FRANCE. Paris, 12 juillet. AUTRICHE. ITALIE. Une correspondance particulière de Paris s'occupe du géuéral Cavaignac, et en trace l'esquisse suivante Le général Cavaignac n'est pas seulement uu guerrier illustre, un bon citoyen, un excellent fils, il est encore sincèrement chrétien. Disons même que le sentiment religieux rehausse en lui les qua lités du cœur. On a remarquéavecbonheur la noble initiative qu'il a prise en reclamant auprès des archevêques et des évêques les prières de l'église et de publi ques actions de grâces, les premières pour les vic times des journées de juinles secondes pour re mercier Dieu de nous avoir sauvés de l'anarchie. Cela est tout h la fois d'un bon augure et d'un bon exemple. Le défunt gouvernement provisoire ne nous avait pas accoutumés ces actes de piété nationale. 11 vivait au jour, brouttant, dévorant et déracinant tout sur son passage. On a reçu hier Paris, des nouvelles d'Alger assez importantes. Au moment du départ du pa quebot qui les n apportées, des bataillons viennent d'être expédiés en toute hâte Bougie, que les Kabyles en pleine révolte menaçaieut. On annon çait qu'un assez grand nombre d'Européens surpris b l'improviste avaient été massacrés dans les en virons de Bougie; que les Kabyles étaient sur le point de se jeter sur la ville et que la garnison était insuffisante pour contenir la population indigène. Oo ne doutait point d'ailleurs a Alger que le ren fort expédiénedût arriver b temps. Il est b espérer, en outre, qu'il y a au inoins quelque exagération dans ces nouvelles. M, legénéral Magnan, qui commandait l'une des divisions de l'armée des Alpes, est désigné pour prendre le commandement du camp de Saint- Maur. On annonce que des tentatives de barricades ont été faites cette nuit dans le quartier Mouffelard. La troupe de ligne est intervenue b temps pour disperser les émeuliers. Des renforts ont été dirigés aujourd'hui sur le faubourg Saint-Marceau et le quartier Mouffelard, et des patrouilles circulent dans les rues les plus populeuses. Un courrier de l'Algerie, arrivé hier b Paris, a apporté la reconnaissance officielle de la Répu blique française de l'Empereur du Maroc. M. de Lamartine, absent depuis quelques jours par suite d'une indisposition, a reparu au jourd'hui b l'Assemblée nationale. Un ordre du jour, publié par le général La- inoricière, casse le bataillon du t8° régiment qui, pendant l'insurrection, a rendu ses armes sur la place des Vosges. Un capitaine et deux lieutenants sont mis en non-activité. Les débris de l'insurrection affectent une attitude menaçante. Des rumeurs sinistres circulent dans le faubourg Saint-Antoine. On s'en occupe assez peu, parce qu'on sait que l'autorité a les yeux ouverts. Cependant, on assure qu'avant-bier, lors que le général Lamoricière se rendait au fort de Vanves pour visiter les blessés, des coups de fusils ont été tirés sur lui du milieu des blés, mais, fort heureusement, ne l'ont pas atteint. On dit encore que le général Cavaignac s'est transporté hier a la caserne du faubourg Poissonnière, sur l'information qu'il avait reçue qu'un complot se tramait pour faire sauter la garde mobile casernée dans ce quar tier. Tout cela ne laisse pas que de causer une certaine inquiétude. Toutefois, on se rassure dans la conviction que les anarchistes seront écrasés en un instant, s'ils osent relever la tête. Ce matin on voit sur les murs de Paris une grande affiche annonçant la vente des chevaux et des équipages de M. le comte de Paris et de Mm* la duchesse d'Orléans. Deux mille insurgés qui s'étaient réfugiés de Paris dans les environs de Saint-Quentin après les douloureuses journées de juin, viennent d'être ar rêtés an moyen des efforts combinés de la garde nationale du département, qui n'avait pas quitté leur trace, et de la troupe de ligne. Ils vont être dirigés sur Paris, a moins qu'on ne leur assigne une autre prison spéciale. j On est actuellement en pleine moisson dans la Bresse. Depuis plusieurs jours déjà les paisibles