JOURNAL D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
No 3075.
30me année.
17 centimes par ligne. Les ré
clames, centimes la ligne.
7PF.3S, 20 Mars.
Le Progrès ajoute gravement, en annon
çant que les grains ont éprouvé une baisse
sensible Louvain C'est la continuation
du mouvement rétrograde qui se manifeste
généralement. On voit que le Progrès
commence ne plus s'effaroucher du ré
trograde.
Hier le sieur Decoene, boulanger près la
porte de Menin, est mort subitement en
dînant.
M. II. Boone de Vlamerlinghe, directeur
du séminaire de Bruges, vient d'être nom
mé chanoine honoraire.
Le Journal des Flandres pose ce singulier
dilemme Ou la publication de la lettre
de M. Vandecasteele constituait un acte
coupable, et des poursuites devaient suivre
immédiatement cette publication, et M.
d'Anethan a manqué son devoir en ne
les ordonnant pas; ou cette publication
n'offrait l'époque ou elle a été faite ni
gravité ni danger, et sa criminalité ne peut
pas se conclure de l'étendue de la publicité
qu'elle a reçue. Le Journal des Flandres
feint ici d'ignorer que ce n'est pas au Mi
nistre de la Justice, mais au parquet qu'il
appartient de poursuivre les délits; que le
Ministre n'est pas responsable d'une négli
gence des magistrats compétents; et que
d'ailleurs la poursuite est inutilement or
donnée tant que la prescription n'est pas
acquise au délinquant.
Nous nous plaisons toujours enregis
trer toutes les actions qui visent l'amé
lioration du sort des pauvres. Non pas que
nous voulions dire par-là que ce que nous
publions maintenant soit un moyen infail
lible de contrebalancer la misère affreuse,
qui décime en ce moment nos classes ou
vrières; mais c'est toujours un moyen de
procurer de l'ouvrage une masse de
malheureux, qui ne demandent rien de
mieux que de pouvoir gagner leur pain,
même par les plus rudes travaux; c'est
aussi un exemple bon suivre et qu'on
peut mettre partout en pratique. Venons
au fait.
M. V an Eecke-Vandermeersch, brasseur
et distillateur Langemarck, avait 170,000
briques faire transporter pour la con
struction d'un nouveau bâtiment. 11 pou
vait très-avantageusement faire chercher
ces briques par des chevaux; mais le cri
de l'humanité étouffa celui de l'intérêt.
Ému la vue de cette multitude épuisée
et déguénillée, qui parcourait les champs
en demandant l'aumône pour prolonger
encore sa misérable existence, et dont les
bras inactifs semblaient implorer de l'oc-
cupatiou, une idée louable lui a été inspi
rée et a reçu son exécution sans plus tar
der. Il a donc enrôlé une trentaine de
braves gens pour faire chercher ses bri
ques la brouette. Il leur paye 18 centi
mes le cent, de sorte qu'ils peuvent gagner
de 75 centimes fr. 1-10 par jour, c'est-
à-dire un salaire moyen de 90 centimes.
Nous l'avouons, ce salaire est bien minime,
et est loin d'être suffisant un père de fa
mille pour entretenir sa femme et ses en
fants; mais on doit convenir avec nous,
que c'est déjà beaucoup pour des hommes
qui sont habitués ne rien gagner, et
vivre totalement de la charité publique.
M. Van Eecke aussi a compris cela, et dans
son élan généreux il a voulu les compenser
d'une autre manière. Il fait tous les jours
une soupe économique, préparée comme
suit
5 kil. jarret ou tête de bœuf
40 centfr. 2 00
2 kil. de ris 60 cent. 1 20
1/2 id. de sel0 14
Du pain pour1 00
Légumes hachés 0 10
Combustibles0 56
5 00
La viande bouillie est hachée et mêlée
la soupe. Cela lui donne cinquante litres
de soupe, qui revient par conséquent 10
centimes le litre. Nous-mêmes avons eu la
curiosité de goûter de cette soupe nous
l'avons trouvée très-excellente, très nu
tritive et consistante. M. Van Eecke s'est
empressé de nous communiquer tous ces
détails sur la confection de sa soupe, dont
chaque ouvrier reçoit un litre son dîner.
Il ne se bornera pas seulement faire
transporter ses briques la brouette mais
même tous les matériaux divisibles qui se
ront nécessaires la construction de sa
bâtisse. Nous applaudissons son idée, et
désirerions que cet exemple fut suivi par
tout; car ne serait-il pas mille fois plus
humain de procurer du pain nos ouvriers
indigents, plutôt qu'à des chevaux qui, en
plus d'une façon, empiètent sur les droits
nos malheureux semblables? Si Dieu nous
prête vie nous nous proposons de revenir
bientôt sur ce dernier point.
Monsieur le Rédacteur
Nous venons d'être témoins d'une scène
bien touchante et qui laisse réfléchir pro
fondément sur la triste situation des Flan
dres Quatre cents et quatre-vingt-dix ouvriers
valides se sont émigrés cette nuit pour aller
travailler au canal latéral de la Meuse!
Sans même s'en doutercette troupe cou
rageuse ira protester jusqu'aux foyers de
leurs frères les Wallons contre les repro
ches d'indolence et de paresse qui leur ont
été lancés la tribune nationale, comme
une conséquence inévitable de la domina
tion cléricale.
Voici l'histoire de celte émigration jus
qu'ici inouïe dans nos contrées passé une
dixaine de jours, M. Van Eecke, notaire
Ypres, ancien habitant de la commune de
Moorslede, se trouvant avec M. Drappier,
entrepreneur dudit canal, la conversation
roula sur la misère des Flandres provenant
du manque d'ouvrage par suite de la déca
dence de l'industrie linière; M. Drappier
répondit Chez nous ne manque pas d'ou
vrage, puisque je suis fort en peine de
trouver les ouvriers nécessaires pour ache
ver mon entreprise. A quoi M. Van Eecke
répondit Combien vous en faut-il? A
peu près cinq cents. Eh bien, je vous en
fournirai cinq cents de la seule commune
de Moorslede. Bon, je les attends.
La-dessus l'honorable notaire donne avis
de son entrevue la régence de notre com
mune, qui a accepté la proposition avec
reconnaissance. M. Van Eecke, voulant
coopérer l'exécution de sa bonne idée,
s'est aussitôt adressé au ministre des tra
vaux publics afin d'obtenir le transport
gratuit desdits ouvriers par le chemin de
fer; ce que le ministre a accordé avec em
pressement. De son côté, la régence de
Moorslede a envoyé une députa lion Liège
pour y procurer un abri et des vivres leur
troupe. Pendant ce temps on a convoqué
tous les ouvriers sans ouvrage afin d'en X
On s'abonne Tpres, me de
Lille, n* 10, près la Grand'place, et
chei les Percepteurs des Postes dn
Royaume.
PRIX DE I/AROXXEMEXT,
par trlme«lre,
Pomr Ypresfr. 4O®
Pour les aatres localités 45®
Prix d'un numéro. 4®
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
l'pres. Le Propagateur parait
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IXSERTIOXS.
vérité et justice.
Moorslede, 17 mars.