JOURNAL D YPRES ET RE L'ARRONDISSEMENT,
31me année.
7??.3S, 1" Mars.
A» 3J74.
On «'abonne a Yprra. rue de
Lille, n« 10, près la Grand'place, et
cliex les Percepteurs des Postes du
Royaume.
PKI DK L'AMAMEMEVT,
par Irlme.ire,
Ponr Ypresfr.
Pour les autres localités 5*
Prix d'un numéro. *e
Tout ce qui concerne la rédac
tion doit être adressé l Éditeur rue
de Lille, 10, Ypres. Le Propa
gateur paraît le SAMEDI et le
MERCREDI ée chaque semaine.
PRIA DES UiEKTIMt.
19 Centimes par ligue. Les ré
clames, tâ centimes la ligne.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Dans les circonstances actuelles, nous
sommes heureux de constater l'unanimité
de vuesquisemanifesteen Belgique. Il n'est
plus question de partis. L'union nationale,
qui jamais n'a cessé d'être dans tous les
cœurs, vient uniformément la surface.
Qui voudrait dorénavantassumer la respon
sabilité de divisions funestes? La fraternité
est le seul ciment durable d'institutions
libérales qu'il n'est pas donné d'autres
peuples d'ambitionner sans d'immenses,
et souvent impuissante sacrilices. Nous
avons moins parlé que d'autres, et fait da
vantage. La charte française devait être
une vérité dès 1850; mais on s'était fait
illusion. On y lisait la liberté d'instruction:
et elle fut réclamée pendant dix-sept ans,
elle fut refusée et faussée. On lisait la li
berté individuelle, et il n'y avait pas jus
qu'à la permission de diner un banquet
qui ne dût passer le visa de la police. On
lisait la liberté des cultes, et son égide ne
protégeait seulement pas le simple jésuite.
Une politique ombrageuse, servile instru
ment du préjugé, qui n'avait rien dire
Eugène Sue, s'épuisait en appels comme
d'abus. La responsabilité des ministres
était entendue, ce qui n'enpêchait pas le
scandale et la corruption de monter jus
qu'aux sommités sociales. L'édifice consti
tutionnel auquel manquaient les bases
d'une vraie liberté, a cédé au souffle gron
dant de la tempête, sortie de la compres
sion des partis: ce résultat marque au gou
vernement provisoire, l'assemblée qu'il
convoquera, et la nation française en
tière, le cercle et l'étendue des devoirs
IF I (UJ QJULjl T M
LE GASCON,
EE MOIFFLET DE NAZARIX.
(Suite et Jin.)
Versac, dont l'absence était une des ruses de la guerre de
coquetterie qu il faisait au ministre, avait trop d'adresse pour
la prolouger au point d'être oublié. Il revint repreudre
temps son poste accoutumé, fut assez heureux pour voir un
air de satisfaction se répandre, son aspect, sur le visage de
Son Excellence, et en augura bien. En effet, le ministre
s'arrêta devant lui, et lui dit d'un air bienveillant, en son
jai gon franco-italien
C est donc vous, Moussu le cavalière, que fate ridere
quesli messious..... fute, fate, signor, io aime bene qu'oïl rie.
Et aussi qu on chante, Monseigneur, répondit hardiment
le Gascon.
Ccsî... cosî...
Parce que quand on chante on...
Baslanza... io so le reste...
Et le ministre s'éloigna en regardant son interlocuteur avec
un sourire qui fit bien des jaloux dans l'antichambre.
remplir pour fonder un avenir de progrès
et de bonheur. Il s'agira surtout de mar
cher droit au but, sans excès, sans ran
cunes comme les Belges l'ont fait en 4851,
héroïsme par lequel ils se sont montrés
dignes des sympathies de tous les peuples
généreux.
Les permissionnaires des années 4845
184G sont rentrés aujourd'hui sous les
drapeaux. Un jeune homme indisposé, de
meurant Sl-Jacques exlra-muros, en re
cevant l'ordre du départ, s'est retourné
dans son lit, et est mort subitement.
On a garni les remparts de canons.
LES FRÈRES IGNORANTINS.
Il nous peine de voir des pnblicistes belges ne
pas hésiter a se jeter dans les voies les plus hasar
deuses, et s'exposer au blâme d'incriminations in
justes et exagérées, au reproche de calomnies et de
provocations haineuses, par uu aveugle préjugé.
Nous croyons que l'instruction peut être très
bien donnée soit par des personnes engagées en
religion, soit par des laïques présentant des garan
ties religieuses suffisantes. D'autres ne veulent
absolument rencontrer que des laïques dans l'en
seignement et ce qui les distingue, c'est que non
seulement ils passent légèrement sur les garanties
religieuses mais que même il leur échappe toute
occasiou des marques lion équivoques d'antipathie
pour tout ce qui tient de près ou de loin la
religion, et qu'aucun moyen ne leur coûte, si dé
loyal qu'il soitpour nuire l'état clérical.