habitants de nos campagnes, secondés par uu temps superbe, sont occupés b recenillir les fruits que le ciel s'est plu, cette année, b leur prodiguer. Partout, en effet, l'aspect des récoltes est magni fique, la température du mois de juin a été très- favorable b leur développementet l'on a pu remarquer que les seigles étaient arrivés a leur maturité complète, sans avoir été desséchés ni brûlés par un soleil trop ardent. Les blés offrent un épi lourd et bien nourri qui s'incline sur sa tige. La paille est abondante. Le maïs et les avoines sont très avancés. La vigne présente les plus belles apparences. Toutes lesdenréesen général offrent le spectacle de la plus riche végétation. Paris, 13 juin. Les bruits de conspiration, de fréquents assassi nats, de tentatives de barricades ont encore excité, pendant toute la journée d'hier, une vive inquiétude Paris. C'est aujourd'hui l'anniversaire de la prise de la Bastille en 1789. Nous saurons demain com ment il se sera passé. On en redoutait vivement le retous, et non sans de très-justes motifs. On s'attend pour demain b une nouvelle ba taille, et je n'oserais dire que les craintes, éprouvées par les bons citoyens, soient dénuées de fondement. Et cependant, pour se lancer dans une partie ef froyablement inégale, il faudra aux fanatiques du communisme la fureur du suicide,car, cette fois-ci, on ne ferait pas de quartier. Mourir pour mourir, on aime mieux succomber les armes b la main, en combattant les barbares, que de porter sa tête sur i'échafaud. Oh qu'il est triste de vivre ainsi en proie b de perpétuelles alarmes! Quoi qu'on fasse pour se rassurer, on sent toujours au fond du coeur d'in vincibles inquiétudes. Je m'imagine que les soldats d'Afrique doiveot dormir plus tranquilles sons la tente du désert, au milieu d'Arabes ennemis, que l'on ne dort maintenant dans la métropole de la civilisation. Quand je songe a l'état où la France est réduite, je ne puis me défendre d'une amère tristesse. Il semble qu'elle soit marquée par le doigt de Dieu du sceau de la décadence. La France, a-t-on dit souvent, ne saurait périr, car Dieu la protège. Mais quel rôle pourrait-elle, a l'heure présente, jouer dans le monde Elle, dont l'épée a si souvent fait trembler l'Europe, c'est b peine si elle est mainte nant assez forte pour se défendre contre les barbares qu'elle recèleblans son sein. Si, par malheur, une guerre venait d'éclater, où est l'armée qu'elle op poserait a ses ennemis? Sou armée ne suffit même plus pour la protéger contre l'anarchie. Et pour couvrir Paris, il 11e faut pas moins que les bras de tous les départements. Quel abaissement, grand Dieu Et où s'arrêtera—t-il N'en déplaisse a la Parisienne, dont le règne est du reste passé, le peuple français n'est pas ex clusivement composé de braves. Il y aura toujours des gens qui auront horreur de la guerre, peur des armes et peu d'intelligence a l'endroit des consignes. Combien d honnêtes citadins, dans l'esprit desquels l'état de siège est venu apporter la perturbation L'un d'eux, attardé malgré lui, regagnait a grands pas son domicle, lorsqu'il fut arrêté par un énergi que qui vive? Ah! monsieur, s'écria-l-il, dans son trouble, que faut-il que je réponde? Imbé cile ajouta le factionnaire. Imbécile répéta le citadin en prenant les jambes b son cou, pendant que la sentinelle étouffait de rire. Le citadin a pour tant fait remarque que le mol d'ordre était parfois assez singulier. {Corsaire.) Pendant l'insurrection de juin, lorsque le succès de l'ordre était loin d'être assuré, et que la fusillade et le canon retentissaient en face de la rue S'-Jacqnes et de la rue de la Harpe, la joie appa raissait sur le visage des représentants qui siègent aux bancs élevés de l'extiêtue gauche. Un député obscur, mais honnête, s'étant assis par hasard sur un de ces bancs, son voisin, qui le prenait pour un fervent disciple de la Montagne, se mit lui parler de l'insurrection, de la défaite probable de la garde nationale et de l'envahissement de