Ainsi que nous l'avons déjà constaté,
c'est le 42 février que le Tweed s'est jeté
sur l'écueil des Alacranes. Le vent soufflait
violemment du nord, la mer était grosse,
et le navire, faisant sept nœuds et demi
l'heure, avait été entraîné par les courants
50 milles hors de la roule. Le capitaine,
qui n'avait pu reconnaître sa position
cause de l'état de l'atmosphère, aperçut
tout coup le danger dont il était menacé.
Il lit aussitôt jouer les roues reculons;
mais il était trop tard, le navire se heurta
au rocher avec une telle violence que la
machine vapeur fut brisée et ne put ren
dre aucun secours. Une demi-heure après,
il ne restait plus du Tweedgrand bâtiment
de 1,800 tonneaux, que quelques débris
engagés dans les rochers.
Par un heureux hasard, la marée était
basse lorsque le sinistre a eu lieu, et l'écueil
se trouvant momentanément sec, offrit
un asile ceux des naufragés qui ne furent
pas immédiatement engloutis. Si la marée
avait été haute, tout le monde aurait pro
bablement péri.
Un petit canot avait été sauvé; le lieu
tenant Davis reçut ordre de s'y embarquer
avec huit matelots pour aller chercher du
secours. Le port le plus rapproché, celui
de Sisal, était une distance de plus de
cent milles et il fallait presque un miracle
pour que celte frêle embarcation surmon
tât les dangers d'une pareille traversée.
Le lieutenant Davis partit et les naufra
gés se mirent l'œuvre pourfendre leur
position tenable jusqu'à son bçtour qu'ils
osaient peine espérer. Ainsi que nous
l'avons dit, grâce la basse marée, ils
avaient pu se réfugier sur le rocher; mais,
peine la nuit venue, ils entendirent le
bruit du flux, bientôt les vagues, s'éle-
vant lentement, firent rejaillir leur écume
jusque sur ces malheureux qui enfin se
sentirent envahis par la mer.
On comprendra l'épouvante laquelle
ils durent être en proie pendant tout le
temps que la marée continua monter.
Plongés dans une eau glaciale qui s'élevait
incessamment, ils craignaient qu'elle ne
s'arrêtât pas avant de les avoir entièrement
submergés. Enfin, après de longues heures
d'agonie, le mouvement de reflux com
mença; ils n'avaient plus redouter ce
péril. Mais ils ressentirent bientôt les at
teintes de la faim et de la soif, et, pour les
calmer, ils furent d'abord réduits se
nourrir d'un peu de farine délayée dans
du vin et de l'eau de-vie. Plus tard, quel
ques matelots s'avanturèrent autour du
rocher et réussirent trouver quelques
homards et des coquillages.
Le troisième jour, on réussit élever une
espèce de tréteau sur lequel montaient une
partie des naufragés pendant les hautes
marées. Le même jour, la mer jeta une
boîte d'allumettes chimiques, avec lesquel
les on alluma du feu. La farine fut alors
convertie en pain grossier.
Un incident ajoutait l'horreur de celle
situation. Neuf hommes étaient demeurés
suspendus aux débris du navire, et se
trouvaient séparés du plateau de l'écueil
par uneassez grandedistance; ils restèrent
là deux jours, n'osant pas franchir le gouf
fre. .Mais enfin la faim les força se jeter
la mer pour essayer de rejoindre leurs
compagnons sous les yeux desquels ils pé
rirent presque tous.
Cinq jours et cinq nuits s'étaient len
tement écoules au milieu de ces angoisses,
lorsque tout à-coup une voile apparut
l'horizon c'était un brick espagnol qui
avait été rencontré par le canot envoyé
Sisal. Le capitaine de ce navire s'empressa
de se rendre sur le lieu du sinistre, où il
arriva temps pour recueillir 82 person
nes qu'il transporta d'abord Sisal, et en
suite la Havane.
On lit dans le Précurseur Parmi
les millions perdus avec le vapeur Tweed,
se trouvaient de 5 000.000 fr. pour MM.
Rothschild frères, qui ont l'habitude de ne
jamais se faire assurer.
Un fait assez curieux s'est passé, il y
a huit ou dix jours, dans une commune
voisine de Bordeaux. Un jeune novice, le
nommé Jean D..., faisait partie de l'équi
page du Jeune Théodorechasse-marée qui
se perdit corps et biens, il y a environ deux
mois, dans la Manche, en face de Cher
bourg. Les journaux annoncèrent la perte
du chasse-marée et celle de tout l'équipage,
et l'acte de décès de Jean D... fut envoyé
dans sa commune, N., près Bordeaux.
A quelque temps de là, le maire vit ar
river chez lui un jeune homme qui s'an
nonçait sous le nom de Jean D... Le maire
de N. est un homme fort soupçonneux; les
figures étrangères lui sont toujours très-
suspectes et n'ont jamais pu, dans aucun
cas, attirer sa confiance.
A ce nom de Jean D..., M. le maire pré
sente donc aussitôt l'acte de décès au jeune
homme, et menace de le fairearrêtécomme
prévenu d'avoir pris un faux nom et un
déguisement dans le but de tromper la foi
publique.
Jean D... fait alors comprendre au maire
comment il a échappé au sort de ses com
pagnons. Au moment du naufrage, il se
trouvait Cherbourg, eu commission, de
sorte qu'il avait pu voir de la plage infor
tuné navire jeté la côte et emporté par
les lames.
