JOURNAL D'ÏPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3318.
32me année.
Dans la lettre communiquée au Progrès
par M. Gorrissen, professeur de rhétorique
au Collège communal d'Ypres, nous re
marquons une phrase qui mérite ce semble
l'attention des pères et mères de famille:
Je n'appartiens pas, y dit M. le pro
fesseur, l'école des Jésuites(i)
Eh! quoi, Monsieur, vous n'êtes pas de
l'école des Jésuites! et par ce fait vous
croyez couvrir votre personne de gloire;
pour nous, nous pensons que vous n'avez
mérité que notre pitié, et celui des chefs
de famille qui confient leurs enfants vos
soins.
Notre jugement, en ce point, se base sur
l'opinion émise par un judicieux écrivain
moderne, touchant les ennemis des Jé
suites. Voici comment il s'exprime:
Parmi les ennemis des Jésuites, c'est-
à-dire, de la religion dont ces hommes de
Dieu sont les zélés défenseurs, distinguons
d'abord les imbéciles, qui croient toutes
les fables diffamatoires débitées contre le
clergé et se disent esprits-forts; et les
lâches qui font chorus avec les calom
niateurs sans ajouter foi leurs menson
ges.
Distinguons encore ces hommes qui,
n'ayant jamais étudié le catholicisme dans
ses sources, ni l'histoire de l'Eglise que
dans des libelles, ne voient la religion et
ses institutions que telles que l'erreur les
figure leurs yeux. Ces hommes seraient
excusables dans leurs antipathies, s'ils
n'étaient volontairement injustes, ils se
nourrissent l'esprit de la lecture de tous
les livres, brochures et feuilletons qui leur
tombent sous la main; ils entendent tout
ce que la haine vomit d'injures et d'atro
cités contre les Jésuites et le clergé sans
examiner tout ce qu'il y a de faux parmi
tant d'allégations souvent contradictoires.
Ils écoutent l'accusation et non seulement
ils refusent de prêter l'oreille la défense
mais ils ne veulent même pas rechercher
et consulter le jugement des écrivains im
partiaux qui ont vérifié les faits. Ils sont
ennemis des Jésuites par conviction, mais
leur conviction est fondée uniquement sur
l'autorité des pamphlets qui ont inondé
l'Europe depuis le XVIe siècle jusqu'à la
terreur et depuis le règne de Robespierre
jusqu'à nos jours. Pour eux la vérité est
dans les leçons des Michelet et des Quinet,
au milieu des saletés sans nom de Méphis'
tophélès, et dans les pages immondes d'Eu
gène Sue.
La partie militante, l'armée
active des jésuitophobes se compose de
tous les bamboches de la maçonnerie, de
tous les sectateurs de la vie licencieuse,
d'hommes qui ont secoué le joug de la
religion, parce que la religion ne s'acco-
mode point avec leurs passions.Oui, parmi
ces diffamateurs intrépides des Jésuites,
excepté dans les trois catégories que nous
avons citées tantôt, je vous défie de nous
en nommer un seul qu'un honnête homme
puisse se proposer pour modèle auquel
un homme qui se respecte veuille souffrir
d'être comparé.
Après avoir ouï ce jugement fondé et
sévère, nous nous bornons faire au pu
blic la simple demande s'il est bien de
l'honneur d'un mentor de la jeunesse, de
proclamer tout haut qu'il n^ppartient
point l'école des jésuites!
Le journal Voltairien de cette ville sem
ble avoir compris enfin, que les grossièretés
et les sarcasmes qu'il débite avec autant
de persistance que de méchanceté contre
les ministres du tulte ne servent qu'à lui
aliéner de plus en plus l'opinion publique.
C'est sous l'influence de celte intime con
viction qu'il a livré au jour son article de
jeudi, où il se pose l'apologiste de la Reli
gion et le chaleureux protecteur et ami
des ecclésiastiques qui la desservent.
Tout fier de cette hypocrite expansion
d'estime èt de vénération religieuse, le soi-
disant Progrès ne s'efforce rien moins,
qu'à faire accroire, que les sentiments qu'il
affiche présentement sont ceux qui l'ont
animé sans cesse.
En vain la feuille liberâtre cherche-t-
elle tromper, sur ce point, ses lecteurs.
Ses protestations ne sauraient qu'embras
ser l'avenir; le passé, pour sa justification,
ne pouvant être évoqué d'une manière
victorieuse.
