PÉTITION DES BRASSEURS
nmu
AU CONSEIL COMMUNAL.
QUELQUES MOTS
SUPPLÉMENT au Propagateur, du 25 Octobre 1848.
SUR LA
A la lecture du compte-rendu publié par
le journal le Progrès, de la séance du con
seil communal du 13 octobre, courant,
dans laquelle une pétition des brasseurs
de celte ville a été disculée, il semblerait
que la demande adressée par ces indus
triels la régence et M. le Ministre de
l'intérieur, était une chose bien extraor
dinaire, et même en quelque sorte désho
norante, puisqu'on insinue d'une manière
assez transparente, que son but final est
d'obtenir, non une véritable amélioration,
mais plutôt des facilités de fraude aux dé
pens des intérêts de la ville.
Rien n'est moins fondé cependant que
l'interprétation que le journal cité cherche
donner la démarche des brasseurs; et
le public en jugera, lorsqu'il saura que
l'unique demande qu'ils adressent l'au
torité communale, consiste être traités
quant leur industrie selon le texte et
l'esprit de la loi du 2 août 1822 sur la fa
brication de la bière, comme le sont les
brasseurs de la très-grande majorité des
villes du pays; et défaut d'obtenir celle
justice de l'autorité locale, ils réclament
que le Gouvernement veuille introduire
un mode uniforme dans la perception des
droils d'octroi pour toutes les villes de la
Belgique.
Si les brasseurs de celte ville ont indiqué
le système des retenues faire sur les
droits restituer pour les exportations de
bière hors du territoire de la ville, en
remplacement du règlement existant, c'est
parce que ce système est suivi dans pres
que toutes les villes du pays, entre autres
Courlrai, Bruges, Tournay, Gand,
Liège etc., et que par conséquent ils pen
saient que ce qui se pratique dans tant
d'autres villes du pays, administrées aussi
par des régences éclairées, qui prennent
aussi cœur les finances de leurs com
munes, aurait pu convenir celle-ci, où
l'on restait libre néanmoins de trouver
quelque chose de mieux.
Voilà donc lenormité dont les brasseurs
d'Ypres sont coupables, ils désirent être
régis selon la loi, et en fait d'octroi, com
me leurs confrères'de presque toutes les
villes du pays. Ce simple exposé doit déjà
faire comprendre combien en présence
d une réclamation licite et bien naturelle,
sont déplacés les malveillants commen
taires par lesquels le Progrès cherche
faire dévier les discussions où les intérêts
les plus graves sont engagés. Nous pré
senterons l'objet sous son véritable jour.
Suivant le système légal en vigueur (Loi
du 2 août 1822) les droits de l'état ou les
droits d'accise sont perçus selon la conte
nance de la cuve dans laquelle les farines
ou matières premières sont élaborées, et
pour prévenir tout abus il est défendu de
renouveller en tout ou en partie cette ma
tière première.
Sauf cette seule restriction, qu'on
veuille bien le remarquer, la loi permet
de faire de cette quantité donnée de ma
tière-première telle quantité de bière que
le veut le fabricant, et même plusieurs
espèces de bière par brassin. Et non seu
lement la loi ne défend pas de produire
plus ou moins de liquide par brassin, mais
elle est si discrète sur ce point, qu'elle ne
s'enquiert pas le moins du monde de ce
résultat, et respecte comme cela convient,
le secret du fabricant, la propriété indus
trielle qui sonsiste dans les procédés de
fabrication que chaque industriel trouve
les plus avantageux.
Telle est donc la base fondamentale de
la loi percevoir le droit suivant la cuve-
matière, et autoriser d'en extraire ce que
l'on peut.
Le règlement de l'octroi de cette ville,
contre lequel les brasseurs ont réclamé
plusieurs reprises, au lieu de rentrer dans
l'esprit de la loi et de s'y conformer, se
met au contraire en travers par l'érection
d'un système tout a fait opposé.
En effet, bien que les droits d'octroi
soient perçus sur la cuve-matière, il n'en
est pas moins vrai que pour obtenir la res
titution des droits pour la bière exportée,
(et notez que plusieurs brasseurs ont des
exportations assez importantes de bière et
de vinaigre), le règlement de la ville exige
non seulement que l'entonnement soit sur
veillé, ce qui est déjà un renversement
complet de la base de la loi, laquelle ré
pudie cette investigation, mais il prescrit
en outre que les brasseurs déclareront
l'avance les quantités qu'ils entonneront.
Or pour toute personne qui connait les
premiers élémens de la brasserie, c'est là
une disposition absurde, car cette quantité
varie suivant les qualités de la matière en
élaboration, la marche et la réussite du
brassin, par conséquent il n'est pas, comme
le dit le Progrès difficile d'éluder le règle
ment, mais il est difficile, pour ne pas dire
impossible, de s'y conformer exactement.
Ce n'est pas en effet, ces seules dispo
sitions contraires la loi, que se borne le
règlement. 11 est encore prescrit, toujours
contrairement au texte légal, de ne faire
qu'une seule espèce de bière par brassin,
tandis qu'en France même, sous le régime
des droits-réunis, on a la faculté de faire
deux espèces de bière par brassin. En
suite, selon la loi, les brasseurs ont, s'ils le
veulent, deux fois 24 heures et plus pour
faire leur entonnement; facilité nécessaire
afin de ne pas être surpris par les variations
subites de la température; et suivant le
règlement, il ne leur est laissé que six
heures, lesquelles six heures il fautdéclarer
quatre jours d'avance, comme si le fabri
cant avait la préscience du froid et du
chaud. Enfin bien d'autres conséquences
préjudiciables et vraiment absurdes résul
tent des prescriptions du règlement, qui
sont toutes restrictives ou destructives des
facilités laissées au fabricant par la loi.
Il est, disons-nous, de la plus grande dif
ficulté de se conformer aux exigences du
règlement, et cela est tel point que plu
sieurs brasseurs, ont aux dépens de leurs
intérêts les plus positifs, préféré renoncer
leur crédit-ouvert avec la ville, c'est
dire la restitution des droits pour bières
ou vinaigres exportés, plutôt que de s'y
soumettre plus longtemps. D'autres sui
vront probablement cet exemple, et tous
perdront de cette manière des sommes
assez considérables, encaissées par la ville,
mais perçues, en violation de tout principe
en matière d'octroi, sur des objets non
consommés en ville. On conviendra sans
doute qu'un pareil état de choses ne peut
durer, attendu qu'il ne serait pas pos
sible ces industriels de soutenir la con
currence avec les brasseurs du dehors qui
ne sont soumis aucune entrave.
Pour encore mieux faire ressortir com
bien la position des brasseurs d'Ypres est
exceptionnelle, il suffit de rappeller que
plusieurs villes de notre pays ont eu dans
le temps des règlemens d'octroi semblables
celui qui existe ici, mais le gouvernement
hollandais voyant les tendances de plu
sieurs conseils municipaux s'écarter de
l'esprit de la loi du 2 août 1822, sur la fa
brication de la bière, et voulant maintenir
intacte la liberté d'industrie qui est l'âme
de cette loi, porta la date du 10 novembre
1826, un arrêté royal qui avait pour but
de mettre le mode de récouvrement des
taxes communales sur les bières et les
vinaigres en harmonie avec les lois de
l'Etat et la perception des droits d'accise.
Cet arrêté porte aussi que les impositions
sur les bières brassées en ville ne pourront
être autorisées que sous condition de res
titution pour les bières et vinaigres de
bière exportés et consommés hors de la
ville.
Plusieurs régences du royaume voulant
se conformer cet arrêté royal, et rentrer