JOURNAL D YPRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
3089.
30me année
7??.SS, 8 MAI.
On se plaignait tout coup de la mau-
vaisequalitédu pain du boulanger ïaccoen,
rue de Lille, paroisse de S'-Pierre. Ces
plaintes étonnaient, parce que Taccoeu
était connu comme exerçant sa profession
avec beaucoup de loyauté. Cependant les
réclamations devinrent très vives, et Tac-
coen reconnaissait lui-môme que la farine
lui paraissait contenir quelque substance
étrangère, qui rendait le travail plus dif
ficile, et donnait au pain un goût insipide
et un aspect desagréable. La Régence étant
intervenue, on a soumis l'analyse chimi
que la farine qu'on employait chez ïac
coen, et qui provenait du moulin de R
Les résultats de l'opération et les inves
tigations de la police ont démontré ce
qu'on rapporte, que le meunier mêlait
la farine une certaine quantité de craie.
Il le fit probablement d'abord très pe
tite dose, mais en augmentant outre me
sure ce mélange frauduleux, il a éveillé
l'attention et fait découvrir la fourberie.
C'est ainsi que l'injustice tombe ordinai
rement dans ses propres filets. Cette re-
préhensible supercherie, qui faillit com
promettre le débit d'un honnête père de
famille, et jeter sur lui le décri public, ne
tardera pas être l'objet d'une instance
correctionnelle. On est indigné de voir,
que malgré tous les soins et toute la vigi
lance des autorités, un sordide esprit de
spéculation, ou plutôt de vol, s'aventure
attenter aussi évidemment la santé des
citoyens. On prétend que le boulanger
Yandepitte, rue de Roesinghe, qui fesait
moudre ses grains chez le même meunier,
avait aussi déjà reçu des farines sophisti-
On s'abonne Ypresy rue de
I.illen° 10, près la Grand'place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PKI\ DE L 4BO*\EME\T,
par trimestre.
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités 4 50
Prix d'un numéro. Dto
1 7 centimes par ligne. Les ré
clames, 2 5 centimes la ligne.
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
Ypres. Le Propagateur paraît
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IAMERTlOY«i.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
T.e Progrès a recueilli de ses deux mains les
cteincelles d'esprit dont il est entouré pour nous
donner une réponse aussi blême que la vie poli
tique de son cher candidat-sénateur.
Comment répliquer h nos contradicteurs? Si
nous nous adressons a la Feuille, elle dit que son
protégé seul est en cause; si nous parlons de
son rédacteur en chef, il s'écrie que la Feuille
seule est en cause. Et voilà comment se dérobe
a. nos coups le défenseur embarrassé d'une mau
vaise cause toutes les fois que nous sommes près
de l'atteindre. Mais il y a quelque chose de plus
curieux, c'est que le rédacteur en chef du Progrès
s'est naïvement imaginé que nous le confondions
avec le candidat qui se présente en opposition a
M. DeNeckere; il n'en serait pas fâché vraiment,
et nous parions que l'eau lui en est venue la
bouche. Patience, Confrère, patience! d'autres
aussi sont arrivés, par la voie de la presse, dans les
Chambres et même au Ministère ils ne valaient
pas plus que vous peut-être et dès lors il ne faut
point désespérer.
Si vous exceptez trois ou quatre grandes villes
les libéraux sont réduits 'a une pitoyable minorité
dans les élections générales; et encore dans les
grandes villes, tout succès serait impossible sans
de honteuses coalitions la conclusion naturelle est
que l'opinion publique ne se trouve pas derrière les
libéraux comme ils le prétendent; c'est contre
cette opinion qu'ils sont obligés de lutter et pour
donner le change, ils placent dans la lice électorale
deux fantômes: le Gouvernement et l'Eglise.Cette
conduite est trop dégouttante pour qu'on se per
mette de dire qu'elle est cocasse. Que le Progrès
tourne en ridicule tout ce qui est sérieux et grave,
nous ne pouvons l'empêcher; mais dussions pas
ser pour des Japonais et des Chinois nous con
tinuerons respecter les puissances légitimes,
l'autorité de l'Église comme le pouvoir civilet le
pouvoir civil comme l'autorité de l'Église. Et
aussi longtemps que le contraire ne nous sera
point prouvé, nous nierons bon droit que le
Gouvernement, que le corps ecclésiastique descen
dent des luttes où se révèlent les plus tristes
passions. Le gouvernement n'a donc pas se pro
noncer entre M. De Neckere et M. Malou; M. De
Neckere ne proteste point qu'il est le candidat du
Ministère. Nous savons bien que M. Malou-Ver-
gauwen voudrait que le Ministère pesât en sa fa
veur de tout son poids dans les élections, nous
savons bien qu'il a invoqué l'appui de l'évêché,
voudrait-il nous communiquer les déclarations
qu'il a reçues a Bruxelles et a Bruges? Ainsi le
Progrès soutient un homme, qui est allé frapper
la porte du Gouvernement et de l'Évêché, et il
se cabre contre l'influence électorale du clergé et
du Ministère! gardez vous de lui rire au nez, car
il se fâcherait tout blanc.