Le récit de Jean D... paraissait si véridi-
que que M le maire de N. commença re
venir de ses premiers soupçons, et se mit
chercher sur les registres de la commune
l'acte de naissance de Jean D... Mais c'est
alors que l'étonnement du maire est arrivé
son comble Jean n'était pas inscrit sur
les registres! Il se trouvait donc avoir de
vant lui un homme qui était mort selon la
loi sans être jamais né.
Il y avait bien là de quoi faire perdre la
tête un fonctionnaire plus habile que ce
lui de N.; aussi notre pauvre maire n'a-t-il
pu résoudre la question et en a-l-il référé
la police de Bordeaux. Celle-ci, après
s'être assurée que deux erreurs avaient été
commises aux sujet de Jean D..., a rem
placé son acte de décès par un acte de nais
sance en bonne forme, Jean.... est revenu
N., qu'il avait quitté l'âge de huit ans,
et où il a eu la plus grande peine se faire
reconnaître.
Sa famille elle-même, qui avait quitté le
pays peu de jours après son départ, avait
été presque oubliée par les habitants de la
commune, et aujourd'hui Jean D... est
la recherche de ses père et mère, qui se
sont, ce qu'il paraît, retirés du côté des
montagnes.
FRANCE. Paris, 40 avril.
Le Roi vient de décider que la statue du
lieutenant général comte Druot serait pla
cée au Musée de Versailles.
M. Hudson, surnommé le Roi des
chemins de fer, est Paris depuis quel
ques jours. Il a déjà visité les lignes de
Paris a Rouen et de Rouen au Hâvre, Au
jourd'hui il doit visiter celle de Paris
Orléans et d'Orléans Tours.
Il est décidé maintenant que le gou
vernement ne présentera pas celte année
de projet de loi d'ensemble pour les nouvel
les ligues de chemins de fer. On a-négocié
pendant quinze jours; les diverses compa
gnies ont lait leurs demandeset ont appuyé
sur l'impossibilité de construire leurs tra
vaux si on ne leur accordait pas quelques
modifications importantes et surtout un
miuimun d'intérêt. Les demandes de plu
sieurs compagnies étaient déjà admises
lorsque tout coup M. Dumon a annoncé
aux compagnies que la position financière
ne permettait pas de rien accorder celle
année. Celte résolution a été prise la suite
d'un conseil de cabinet.
On assurait hier la bourse que la
banque de France avait prêté 30 millions
5 p. c. au trésor, sur ses billets un an,
et qu'un riche capitaliste lui avait fait un
prêt de 5 millions aux mêmes conditions.
Le projet de loi sur l'instruction se
condaire aété revêtu de la signature royale.
11 sera présenté la chambre des députés
dans la séance du lundi 42, par le ministre
de l'instruction publique, en même temps
que le projet de loi sur l'instruction pri
maire. (Moniteur.)
La Palnepublie la note suivante, dont
nous lui laissons la responsabilité:
Une estafette, arrivée ce soir au ini-
nislèredesaffaires étrangères,ya rapporté,
si nous sommes bien informés, les plus
graves nouvelles d'Espagne. Des troubles
violents auraient éclaté Madrid et mena
ceraient la personne même de la Reine.
dre qu'il venait de creer. L année precedente, Sa
Majesté' le Roi des Belges l'avait aussi décoré de
son ordre royal elle le nomma plus tard consul de
Belgique près du Saint-Siège, honneur que M.
Valentiui refusa après quelques années pour suivre
ses premières inspirations et se donner tout Dieu.
M. Valentiui fut ordonné prêtre au mois de sep
tembre 1846 dans l'église de Saint-Vincent-de-
Paul, pour lequel il a toujours eu une dévotion
toute particulière. On comprend qu'un prêtre aussi
distingué ait attiré l'attention de Pie IX, qui met
un soin tout particulier u'élever aux dignités de
la cour romaine que des hommes dont les qualités
émioentes fout concevoir les plus belles espérances
a l'Église et a l'État.
Nouveaux détails suit le naufrage du
steamer Tweed.— Far le paquebot vapeur
Avon, on a reçu en Angleterre des détails
très-complets sur le naufrage du steamer
Tweed. Le nombre des victimes, qui n'avait
été d'abord évalué qu a GO, est de 73 dont
51 passagers et 42 hommes d'équipage. Il
n'y avait que trois femmes; elles ont péri
toutes trois. Parmi les morts on compte le
général belge Lecharlier.
NÉCROLOGIE.
M. Forneville, membre du conseil provincial du
Brabant, de la commission proviuciale et du con
seil supérieur d'agriculture, est mort Berlhetn
dimanche dernier après une courte maladie.
M. le géne'ral Dutillœul est mort dimanche
matin, a dix heures. Cet officier-général n'a cessé
de souffrir gravement depuis une chuie de cheval
qu'il fil lors de la revue qui eut lieu le jour de la
rentrée des Chambres, au commencement de no
vembre dernier; mais rien cependaut ue faisait
présager une moit aussi prochaine.
L'encaisse de la banque de France était, il v
a deux joursde 68 millions a Paris et de 42 mil
lions pour les comptoirs, mais il va falloir pour
le mois de mai 10 millions au commerce pour les
achats de laiues et pour le mois de juiu 20 mil
lions pour les achats de soies.
Le bruit s'est re'pandu qu'une difficulté' sé-
riense s'était élevée entre notre consul Porto et
le gouvernement portugais, au sujet d'une avarié
faite a un navire français par l'escadre qui bloqué
le Douro.
On assure que pour réaliser un projet depuis