JOURNAL DAPRES ET DE L ARRONDISSEMENT,
Mercredi, 10 Février 1848.
31me année.
?î?.ïS, 10 Février.
FEUILLETON.
No 3170.
On s'abonne a 1 prèsrue de
Lille, n° 10, près la Grand'place, et
chez les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PRIX DE l/tno\Xi:*F.XT,
par trimestre,
Ponr Y prèsfr.
Pour les autres localité* 4
Piix d'un numéro. SO
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l'Éditeur me
de Lille, 10, l'pres. Le Propa
gateur paraît le SAMEDI et le
MERCREDI de chaque semaine.
PRIA DES IMEBTIOW.
17 centimes par ligue. Les ré
clames, ti centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
LES BANQUETS ET LES CLIBS.
Les banquets réformistes ont en France une
tendance inquiétante pour l'ordre et le maintien
des institutions, comme les clubs en Belgique. C'est
aux banquets français comme dans nos clubs qu|ont
été prononcées les harangues les plus délirantes,
qu'a mugi la démocratie la plus échevelée; c'est là
qu'ont été portées l'édifice de la religion et du
trône les secoussesles plus fortes. Le gouvernement
français qui n'est pas retenu dans ses mesures par
uue liberté illimitée d'association, a manifesté la
résolution de s'opposer ces banquets, et de dis
perser les convives. Il a fait entendre ce projet
dans le discours du troue, et la commission de
l'adresse y a Tépondu par une formule d'appui
ainsi conçue
Les agitations que soulèvent des passions en-
neniies ou des entraînements aveugles tomberont
devant la raison publique éclairée par nos libres
discussions, par la manifestation de toutes les
opinions légitimes.
Des débats orageux ont surgi sur l'opportunité
de prêter la Chambre des Députés ce langage
réprobateur des réunions politiques.
M. Duvergier de Hauranne a donné le signal
de la tempête en ces ternies En prenant le pre-
mier la parole contre le dernier paragraphe de
l'adresse, je viens relever le défi que le tninis-
tère n'a pas craint de lancer contre pins de cent
Il y a environ sept ou huit ans, un jeune caporal de la gar
nison d'Arras, se promenant triste et abattu le long de la
rivière, dans la commuuc de quelque distauce d'Arras,
fut rencontré par un curé du lieu, qui, frappé de son état, et
craignant quelque acte de désespoir, s'approcha de lui, lia
conversation avec autant de bonté que d'intérêt, et enfin lui
demanda la cause d'un chagrin qui semblait être violent et
profond. A force de se montrer disposé l'écouter et le con
soler, il parvint l'entraîner son presbytère, malgré une assez
vive résistance: le digue prêtre, effrayé de la possibilité d'un
suicide, employa presque la force pour l'emmener aveo lui.
'laut de soins attendrirent le jeune militaire sa confiance
devint entière, et il avoua au curé charitable que, comme
caporal d ordinaire, il avait dissipé l'argent de sa compagnie.
En disant cela, il était tout eu larmes, et s'écriant sans cesse:
Oh. mon pauvre père! Quelle est la somme que vous avez
ainsi détournée lui demanda le curé. Soixante et dix
francs. Vue réprimande sévère, mais religieuse et tendre,
devait suffire auprès d un pareil chagrin. Le curé la lui adressa
avec dignité puis il ajouta o Tenez voilà soixante et dix
francs! je ne possède rien de plus... je vous les prête. Avec de
la bonne conduite et du temps, vous parviendrez, j'en suis cer-
taiu, économiser cette somme et me la reudre...
Peindre la surprise et la reconnaissance du caporal sera im
possible il ne pouvait comprendre que, sans le connaître, sans
même savoir sou nom, on lui fit un pareil prêt. Allez jeuue
homme, dit le curé en le congédiant, la sincérité de votre re
pentir suffit pour ma garantie j je m'y fie entièrement, n Le
députes, défi qu'il a plu la commission de
reprendre et de s'approprier, en reproduisant
presque mot pour mot dans le projet d'adresse
le langage du discours du trône.
M. Quénaut a cru cédera un devoir impérieux
en disant la Chambre qu'elle manquerait son
devoir, si elle n'exprimait pas un blàme^sévère.
C'est vous, ajoutait-t-ilM. Duvergier, qui vantez
les réunions tumultueuses, c'est vous et vos collè
gues qui avez paralysé les affaires au dedans et au
dehors, c'est vous qui avez agité le pays. C'est la
Chambre qui doit blâmer ceux qui sans respect
pour les institutions, ont porté leurs passions devant
des assemblées populaires, et ont ainsi compromis
la dignité de la France. Dans quelques unes, on a
fait jusqu'à l'apologie de la Terreur. Au banquet
de Dijon on a décidé d'adopter d'abord une ré
forme partielle, persuadé qu'ainsi on arrivera au
bouleversement de l'ordre social. L'orateur a ter
miné en fesant allusion au discours de M. Marie au
banquet d'Orléans, dans lequél la propriété, la
famille, la bourgeoisie, ont été violemment atta
quées.
M. Marie, tout en avouant qu'il appartient au
parti radical, proteste contre ces accusations.
