de ce temps, M. le préfet de S1 Louis et M. Arragôu me conseillèrent de rester Dakar où je passai désormais les nuits dans une petite case. Dès les commencemeiis de mou séjour Dakar, je ine mis, tout en coutiuuaut mes travaux de construction, enseigner aux en- fans le signe de la cioix, la prière, et le chant des cantiques, et je cherchai leur faire counaître comme je pus Jésus-Christ. oici la mauière dont je m'y prenais comme je ue connaissais pas encore les prières en Wolof, je les leur enseignais en fran çais, quatre ou cinq mots la fois. Quaud ils les savaient, on les chantait, et bientôt tous les enfaus de Dakar et les mara bouts eux-mêmes surent faire le signe de la croix, et réciter le Fater et l'Ave en français. Chaque jour je réunissais pour cet exercice 20 3o personnes pendant l'heure du diuer, et ensuite une foule d'autres venaient une beure et deux heures. L'heure du travail arrivée, je m'y rendais accompagué de tous ces braves gens; les grands se disputaient avec les petits jiour me donner la maiu, pour tenir ma ceinture, et j'étais tellement serré par eux que je ne pouvais marcher sans tou cher leurs pieds, de manière que je restais quelquefois un quart d'heure pour faire deux minutes de cheiniu. Quelque fois, et même assez souvent, je les arrêtais tous, les plaçais sur une seule ligne et les embrassais en pleurant. Quelques-uns faisaient comme moi, d'autres venaient essuyer mes larmes avec leur pagne, d autres regardaient le ciel en jetant des cris que je ne pouvais comprendre et sautaieut de joie. Arrivés au lieu de nos travaux, tous me demandaient embrasser la croix de missionnaire que je porte toujours sur la poitriuv. Plusieurs

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Le Propagateur (1818-1871) | 1847 | | pagina 1