JOURNAL D APRES ET DE L ARRONDISSEMENT.
3126.
31me année.
15 Septemiire.
LE POUVOIR OCCULTE.
Avant la révolution de 1830, M. Carton,
père,était bourgmestre de la ville. Ses con
naissances administratives étaient généra
lement appréciées, il introduisit surtout
beaucoup d'ordre dans la situation finan-
cière. Le Roi Guillaume vint deux fois
Ypres; la seconde fois il logea chez M.
Carton, et quelque temps après, il le déco
ra de son ordre. Ces faveurs flatteuses pour
M. le bourgmestre le rendirent malheureu
sement trop souple et trop obséquieux
sur toutes les velléités du gouvernement
d'alors. 11 prêta une main complaisante
aux changements qui s'opérèrent dans l'in
struction publique, et d'autres circonstan
ces décélèrent en lui des préventions et
des tendances regrettables. Le gouverne
ment provisoire le révoqua cause de son
attachement exagéré aux intérêts de la dy
nastie déchue. Les années d'auparavant,
M. Carton avec le concours de ses collè
gues avait autorisé et organisé imprudem
ment les repas et les bals publics du
bas peuple, qui devinrent des réceptacles
d'excès et d'ivrognerie, comme on peut
le penser. Alors cette même populace me
naça plusieurs reprises de piller sa mai
son genre de reconnaissance fort ordinaire
des bandes dégradées.
Depuis ce temps, M. Carton, qui avait
M. WARLOP DE WATOU AU SÉNÉGAL.
d'abord paru dégoûté des péripéties de la
vie politique, s'est avec une habileté qu'on
ne saurait lui méconnaître, et avec une
extrême réserve, occupé dans la retraite
reconquérir insensiblement et sous main
l'influence que le nouvel ordre des choses
lui avait brusquement fait perdre. Voyant
les libéraux travailler des pieds et des mains
poursaisir successivement toutes les issues
du pouvoir, assurer leur prédominance et
satisfaire leurs ambitions personnelles, il
a par une prudence de vues et une patience
remarquables, su tendre ses filets de ma
nière y faire tomber exclusivement son
profit, les principes, l'influence, le pouvoir,
les faveurs, enfin les hommes et les choses
du parti. Des hommes qui jouissaient d'une
haute considération par leur caractère, par
leur position, par leurs talents, par leur
mérite, par leurs services, ont pour ainsi
dire disparu de la scène publique, et ont
été rélégués dans un cercle restreint très
voisin de l'oubli. Pour n'en citer qu'un ex
emple, M. Depatin disposait autrefois
Ypresd'une immense et légitime iitlluer.ee.
On s'est attaché la faire décroître autant
que possible, et on a beaucoup d'égards
réussi. On a éliminé M. Depatin de la com
mission du Cabinet littéraire en fesant tom
ber cet établissement; on a contrecarré
son entrée dans la commission de la Con
corde; on l'a par ricochet coudoyé jusques
hors du Conseil des Hospices. A part les
fonctions de procureur du roi, on a pour
ainsi dire refoulé M. Depatin la sacristie
et la prison.
D'un autre côté, le neveu de M. Carton,
M. Alphonse Vandenpeereboom, le beaufils
de M. Carton, M. Ernest Merghelinck, et le
fils de M. Carton, sont entrés la Régence,
la Bienfaisance, la commission de la
Concorde, la direction du Collège, celle
de l'École primaire communale, au Com
missariat du district, et partout. De sorte
que M. Carton père domine
Par lui-même: aux Hospices, où il assiste
comme receveur toutes les séances, et
par là au Lombard, au Nazareth, aux Eco
les pauvres, l'Académie de dessin,
la Concorde, où il est membre de la
commission, au bureau du Progrès,
dont il est l'un des principaux actionnai
res; au club, dont il est président;
Par son neveu M. Alphonse Vandenpee
reboom la Régence, et dans toutes les
commissions qui en dépendent; principa
lement dans le corps des sapeurs-pompiers
dont il est capitaine, l'École primaire
communale, dont il a la direction supé
rieure, laSociélédeS' Sébastien,la
commission de la Bibliothèque publique,
comme bibliothécaire;
Par son gendre M. Ernest Merghelinck
la Régence, au Collège communal où
On sTabonne l'pre.. rue de
f ille, n* 10, près la Grand'place, et
ctiei les Percepteurs des Postes du
Royaume.
