JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
Ko 3112.
31me année.
1 7 centimes par ligue. Les ré
clames, centimes la ligne.
Les tâtonnements du Journal des Baziles
pour fureter dans les détails et dans le
personnel de notre rédaction n'auront pas
le succès qu'il s'en promet. Aucun motif
de déférence ne peut nous porter satis
faire la curiosité gratuite qu'il afliche.
De plus, en présence des principes d'es
pionnage et de destitution pour opinions
politiques qu'il professe, une réserve dis
crète n'est-elle pas de conseil? Jamais, il
faut l'avouer, le rôle honni de mouchard
ne fut joué avec plus d'impudeur. L'in-
quisition espagnolle, de disgracieuse mé
moire, n'était rien en comparaison de
l'inquisition qui s'organise au nom du
libéralisme dès avant son avènement. Que
serait-ce, si un tel libéralisme, le libéralis
me-mouchard du Progrès, venait un jour
au pouvoir? Une confidence épistolaire est
trahie, cette trahison est pour la presse
orangiste une bonne fortune; ellel'exploite
durant un mois; il fallait toute force
calomnier le but de la lettre, il fallait dans
l'avenir s'en faire un moyen de rendre un
fonctionnaire intègre suspect ses chefs
futurs. Malheureusement il s'agissait de
soulever les colères des libéraux, et il
n'était point parlé des libéraux dans cette
épîlre. Peu importe, l'orangisme y était
mentionné c'est que sous celte dénomi
nation on entendait les libéraux! 11 y était
question de la défiance que doivent inspi
rer partout l'impiété et l'immoralité c'est
encore le libéralisme qu'on a voulu stig
matiser par ces expressions! Aux yeux du
Progrès, le libéralisme, l'orangisme, l'im
piété, l'immoralité, sont synonymes et
soit que vous vous prononciez contre l'une
on l'autre de ces deux plaies sociales, ou
que vous montriez de l'antipathie pour
l'une ou l'autre de ces deux opinions poli
tiques très distinctes, vos idées sont incen
diaires, cléricales, dépourvues de bon sens.
A la violation d'une correspondance
confidentielle ne se borne nas la besogne
des Baziles. 11 ne leur suffit pas non plus
d'en forcer, d'en torturer et d'en dénaturer
le texte et le sens. Us portent leurs inves
tigations plus loin. Tout autre croirait
qu'il suffit de l'écriture, de la signature,
de l'envoi et du cachet d'une lettre, pour
savoir de qui elle émane; non, les procu
reurs fiscaux de la libéralerie-pérruque ont
plus de malice. Selon eux, la malencon
treuse lettre peut avoirétérédigée Ypres,
Bruges, ou en d'autres lieux, mais elle
n'est pas l'œuvre du signataire celui-ci
ne peut tout au plus que l'avoir corrigée.
On va même jusqu'à l'attribuer un avocat
du barreau, ou bien aussi la rédaction
du Propagateur que l'on a l'air d'identifier
avec lui! Les vagues incertitudes du Progrès
semblent s'étendre jusqu'au comte de Mue-
lenaere, qu'il appelle si spirituellement le
satrape de la province, et peut-être jus
qu'au cabinet. Nous ne savons si c'est dans
ce but qu'il rélève dans le même numéro
deux incorrections de style, l'une dans nos
articles relatifs la prétendue circulaire,
l'autre dans une circulaire véritable de M.
De Theux.
Et toutes ces peines, toutes ces fatigues,
que les hommes du Progrès se donnent,
ont pour dessein avoué et direct d'arriver
la possibilité d'une destitution pour opi
nions politiques. Si des fonctionnaires d'un
rang élevé doivent d'après les caprices
rancuneux de certain libéralisme se ré
résigner un pareil état de vasselage et
d'asservissement, au joug d'une semblable
terreur organisée, si les viles délations et
l'infâme calomnie sont appelées jouer
sous ses ordres un rôle si important, qu'on
juge de ce qui arriverait aux fonctionnai
res inférieurs, toutes les personnes en
place, celles que leur industrie ou leur
négoce fait de près ou de loin dépendre
des administrations, et aux particuliers
qpi n'ont que les impôts pour toute parti
cipation la chose publique.
Après cela, vous êtes plat valet d'un mi
nistre, vous lui avez immolé vos opinions,
vos convictions, vous avez subi le Congrès
libéral, l'Alliance de Bruxelles, l'Union
yproise, la souscription Sue, et tout ce
que la Franc-maçonnerie a voulu, et vous
vous croyez l'abri d'une destitution?
