JOURNAL D ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
S
y;|
31 me année.
I\o 3117.
7??.S0, 14 AOÛT.
Notre précédent numéro contenait quel
ques lignes la lecture desquelles le ré
dacteur en chef du Progrès s'est efforcé de
rire, lui qui d'ordinaire se fâche loul hlanc
la simple vue de notre feuille dès qu'elle
touche la lihéralerie ou la phalange de
hâbleurs qui en prêchent les doctrines su
rannées. Ce qu'il y a de plus drôle au
monde c'est que ce gros hou homme fait
des grimaces (jnand il se livre la joie
tout comme lorsqu'il se met en colère, gri
maces qui pourraient quelquefois divertir,
mais qui généralement inspirent l'aver
sion.
Acculé, nous l'avons dit et nous le ré
pétons, aux dernières limites du ridicule,
de la bassesse et de la mauvaise foi, lors
de la discussion qui s'est élevée entre nous
sur l'indépendance et le servilisme des
fonctionnaires, au milieu de laquelle il a
perdu la tramontane au point d'amalga
mer les magistrats de l'ordre judiciaire
avec les gardes champêtres et les agents
de police, le Progrès pirouette autour de
nous en paillasse agile et nous adresse,
pour détourner de son échec l'attention
llollanle de ses rares liseurs, trois formi
dables reproches.
A l'occasion de la fête communale, no
tre Journal n'a point paru le quatre de ce
mois. Le scrupuleux confrère trouve dans
celte simple circonstance le sujet de lour
des facéties. On ne s'abordait qu'en de-
mandant eh bien, le Propagateur est
mort? Celte mauvaise nouvelle avait ré-
pandu je ne sais quelle teinte de tristesse
sur une foule de figures. Le Progrès
oublie d'ajouter quel finaud aurait inventé
la nouvelle, quel niais l'aurait colportée,
et surtout quelle teinte de satisfaction se
serait répandue sur une foule de figures.
Hélas, la pauvre feuille a pris de vagues
espérances, d'impuissantes velléités pour
desévènenements réalisables. Figurez vous
la jubilation échevelée qui s'emparerait du
camp de nos pygmées libéraux, si le Mi
nistère Rogier, de son souffle regénérateur,
balayait la fois et le Propagateur et le
Commissaire de district, et vous compren
drez le cauchemar qui a tourmenté le Pro
grès durant les pénibles digestions de la
Kermesse. Alors le rédacteur en chef de
viendrait le satrape du district adminis
tratif et l'aide de son journal officiel,
désormais sans contradicteur, vous verriez
comment il dompterait et disciplinerait
ses subordonnés, comment il mènerait le
troupeau des électeurs, comment il em
porterait de haute lutte le triomphe si ar
demment désiré dans toutes les assemblées
électorales. Celte ère du libéralisme n'est
pas encore éclose le Piopagateur n'est pas
plus mort que ne l'est le Commissaire de
district, et tous les deux sauront se inain-
tenir leur place, quoi que disent et quoi
que fassent les hurleurs des clubs. Donc,
si nous avons accordé quelques jours
de relâche nos ouvriers, c'est que,
rigoureux leur égard sur l'observation
des préceptes de notre religion, il nous
convient de consentir facilement des dis
tractions honnêtes et mesurées. Que les ré
dacteurs du journal de l'union libérale con
tinuent manger des bifteks le vendredi et
le samedi, nous continuerons, nous rédac
teurs du Propagateurnous contenter de
poisson, même de morue en cas de besoin.
En outre nous étions bien moins pressé
que le conf. ère de publier le compte rendu
d'une singulière fêle civique.