Voici franchement les motifs pour lesquels le
Progrès décline la candidature de M. De Neckere
et les considérations prépondérantes qu'il fournit
a l'appui de M. Malou.
Celui-ci est en possession l'autre n'a pour titre
que le brutal ote toi de là que je m'y mette. Le
Progrès veut oublier que M. De Neckere est Sé
nateur aussi bien que M. Malou et que le fameux
et machiavélique principe, dont M. DeNeckere n'a
pas besoin est précisément celui que les libéraux
mettent en pratique partout où ils ont quelque
chance de dépister un Sénateur ou un représen
tant catholique.
Le plus indépendant de fortune et de carac
tère est celui qui doit être préféré. Or, M. De
Neckere est fonctionnaire public, M. Malou ne
l'est point; M. De Neckere a des enfants placer,
il n'en est pas de même de M. Malou. Ce n'est pas
le lieu de développer la thèse rebattue des incom
patibilités, il suffira de faire observer que les oisifs
ne demanderaient pas mieux que de supplanter les
fonctionnaires et de passer une partie de leurs
loisirs dans la capitale. Quoique M. Malou n'ait
pas d'enfants placer, quoiqu'il ne soit point
fonctionnaire, pensez-vous qu'aucune séduction
ministérielle n'aurait plus de prise sur lui? Le
Progrès n'est pas si candide qu'il ne connaisse
point la puissance des rubans, des cordons, et des
titres nobiliaires. Ceux que la fortune a gorgés
d'or, qui ne veulent d'aucune fonction ou sont
incapables d'en occuper, ceux-là brûlent de la
soif des honneurs et des dignités. L'homme est si
faible et le pouvoir a tant de charmes! Panitas
vanitatum et omnia vanilales'
On n'a pas oublié que M. De Neckere a été
échevin de la ville d'Ypres. Non certes, ni que
les libéraux l'on congédié de par le brutal ole-
toi de là que je m'y mette. Mais il est faux que
M. De Neckere ait toujours paru animé d'un
esprit d'hostilité envers la ville d'Ypres et son
arrondissement ou qu'il brigue le siège du Sénat
pour faire des espiègleries aux Yprois. M. De
Neckere est loin de prétendre l'obséquiosité de
qui que ce soitil se borne refuser sa bien
veillance a ceux qui ont amené sa proscription:
cela est très-simple, tout le monde agirait de la
sorte; les libéraux seuls iraient plus loin, ils se
vengeraient par tous les moyens en leur pouvoir.
Le Progrès incrimine donc gratuitement les in
tentions de M' De Neckere qui a l'âme trop élevée
pour qu'elle soit accessible de misérables tracas
series. Des jeunes gens auxquels on défère préco
cement quelque autorité peuvent s'amuser des
espiègleries, mais des hommes inùrs et rassis jamais!
Mr Malou est serviable et les intérêts de l'arron
dissement ont été pris cœur par lui, selon le
Progrès quant nous, il est impossible que nous
trouvions un fait de nature justifier cette assertion;
nous connaissons quelques démarches faites, quel
ques efforts déployés par Mr Malou qui n'ont
produit aucun résultat avantageux, nous en con
naissons même qui par leur indiscrétion ont produit
des résultats nuisibles.
Nous avons fait remarquer que M' Malou n'est
pas libéral dans le sens du Progrès peu nous
importe, répond le confrère, il nous suffit que vous
ne vouliez pas de M' Malou pour que nous le
soutenions. C'est là le mot de l'énigme, tous les
autres motifs allégués par le Progrès ne valent
que de la poudre jetée aux yeux. Que le Propa
gateur prononce le nom le plus honorable et le
Progrès jettera de la boue sur ce nom. Si nous
avions appuyé Mr Malou, il est probable que le
Progrès eut pris le parti de M' De Neckere.
Le généreux confrère persiste dans sa tactique
de nous attribuer les vices qui le rongent; ce n'est
pas lui qui traîne dans la fange Mr De Neckere,
c'est nous qui trairions dans la fange Mr Malou ce
n'est pas lui qui fouille dans la vie privée, c'est
nous qui levons calomnieusement le voile de l'in
timité; et cependant il avoue qu'il prépare une
biographie de Mr De Neckere où il n'épargnera,
nous nous y attendons, ni la vie privée, ni la vie
publique ce sera l'arme désespérée qu'il empioyera
au milieu de la mêlée électorale.
Au surplus le Progrès n'y met point de façons,
il déclare ouvertement qu'il ne se soucie ni de la
vérité, ni de la justice; il adopte pleinement la
maxime de Voltaire Mentez toujoursil en
restera au moins quelque chose.
Mendacium vires acquirit eundo.