JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
>0 3206.
31me annee.
TÉltlTÉ ET JtSTICE.
Ou s'abonne Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, el chex les Percepteurs des Postes du Royaume.
ni: .1 liowi til \T, par IrintrHtre^
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° i5.
Le Propagateur parait le NVtlEOl et le 9li:K€ HEIII
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne).
7??.2S, 21 Juiîi.
L'élimination de M. Jules Malou, qui fait la joie
et l'ignoble gloire de quelques meneurs, est bien
autrement appréciée par des publicistes qui, quoi
que d'une couleur différente de notre ex-représen
tant, savent cependant se mettre au-dessus de ces
passions mesquines de coterie, el ne considèrent
dans le député que le mérite et les talents qui
soient capables d'aider sauver une patrie qui leur
est encore chère.
Parmi ces publicistes on peut rangera juste titre
le Journal du Commerce d'Anvers, dont nous
nous faisons un plaisir de reproduire l'article sui
vant, qui nous semble marqué au coin de la justice
et du bon sens
Nous le constatons avec peine, les luttes po
litico-religieuse ont recommencé dans quelques
localités du pays. Ca et là l'esprit de parti s'est
réveillé et a inspiré exclusivement les électeurs.
Le 24 février est effacé de leur mémoire. Ce grand
jour, qui a montré le néant de querelles des der
nières anuées, est déjà pour eux de l'histoire an
cienne. Ils en sont revenus a sonder les reins des
candidats, a scruter les consciences, a les juger
d'après certaines petites formules de coteries, en
un mot les diviser en bons et en mauvais repré
sentants, du point de vue religieux. Il faut bien le
dire, les vieux libéraux, comme ils s'intitulaient
l'hiver dernier, n'ont pas brillé cette fois par leur
abnégation et leur intelligence. Dans plusieurs en
droits ils ont déclaré la guerre ce qu'on appelle
les catholiques. En faisant échouer M. Malou, par
exemple, ils ont commis, selon nous, une énormité
dont les hommes sensés leur demandent sévèrement
compte. Ce n'est pas ici le lieu d'éxaminer jusqu'à
quel point les opinions de M. Malou diffèrent des
nôtres; nous ne le savons pas et nous n'avons pas
besoin de le savoir. Mais rien ne nous empêche de
déclarer que M. Malou occupait très-honorable-
înent et très-habilement son siège la Chambre;
que son patriotisme est incontestable; que c'est un
homme de talent et de bonne volonté qui aborde
de front les questions sérieuses et qui a le courage
de les trancher dans le sens qu'il croit bon. Comme
financier et comme économisteil apportait sou
vent a la tiibune des vues claires, des réflexions
ingénieuses; cet éloge de M. Malou n'est pas
déplacé dans le Journal du Commerce d'Anvers^
dans l'organe commercial d'une ville dont l'ex-
député d'Ypres entrevoyait les hautes destinées et
dont il eût voulu de bon cœur favoriser les intérêts.
Dans tous les cas on nous pardonnera cet éloge, car
il est fort désintéressé. M. Malou est tombé, il
ii est plus pour nous qu'une capacité mise a l'om
bre, méconnue, sacrifiée a de slupides rancunes.
Un des principes de notre libéralisme nous est de
rendre hommage au talent partout où nous le trou
vons, fût-ce au foud d'une sacristie. Avec les
hommes de talentmême hostiles, il y a des res
sources que n'offrent pas les médiocrités. Nous
aimons mieux un ennemi intelligent qu'un ami
nul. Qu'on nous contredise, si ou l'ose! On ne
nous contredira pas, mais on n'en continuera pas
moins faire le contraire de ce que nous deman
dons. L'homme gâte le citoyen, les passions étouf
fent le patriotisme, les petites rancunes font ou
blier de grands devoirs.
Quoi! le gouvernement des nations devient
de jour en jour plus difficile; des problèmes nou
veaux, terribles, réclament une solution prompte,
efficace; un million de Belges végète et s'abrutit
dans la misère, dans lignorance, dans le vaga
bondage de la rue et de la raison; la société trem
ble sur ses bases; chaque commotion que reçoit
un des peuples d'Europe ébranle tous les autres;
il s'agit sérieusement de remédier h des maux af
freux qui font le désespoir et la honte des Chré
tiens civilisés du xix* siècle; il faut donner aux
classes inférieures le pain qui le fait vivre, l'in
struction qui les empêche de se jeter violemment
dans les voies révolutionnaires qui ne sont en dé
finitive qu'une impasse hérissée d'épines; on re
connaît que le développement du travail peut seul
resserrer les cercle des misères; on avoue avec nous
que le paupérisme est un fléau iminemment rétro
grade, qui mène h la barbarie; que le véritable
libéralisme consiste assurer a tous une honnête
aisance, a répandre les lumières, rendre les hom
mes dignes d'exercer leurs droits par l'accomplis
sement de leurs devoirs envers eux-mêmes et les
uns envers les autres. On nous accorde que la si
tuation est des plus compliquées, qu'elle ne peut
être raffermie et définitivement régularisée que par
des penseurs expérimentés; on convient enfin que
les problêmes sociaux a l'ordre du jour ne peuvent
être résolus que par des réformes graduelles, paci
fiques, qui exigent l'union patriotique de tous les
bons citoyens. On sait tout cela, et cependant on
relève le drapeau troué des vieux partis qui se
chamaillaient pour des vétilles au nom de la na
tion; on expulse des Chambres, sans oser dire
comment ni pourquoides hommes qui y ont
rendu des services; au nom du libéralisme de la
S'-Sylveslre passée, on exclut M. Malou, et l'on
renforce M. Mercier! La belle équipée Et comme
certains libéraux d'Anvers doivent en être fiers!