M. le Garde des Sceaux veut mettre nu ternie
des provocations propres amener des désordres
et une révolution. Le gouvernement, d'accord avec
l'autre pouvoir, croit ces manifestations dangereu
ses et en veut prévenir le retour. L'objet que l'on
se propose, est d'élever tribune contre tribune, de
traîner au pied de cette tribune les pouvoirs consti-
jeuue militaire se jeta daus les bras du prêtre, et il se retira
charmé.
Il y a quinze ou vingt jours, un militaire congédié appar
tenant aux compagnies d'ouvriers d'administration, demaudait
Arras, un de ses anciens camarades, la route qui conduit
au village de*** il allait, de la part d'un de ses cousins, ancien
sergent-mojor, employé avantageusement dans une adminis
tration civile Alger, remettre au curé de la commune une
boîte où étaient renfermés 70 fr., une belle montre d'argent
et uue lettre touchante, témoignage de la plus profonde comme
de la plus juste reconnaissance. [Écho de la frontière
Nous avons cité, il y a quelque temps, certains traits de
distraction dignes du duc de firaucas. Eu voici un de la même
force.
En de nos amis achète un parapluie. Au bout de quelques
pas, il commence pleuvoir. Il ne faut pas que je laisse
mouiller mon empiète, dit-il; et il monte dans une citadine,
sans songer même que cette empiète était un parapluie.
[Corsaire.)
B***, auteur dramatique, qui a fait jouer une vingtaine
d'actes en sa vie, et bègue au premier chef, plus bègue encore
que ne l'était Démostheues avant de se mettre des petits cai-
lious athéniens dans la bouche. Il y a quelques années, au
temps où M. Delestre-Poirsou était directeur du Gymnasse,'
B*** alla lui présenter une pièce eu deux actes de sa compo
sition.
C'est du..na na...a...nan, ce...e..,ci, pa...a...pa, lui dit-il en
dépliant son manuscrit.
Eh bien lisez vous-même, séance tenante, répliqua M.
Delestre-Poirsou avec une malice concenlrée.
tutionnels. Dans tous les temps, dans tous les pays,
c'eut été une grave perturbation que cette rivalité
élevée contre les pouvoirs réguliers du pays, que
cette lutte engagée entre de telles réunions et les
pouvoirs constitutionnels. La monarchie elle même
a été traînée au pied de cette tribune, on a prédit
sa ruine, on l'a menacée de renversement. Au
banquet de Béthnne, on disait que le peuple n'a
vait pas encore donné sa démission qu'il pouvait
revenir sur la place publique.
Tandis que M. Hebert discute les principes
constitutionnels, M. Odilon Barrot s'écrie MM.
de Polignac et Peyronnet étaient plus constitu
tionnels que vous.
Sur cette personnalité injurieuse, un grand
nombre de membres de l'opposition gesticulent
avec force comme des possédés. La majorité crie
A l'ordre.
M. Hebert, Garde des Sceaux dit avec calme
Quelque violence que l'on mette insulter un
organe du gouvernement, je ne souffrirai pas que
ma personne ni mes actes soient injustementin
dignement attaqués. On m'a jeté des noms qui
rappellent de funestes souvenirs....
M. de Renville Pourquoi donc ça
M. Barrot Quand on s'attaque successivement
chaque député en particulier, je dis que vous
voulez nous associer vos sentiments et vos
rages.
La séance est levée au milieu de la plus grande
agitation.
Elle a été reprise encore avec une égale ani-
L'auteur lut avec un aplomb merveilleux, eu se récriant lui-
même chaque instant sur les beautés sans nombre de son
ouvrage.
Mon cher Chose, lui dit alors le directeur blessé de tant
d'amour-propre, tout ceci est admirable d'un bout l'autre
mais j'y trouve un grand défaut, et quel défaut! s'il n'y avait
qu'uu personnage bègue, s'il n'y eu avait que deux, encçre
passe; mais ils bégaieut tous. En conséquence!..
Le pauvre auteur s'en alla sans demander son reste. [Idem.)
Oui, sans doute, la vapeur est une des plus belles conquêtes
de notre siècle, mais tout n'est pas adorable dans cette con
quête. Il n'y a pas de médaille qui 11'ait son revers. Voici
l'un des milles revers de la vapeur.
M. Édonard Coi bière, qui n'est plus romancier maritime,
mais seulement armateur, fait un grand commerce au Havre.
E11 janvier dernier, il avait expédié Londres un certain
nombre de caisses d'œufs frais de Normandie. Les caisses
furent embarquées sur uu paquebot vapeur, et arrivèrent
bon port sur uu quai de Londres, devant les magasins de
la maison de Lutteroth et Ce. On vérifia l'état des oeufs
frais qui, dans les premières caisses furent trouvés frais;
mais toutes les caisses inférieures, ne contenaient que^cles-
oeufs durs. Placés trop près des chaudières houillê^les
oeufs s'étaient tellement échauffés pendant la traversée^ qu'ils
étaient parfaitement cuits leur destination. P, 'C
De là, procès entre la maison Lutteroth et C* de Londr.es; "et
M. Edouard Corbiere, du Havre. Quel que soit l'issue^
la lutte, ou peut être sûr que ce seront les avocats qui maugtv^
rout la meilleure partie de l'omelette. V oilà encore un très-
mauvais côté de la vapeur. [Idem.)