Cela nous conduit au deuxième grief
une flagrante contradiction. Nous n'avons
point partagé l'enthousiasme factice dont
quelques meneurs ont voulu entourercom-
me par enchantement nos Magistrats mu
nicipaux, et en cela, nous n'avons point
dévié de nos précédents articles. Dans le
premier, nous avons critiqué l'inscription
de la médaille, dans le deuxième nous
avons censuré les dispositions de la céré
monie; mais le Progrès n'a pas compris la
portée de nos observations nous deman
dions sur la médaille et aux Halles une
petite place pour ce peuple, qui est resté
calme et patient lorsqu'ailleurs on avait
déplorer des émeutes et des pillages. Mais
le peuple n'était plus rien, les Magistrats
I
■4
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne a Ypres, rue de
I illt*, u° io, près la GrantUpIaceet
cliei les Percepteurs des Postes du
Royaume
DE L'ABOMMKIIKIT,
par trlnie*tre,
Pour Ypresfr. 4OO
pour les autres localités j» 4 50
Pria d'un numéro. O to
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur
l'prea. Le Propagateur parait
le 0ANEDI et le HERCBKBI
de chaque semaine.
PRIl DEM IVMERTIO**.
ft J centimes par ligne. Les ré
clames, t£ centimes la ligne.
EPIE MAISON DANS LE DÉSERT.
Suite et fin.)
Le souper, hâtivement prépare', fut dépêché plus
vile encore. Les trois marins demandèrent alors de
la liqueur la veuve, qui trembla en la serrant...
Elle avait liésilé d'abord, de peur d'échauffer les
tètes de ces inconnus... Mais un moment de ré
flexion lui fil passer encore par-dessus ce danger.
Il est impossible, se dit-elle, qu'ils oublient ma
perte et la leur.
Une anire difficulté se présenta, et, pour le faire
bien comprendre, il faudrait décrire la maison. La
cheminée était an milieu du bâtiment, en face de la
porte d'entrée qui ouvrait par un petit tambour.
A droite, élail la pièce de famille ou la cuisine, où
tout le monde se trouvait alors rassemblé, et au-
delà de laquelle se trouvait deux chambres lit. A
gauche trois autres chambres étaient destinées aux
étrangers. Dans la pièce correspondant a celle où
ils étaient tous se trouvait le corps du défunt, assis
sur un coffre, dans l'attitude où la mort l'avait
surpris contre le parapet du pont.
Pour préparer les lits des trois marins, il fallait
nécessairement passer par cette pièce, où la veuve
n'avait pas osé pénétrer depuis qu'elle était revenue
de sa stupeur. Elle ne savait comment faire, et elle
se décida a exprimer sa répugnance au capitaine,
qui aussitôt commanda au steward d'aller mettre
les draps. Le capitaine et son second ayant été
pourvus pour la nuit, il n'y eut que le steward qui
fut obligé de se contenter de quelques couvertures,
et s'enveloppa de son mieux sur un fauteuil près
du feu de la cuisine. Ce fut encore lui qui, le len
demain malin, alla creuser une fosse pour le pauvre
John Lent, tand s que le capitaine et son second,
s'étant procuré les outils nécessaires, lui faisaient
un cercueil dans lequel il fut placé, non sans peine,
cause de la roideur de ses membres. Le petit
poney fut attelé au traioeau, et la famille avec ses
hôtes, accompagna le corps au lieu de son dernier
sommeil. L'office des morts fut lu par le capitaine
au milieu des sanglots de la veuve, des lamenta
tions des trois filles et des larmes généreuses des
marins.
Il y avait entre les assistants de cette scène une
touchante communauté de sentiments, une simili
tude de situation et une sympathie si naturelle, que,
pour le moment, ils cessèrent de se croire étrangers
les uns aux autres et ne firent plus qu'une seule fa
mille. Les marins avaient par deux fois vu la mort
de très-près, d'abord dans leur naufrage, et puis
dans leur course travers le désert; ils ne pou
vaient oublier que sous leurs yeux mêmes sept de
leurs compagnons avaient été engloutis par les flots;
la veuve,elle, en perdant son mari avait tout per
son ami, son soutien, son compagnon de lo
jours, l'élu de son cœur, le père de seseiifanls/Àtft "'3
sympathies du malheur se mêlaient celles qrfi rè
sulteut d line réciprocité de bons services,
veuve avait accordé aux marins une hospi.ar^o^