Eh quoi! Progrès, vous osez déclarer
qui veu t l'entendre que jamais vous ne vous
êtes permis aucune parole qui blessât le
respect dû envers la foi et ses dogmes?
n'étais-ce donc pas de vos puantes officines
qu'ont émané les feuilletons blasphéma
toires contre S1 Ignace de Loyola? n'est-ce
pas vous qui, il n'y a que quelques mois,
brûlâtes un fol encens en l'honneur du cy
nique écrivain du Juif Errant, dont la plu
me, peut-être la plus lascive qu'enfanta le
XIX siècle, semble avoir pris tâche de
changer le vice en vertu et la vertu en vice!
Vous n'en voulez point aux prêtres! mais
pourquoi donc ne cessez vous un instant
de jeter du discrédit sur le sacerdoce?
pourquoi, quand ils remplissent un devoir
que la patrie leur impose en leur qualité
de citoyens aussi bien qu'à vous et les vô
tres, les représentez-vous comme conspi
rateurs usurpant des libertés publiques?
Si les ministres des Autels sont vos amis
et captivent votre estime pourquoi vous
montrez vous l'écho complaisant et em
pressé de toutes les calomnies les plus
odieuses inventés contre leurs personnes?
pourquoi, dites-le nous, vous obtinez-vous
leur refuser l'entrée de l'éducation pu
blique, et par un système qui jette la ruine
dans nos finances, substituez-vous l'ap
pui bienfaisant de leur ministère sur le
coeur du jeune homme, celui que présente
l'indifierence peut-être l'irréligion?
Après des antécédents de cette sorte,
pouvez-vous, Progrès, pouvez-vous raison
nablement, vous vanter de votre bienveil
lance eh matière religieuse, et n'est-ce pas
la crainte d'être écrasé sous le poids de
l'indignation publique, qui vous fait tenir
un langage moins fanatique?
L'avenir, en ceci, nous fournira des ex
plications.
11 est facile de remarquer dans quel but
le ministère Rogier a mis tant d'acharne
ment faire adopter au Sénat son projet
de loi qui doit entraver la liberté de l'en
seignement, et pourquoi nos mandataires
yprois la Chambre des Représentants
ont été si empressés seconder le cabinet
dans ses vues illibérales.
Depuis 1836 jusqu'en 1848 les deux
universités de l'Etat, tout en absorbant la
somme de 9,075,000 fr.n'ont compté
que 2,551 étudiants, tandis que les deux
universités libres avec les études privées
en ont fourni 4,324. De manière que l'en
seignement qui ne coûte pas une obole au
trésor public a donné au pays peu près
deux fois autant d'élèves que celui qui a
figuré aux budjets de l'Etat neuf millions
soixante quinze mille francs. Ceci en dit
assez pour convaincre les plus incrédules!
Cette façon de faire nous rappelle involon
tairement les 18,850 fr. que coûte le collège
communal d'Ypres.
En lisant la lettre de \1. Gorrissen, com
muniquée au journal de Mylord Pouff et
compagnie, il n'est personne qui ne s'est
arrêté sur cette phrase: Je n'appartiens
pas l'école des jésuites. L'auteur, ce
semble aurait dû ajouter, la grande salis-
faction des pères et mères de famille,
quelle école il appartient. Est-ce peut-être
l'école voltairienne façon Progrès?
Le Journal de Mylord dans son numéro
de Dimanche contient une phrase qui doit
lui rallier inévitablement la classe com
merçante et industrielle! Yoici comment
il s'exprime: Les industriels sont des
mannequins que quelque ressort secret
fait agir. Gâre vous, Progrès; que ces
mannequins, par l'action de leur ressort
secret, ne fassent claquer un jour leurs
fouets électoraux, car, soyez-en persuadé,
vous et les vôtres descendront marche
forcée, de l'hôtel de ville, avec armes et
bagages.
-ri.'Ma
Dans un précédent numéro, le Progrès
dont on a suspecté tant de fois les senti-
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou s'abonne àYpres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place et chez, les Percepteurs des Postes du Royaume.
1*RIX. RE LMRMKKMEVT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n» aï.
Ce Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 9 7 centimes la ligne.)
TFB.ES, 18 Juillet.
(i) Cette phrase ne, se trouve pas dans celle qu'il nous a
adressée. Nous ne savons pas pourquoi.
J «-T-»