Cette conduite n'a pas le sens commun, tran
chons le mot. Nous ne sommes pas libéraux de
cette façon-là; nous n'aurons jamais la cruauté de
servir au peuple des discours politiques dont il n'a
que faire, au lieu de soupe qui lui fait défaut.
Notre libéralisme nous, est de procurer chacun
le nécessité, pour les besoins physiques et intel
lectuels. La poule au pot de Henri IV, vaut mieux
que le plus éloquent programme du parti le plus
batailleur. Songez aux pauvres, faites qu'il n'y en
ait plus, et vous aurez bien mérité de l'humanité.
C'est sous l'empire de ces idées que nous ap
précierons la marche des Chambres nouvelles;
nous ne demanderons pas aux députés d'exhiber
leurs certificats de coterie, de nous dire qui les a
tenus sur les fonds baptismaux du scrutin nous ne
rechercherons pas d'où ils viennent, qui les a en
voyés, sur quelle bannière leurs noms ont brillé
aux yeux de la foule. Nous ne nous montrerons pas
forts exigeants; pourvu qu'ils nous volent de bon
nes lois pour ranimer le travail national, pour
nourrir et éclairer les masses, nous nous décla
rerons satisfaits.
Mais, forts des convictions qui nous animent,
persuadés que les classifications de partis politiques
sont fatales an présent et l'avenir du pays, uous
protesterons avec force contre le premier qui re
commencera l'ennuyeuse litanie des griefs catho-
lico-libéiaux. Nous en avons plein le dos, qu'on
nous passe cette expression triv iale. Nous concevons
qu'il y ail des hommes qui se complaisent dans ces
luttes nuageuses h cause de leur caractère ardent
et d'une certaine paresse d'esprit, qui les empêche
d'étudier autre chose que l'insipide rudiment des
vieux partis. Il serait difficile ceux-là de causer
d'affaires sérieuses; nous ne leur en faisons pas un
crime ce travers d'esprit est passé chez eux l'état
d'infirmité naturelle; on ne condamne pas les
aveugles, on les plaint. Mais les orateurs auxquels
nous faisons allusion peuvent encore rendre un
service la Chambre et au pays, c'est de se taire.
Les contrefaçons d'Odilon Barrot, ont fini leur
temps. Les discussions sur des pointes d'aiguilles,
ne sont plus de saison. Autres temps, autres dis
cours. 11 nous faut aujourd'hui des hommes qui
comprenant la gravité de la situation, se font un
devoir d'y porter remède par des actes, et non par
de vaines paroles que le vent emporte.
Or donc, nous attendons les Chambres l'œu
vre sans nous occuper davantage de la couleur
politique des élus. Puissent-elles voir ce qui est, ce
qui crève les yeux de tous, savoir qu'il est urgent
de faire disparaître le paupérisme, qui salit les
degrés inférieurs de l'échelle sociale, et qui menace
de s'étendre, comme une sorte de contagion aux
classes bourgeoises, sérieusement menacées leur
tour.
Le Moniteur publie enfin aujourd'hui les arrêtés
relatifs la réorganisation de la garde civique.
On annonce que le Roi ouvrira en personne la
session législative, le 26 de ce mois.
Il paraît du reste a peu près certain que dans
cette réunion les Chambres se borneront vérifier
les pouvoirs de leurs membres, constituer leurs
bureaux, discuter et voter l'adresse en réponse au
discours du Tiône, après quoi elles s'ajourneraient
jusqu'au mois de septembre ou aux premiers jours
d'octobre.
Grâce la république, la misère croît en France
dans des proportions effrayantes, et c'est, vrai
dire, l'unique chose qui y fleurisse aujourd'hui. A
la fin d'avril le nombre des maisons eu suspension
de payements dépassait i5oo; l'heure qu'il est,
ce nombre s'élève 6000. Si la progression con
tinue, dans six mois les affaires ue seront plus pos
sibles: il n'y aura plus alors une seule maisou avec
laquelle 011 puisse traiter.
Le spectacle d'une pareille prospérité n'est-il
pas de nature faire regretter que les républicains
belges aient été battus sur le champ de bataille
électoral aussi complètement qu'à Risquons-Tout
Si ces grands citoyens avaient pu réussir dans l'une
ou l'autre lutte, nous serions déjà ou nous ne tar
derions pas être dans un état aussi florissant que
la France.
Les soldats belges et les électeurs belges ont
rendu un bien mauvais service leur pays.
{La Patrie.)
Le Messager de Gand (el des Pays-Bas) écrit
qu'il n'y a que les vieilles femmes qui aient peur
de la république.
Il nous semble pourtant que dans notre pays les
hommes ne sont pas trop rassurés non plus sur le
compte de la république, puisqu'ils la chassent
tantôt coup de fusil, tantôt coup de bulletins
électoraux.
Une promotiou dans la cavalerie vient d'être
signée par le Roi, MM. de Villiers, major au 20 de