l'Assemblée. La conversation fut longue. Le complice de l'émeute était intarrissable sur les merveilles qui allaient s'accomplir. Voici, entre autres choses, quel aurait été l'un des résultats de la victoire: Il y a ici quatre cents têtes de trop, dit le représentant jaco bin il faudra les faire tomber et nous aurons des élections favorables. Nous garantissons l'exacti tude de cette parole qui nous a été rapportée par un homme digne de toute confiance. {Courrier de la Gironde On lit dans un journal d'hier A quatre heures de l'après-midi, le général Lamoricière, interrogé par une personne a laquelle il n'avait aucune raison pour ne pas dire toute la vérité, a répondu que, malgré quelques embarras inévita bles, tout marchait bien, et que le gouvernement, qui comprenait ses devoirs envers l'ordre social, n'avait absolument rien b craindre. Le général- ministre a ajouté qu'il avait déjb fait rentrer cent dix mille fusils, et qu'il continuait. M. l'amiral Bruat vient d'être nommé préfet maritime b Toulon; il doit partir immédiatement pour son poste. On annonçait hier dans les couloirs de l'As semblée qu'un coup de feu avait été tiré la veille au soir sur M. Ducoux, représentant du peuple. La balle lui a effleuré la joue. M. le général Damesme, dont l'état est de plus en plus satisfaisant, conservera, selon le désir qu'il en a exprimé, le commandement supérieur de la garde nationale mobile. M. le colonel Lafont de Villers conserve le commandement en second des bataillons. Voici comment on raconte la mort du général Regnault, dans les journées de juin A la prise d'une barricade du faubourg Saint-Antoine, les soldats firent un grand nombre de prisonniers; un d'eux, surpris les armes b la main, allait être misa mort, quand le général Regnault, encore b la tète de son régiments'élance vers les soldats et réclame leur clémence, les fusils s'abaissent aussitôt. «Merci, colonel, dit l'insurgé en s'avançant vers lui; et tirant un pistolet de dessous sa blouse, il étend b ses pieds le brave qui lui sauvait la vie. Après cet acte inqualifiable de lâcheté et de cruauté, rien ne put arrêter l'exaspération des soldats, et l'insurgé tomba criblé de balles. Le citoyen Proudhon, auteur du mot célèbre la propriété c'est le vol, revient aujourd'hui a la charge pour mettre sa devise en pratique. Bien que représentant du peuple, il ne s'adresse pas a l'As semblée nationale il engage la population pari sienne a ordonner b la législature de promulguer un décret radical qu'il se donne la peine de rédiger lui-même. Ce décret porte que tous les propriétaires quelconques (d'immeubles, d'obligations, de rentes sur l'Etat) seront pépouillés d'un tiers de leur for tune b partager entre leurs créanciers et le trésor. Le citoyen Proudhon proteste que c'est dans l'in térêt des propriétaires qu'il leur enlève leur bien. Il démontrera plus tard cette thèse ingénieuse. Aprèsavoir proposé de prendreaux propriétaires le tiers de leur fortune (pour commencer et en attendant le reste), le vertueux citoyen Proudbon termine son plan de réjorme par des mots qui seraient une plaisanterie dans une autre bouche que la sienne. Gardes nationaux, dit-il, en adoptant mes idées vous sauverez vortre fortune, vous relè verez vos affaires, vous assurez le bien-être de vos familles La dérision alla-t-eile jamais plus loin Une crise ministérielle vient d'éclater a Vienne. Le cabinet que présidait M. Pillersdorf a donné sa démission en masse. D'après des correspondances de Milan, la nou velle serait arrivée dans cette ville que le 5 juillet, a été définitivement proclamée a Venise l'annexion du territoire vénitien au reste de la haute Italie. Uue lettre de Goïto mande que l'Empereur d'Autriche a proposé b Charles-Albert de lui abandonner la Lombardie jusqu'à la ligne de l'A- dige, avec les forteresses de Mantoue et de Véronne. Lui-même garderait le pays vénitien, où il établi rait un prince de la maison d'Autriche.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1848 | | pagina 2