Tètes débonnaires! le Progrès annonce que
c'est là bien peu de chose, et qu'il faut,
pour être digne de la confiance de son
parti, qu'on n'appartienne ni par ses
alliances ni par son éducation au parti de
ceux qui combattent le ministère. Le
Progrès promène ainsi la bâche dans ses
propres rangs. Si M. Alphonse Vanden-
peereboom a pu être momentanément le
candidat de l'orangisme, il n'a joué qu'un
métier de dupes, il n'a été qu'un outil
éphémère, un pis-aller provisoire, destiné
On s'abonne Ypres, rue de
Lille, n° 10, près la GrancTplaceet
cbez le» Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE LVABOXXEMEXT,
par trimestre,
Pour Ypresfr.
Pour les autres localités 4—5D
Prix d'un numéro. tO
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l Éditeur
Ypres. Le Propagateur paraît
le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine.
PRIX DES IXSERTIOlfS.
vérité et justice.
7PF.S5, 28 Juillet.
ENE MAISON DANS LE DÉSERT.
L'ouragan continua le lendemain avec la même
violence; la femme de l'absent De l'attendit plus,
et ne prépara rien pour le recevoir. Le troisième
jour fut enfin calme et tranquille. Le vent tomba
comme épuisé par ses propres fureurs. Les bruants
de neige revinrent en nombre aux environs de la
ferme pour becqueter les semences des meules de
foin; les vaches et les moutons furent lâchés pour
aller de'roidir leurs membres et se désaltérer k la
source. Les volatiles de la basse-cour, effrayés et
affamés, sortirent de leurs retraites, réclamant
grands cris les soins qui leur avaient été refusés
depuis si longtemps, et le corbeau s'abattit lui-
même parmi les poules et les canards, sans craindre
d'être importun, comme un pauvre qu'on a accou
tumé k l'aumône quotidienne, les enfants enfin,
déli vrés de leur prison, achevèrent de répandre la
vie et le bruit autour de la maison solitaire.
La mère, debout sur la porte, regardait celte
scène animée, lorsqu'un petit oiseau de printemps,
le premier précurseur de cette saison, se posa sur
le pommier planlé au coin de la demeure, et chanta
son air de fête.
Dieu soit loué dit-elle, nous touchons la fin
de l'hiver. Quand ce petit oiseau est venu nous
chanter son premier air, nous n'avons plus guère
a redouter qu'une dernière rafale et le beau temps
arrive. Enfants, votre père sera de retour aujour
d'hui Elle envoya l'aînée de ces trois dernières
filles aux pièges continuellement tendus pour pren
dre les lapins sauvages. Ils doivent être tous aux
champs aujourd'hui, dit-elle; lâche d'en apporter
un ponr le dîner.
Quelques instants après, la jeune fille revint avec
un lapin dans chaque main. La mère mit la table.
Mais John Lent n'arriva pas. 11 ne sera de retour
peut-être que ce soir, dit-elle encore, car lorsqu'il
n'arrive pas k midi, il ne faut plus l'entendre que
dans la soirée. Mais la nuit succéda au jour, et a
la table du souper la place de John Lent resta en
core vide. Demain est jour de courrier, dit sa
femme, il aura très-sagement fait d'attendre pour
venir avec Ainslow. J'en suis bien aise; il a une
jambe plus faible que l'autre; la marche est longue
et il a un paquet a porter. Oui, Ainslow et lui seront
ici demain matin de bonne heure.
Le doute, la crainte, le pressentiment ne trou
blaient pas son esprit. Elle avait une grande con
fiance dans le jugement de John Lent tout ce qu'il
décidait lui semblait toujours a propos. Elle ne
pouvait que l'approuver d'avoir songé a voyager
avec le facteur, qui apportait toutes les nouvelles
et était un agréable compagnon. Le lendemain, la
mère et ses filles se placèrent joyeuses sur le seuil
de la porte pour regarder au loin dans la tourbière
et tacher d'apercevoir le traîneau.
L'arrivée du facteur de la poste était un événe
ment important pour la maison isolée. Il était pour
les trois filles de John J^ent un homme de ce monde
dont elles entendaient parler mais qu'elles n'avaient
jamais vu. Le retour du père de famille, après trois
jours d'absence, n'était pas une affaire moins in té—
ressante. 11 ne quittait pas souvent sa demeure, et,
chaque fois qu'il revenait de voyage, il rapportait
un petit cadeau k la mère et ses filles de la part J
des personnes bienveillantes dont d'anciens rap-
ports leur avaient fait des amis. Qui ne sait tout le
prix de ces épisodes d'une vie monotonie et solitaire?
Le facteur vint; mais il n'avait pas de compagnon.