I>1I1X DK l'IBOXJEJIEIT,
par trimestre
Pour Yprcsfr. 4—OO
Pour les autres localités a 4S»
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clames, 4 5 centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Un de nos compatriotes M. Warlop de Watou,
qui a fait ses e'tudes a Roulers vers i33o, actuelle
ment missionnaire a Dakar, sur la côte africaine,
près du Cap Verd et de l'île de Gorée, vient
d'écrire une seconde lettre, contenant divers dé-
tails intéressants sur ses travaux apostoliques. Lors
du voyagedecircomnavigation sur Hydrographe-
Oriental M. Auguste Hynderick d'Ypres, lieu
tenant du régiment des Guides, s'arrêta au Sénégal,
et visita Gorée et Dakar. On ne se lasse pas de
lire dans leurs moindres détails, les accidents et
les privations que rencontrent et qu'endurent les
hommes qui se dévouent l'oeuvre généreuse de la
propagation du culte chrétien comme M. Warlop.
{Suite.)
....On envoya de suite les en fans appeler du monde;
on prépara la chaire qui consistait en deux bottes
de paille et une pour poser ses pieds. La foule
étant arrivée M. Arragon s'assit et tous prennent
place a l'entour de lui; un marabout imposa silence,
et enfin M. Arragon commença. Pendant toute la
..conférence,ce marabout ne fit autre chose que dire
Hiesg'heule (vous dites la vérité), et imposer silence
a ceux qui faisaient du bruit et qui interrompaient
le discours par leurs observations. Quelquefois
même ils se disputaient entre eux, de manière que
M. Arragou fut obligé de suspendre pendant un
instant jusqu'à ce qu'ils eussent fini leur discussion.
Pendant cette conférencé, qui dura un peu plus
d'une heure, un marabout a cheveux blancs vint
offrir une petite calebasse de mil brut en disant:
voilà, marabout, pour votre souper. Je l'acceptai
avec reconnaissance je la vidais dans mon mou
choir, et je lui rendis très-respectneusemeut sa
calebasse. Vraiment c'était le bon Dieu qui nous
l'envoyait car nous en avions bien besoin. Aussi la
conférence finie, ce fut la première demande que
mon cher M. Arragon me fit un peu de mil, M.
Warlop, dit-il j'ouvris mon mouchoir et il en
prit une poignée; nous le mangeâmes sans le net
toyer, en faisant route. Bientôt on nous arrêta de
nouveau en disant Marabout, prêche-nous. Aus
sitôt on assembla du monde; M. Arragon se mit
genoux au milieu d'eux et leur prêcha; peudant
tout le temps il y régna un morne silence. Le sermon
fini, on dit C'est la Religion de J. Ch. qu'il
nous prêche, il nous dit la vérité nous, nous avons
la Religion de Mahomet. Nous les saluâmes et nous
allâmes un village 1/4 delieue plus loin, en bé-
nissaut le bon Dieu de ce qu'ils avaient bien voulu
écouter sa parole; je donnai encore un peu de mil
M. Arragon et nous arrivâmes ainsi notre der
nier village, espérant que le bon Dieu et sa bonne
Mère nous donneraient une case pour passer la nuit,
car il faisait déjà bien obscur. A notre arrivée, le
salent (c'est leur prière qu'ils font en commun)
finit précisément,eton nonsderaanda pourquoi nous
étions venus. M. Arragon leur dit que c'était pour
prêcher. Pouvez-vons prêcher ainsi la nuit? disait-
on avec élonnement. Oui, répondit mon cher con
frère, je prêche la nuit comme le jour. A cette
réponse, ils se mirent tous par terre et nous étions
déjà assissur le sable, lorsqu'on voulut donner une
chaise M. Arragon qui la refusa. Ici mon cher
confrère leur parla de la très sainte Trinité; per
sonne ne dit mot. Après le discours, ils se mirent
discuter entre eux tous, excepté un seul, soute
nant qu'on ai ait dit qu'il y avait quatre dieux. Ce
seul soutenait parfaitement Lien sa partie: Cont-