Depuis envirou deux siècles, uue institution
fondée par un homme vénérable, celle des frères
des écoles chrétiennes, a rendu d'immenses services,
en France, en Belgique et en d'autres pays, l'é
ducation primaire de l'enfance. Si parmi tant
d'établissements de cet ordre répandus sur la sur-
Versac rentra dans son hôtellerie beaucoup plus enchanté
encore des premiers mots que le ministre lui avait adressés,
qu'il ne l'avait été du premier sourire qu'il en avait reçu.
Chevalier, se dit-il cette fois. Sou Excellence t'a parlé
ou tu es uu sot, ou ta fortune est faite; comme tu n'est pas un
sot, donc...
Nous laissons la conclusion de ce dilemme la sagacité du
lecteur.
Notre aventurier toutefois ne comptait pas tellement sur
les faveurs de la cour qu'il n'en briguât d'autres en même
temps Or, dans une famille de bourgeois enrichis par le com
merce, il y avait, a Paris, où il faisait de fréquents voyages,
une jeune et riche héritière que ses parents auraient bien
voulu marier uu homiue d'extraction noble, pour se débar
bouiller tant bien que mal de leur crasse roturière.
Versac serrait de près la riche héritière; mais sa famille,
malgré sa vanité, tenait uu peu aux espèces, et désirait que le
mari que l'ou cherchait mît au moins quelques mille francs
côté des cent mille écus que l'on donuait pour dot et des héri
tages que la future devait recueillir uu jour. Le chevalier
avait bien parlé du magnilique château et des immenses prai
ries que possédait sou père, dont il était l'unique desceudant
la Gascogne était déjà discréditée; ou ne croyait guère plus
ses châteaux et ses prairies, que l'on ne croit de no» jours aux
face de l'Europe, et même en dehors de l'Europe,
il s'eQ trouvait un quelque part dans un considé
rable laps de temps, qui eut pu choir de la disci
pline, il n'y aurait l'a certes qu'une preuve de
l'imperfection de tout ce que l'homme fonde ou
conduit. De sages monarchies ont dégénéré en des
potisme des républiques bien réglées sont tom
bées dans l'anarchie. Or il arrive qu'à l'institut de
Toulouse, non pas un frère enseignant, mais un frère
jardinier, ou chargé de quelque autre emploi domes
tique, est accusé de viol suivi de meurtre sur une
jeune fille. L'accusation est horrible: cependant jus
qu'à la condamnation, la présomption d'innocence
protège légalement l'accusé; et plusl'imputation est
grave plus il doit être rendu hommage au principe.
Sans aucun égard pour cette précaution noble et
nécessaire pour la liberté d'une bonne justice, sans
tenir compte des doutes formidables qui envelop
pent le dédale de ce procès mystérieux, des organes
de la presse deux cents lieues de la scène, dé
pourvus des impressions saisissantes que donne la
présence aux débals, sans attendre l'audition de
tous les témoins, sans s'enquérir des moyens d'ac
cusation et de défense plaider, tranchent le nœud
gordien, accablent de leurs imprécations peut être
un innocent, et étendent leurs violentes décla
mations (c'est là qu'ils veulent eu venir), l'ordre
entier des Frères iguorantins, comme s'ils étaient
indignesd'enseigner désormais,pareequ'un frèreou
un serviteur Toulouse aurait commis un crime. Le
cocher du seigneur d'un village voisin s'est un jour
avisé de battre de la fausse monnaieet a été con
damné de ce chef, que peut-on en conclure? Ou-
trebon Lehon Delefortrie, ont-ils compromis le
notariat Si le moine Luther a scandalisé le monde
eu épousant une religieuse, faut-il en vouloir aux
Pères Augustins? Attendons que la justice décide;
soyons impartiaux comme on doit l'être, et n'é
tendons pas audelà des limites du droit la portée
de ses arrêts. Si l'accusé Léotade est coupable,
si des frères, ce qu'à Dieu ne plaise, ont manqué
châteaux eu Espagne et aux oncles d'Amérique. Aiusi son
affaire ne marchait pas.
Le jour où il avait reçu de Mazarin un témoignage de bien-
veillanoe éclatant et public, Versac emprunta un écu de son
laquais, se rendit Paris, arriva chez le père de la demoiselle,
et lui dit, après les premiers compliments
Monsieur, vous ne voulez pas regarder comme des biens
solides le magnifique château et les incommensurables prai
ries de mou père dans le gros village de Versac, dont il est et
dont je serai mon tour seigneur, avec haute, moyenne et
basse justice. Peut-êre avez-vous raison. Dans des moments
de trouble, les envieux de notre illustre maison peuvent, en
se coalisant coutre elle, prendre et ruiner le château, malgré
les épais remparts, les sept puissantes tours et les fossés pro
fonds qui le défendent. Un grand débordement de la Garonne
peut noyer les prairies, et les rendre, en les couvrant de gra
vier, pour plusieurs anuées infertiles. Vous voyez que je suis
hou prince, e\ vais moi-même au-devaut de ce que vous
pouvez me dire. Ne parlons doue plus des prairies ni de châ
teau et répondez donc ceci. Croyez-vous qu'an gentilhomme,
jeune, beau cavalier, adroit tous les exercices du corps,
rempli d'esprit, de talents et de bravoure, qui possédé l'a
faveur du second personnage de l'État, puisse parvenir quel?
que chose
Il peut et doit certainement parvenir tout, répondit le