autant d'allégations calomnieuses et sarcastiques a
l'adresse des jésuites que de mots, il nous serait
facile de faire crouler l'échafaudage de déclama
tions que l'écrivain jésuilopbobe du Progrès
élève contre ceux dont il ne peut entendre pro
noncer le seul nom sans grincer des dents, d'une
manière horrible.
Eh quoi Eii présence d'un public qui réfléchit
et qui pèse mûrement les choses vous osez, Progrès,
accuser les jésuites de comploter contre la société?
mais, un tel reproche lient la stupidité. Remar
quez-le bien; si les disciples d'Ignace étaient tels
que vous les dépeignez, hypocrites, ambitieux,
intolérants, immoraux, fauteurs de désordres et de
révolutions ils auraient pour amis les plus dévoués,
leurs ennemis'ies plus acbarnés mêmes. Et pourtant
vous ne l'ignorez guère; les héros de la suisse
révolutionnaire les ont bannis et répudiés. A
Rome les Mazzini et les Garibaldi, alors qu'ils
assiégeaient le Quirinal comptaient-ils dans leur
bande un seul jésuite; les Vico et tant d'autres en
mourant sur une terre étrangère, versaient des
larmes sur leur patrie. Dites-le nous a Paris
quand les flots de sang coulaient dans les rues, et
que les conspirateurs étaient dévoilées h l'autorité
la justice a-t-elle eu b sévir contre un seul enfant
d'Ignace. Dernièrement dans notre Belgique, quand
le républicanisme se mettait en voie de renverser
notre trône chéri, un seul jésuite a-t-il été dénoncé
comme assistant aux conciliabules des démagogues
Spillborn et Cats? non, non, Progrès; les jésuites
sont loin d'être tels que vous les placez sur la
scène; si le brevet d'avares, de glorieux de
médisants pouvait leur s'appliquer; si comme
les trace votre plume ordurière, ils étaient des
hommes sans foi, calomniateurs, plus amateurs
d'eux-mêmes que de Dieu, qui ont une appa-
u rence de piété mais qui en ruinent l'esprit et la
vertu;» votre langue irréligieuse s'applaudirait
la première en louange h leur adresse; loin de
signaler leurs personues a l'aversion commune,
vous répéteriez sur tous les tons leurs éloges, et
comme vous le fites pour l'itnpudique Sue, vous
brûleriez l'encens h leur honneur et leur gloire.
Cessez dooc de ne voir dans l'arrivée des
jésuites sur la terre que la réalisation de la
prophétie de l'àpotre St-Paul
Or sachez qu'il viendra des temps fâcheux
Car il y aura des hommes amoureux d'eux-
mêmes, avares, glorieuxsuperbes, médisants,
etc., sans foi et sans parole, calomniateurs, plus
amateurs d'eux-mêmes que de Dieu
Fuyez ces hommes; ils seront corrompus dans
l'esprit et pervertis dans la foi mais le progrès
qu'ils feront aura ses bornes; car leur folie sera
connue de tout le monde, comme le fut celle de
de Jannes et Manières.
Mieux que les jésuites, les hommes qui fréquen
tent vos officines, Progrès, sont l'accomplissement
des paroles du grand Apôtre. A la première partie
de la prophétie surtout, on reconnait vos vertus et
qualités. La fin des prévisions vous convient
encore h la lettre vos progrès commencent h
rencontrer des bornes, et votre folie h chacun
parait clair comme le jour.
Quant aux rémontrances que fit le président du
parlement de Paris, Harlay a Henri IV contre les
jésuites qu'il représente comme pernicieux h la
sûreté publique, rémontrances, dont le Progrès se
sert pour renfoncer sa thèse, il suffit pour les
réduire leurs justes valeur d'y opposer la réponse
qu'y fit ce grand prince en i6o5, et qui est une des
meilleures réfutations que l'on puisse faire des
calomnies dont on poursuit les jésuites:
Bien que la pièce soit un peu longue, je crois
faire plaisir, 'a vos lecteurs en la faisant connaître.
Je compte donc, M. le Rédacteur sur votre bien
veillance habituelle en vous en demandant l'im
pression
Voici cette belle et complète apologie prononcée
par Henri IV
J'ai toutes vos conceptions en la mienne;
mais vous n'avez pas la mienne en la vôtre,
vous m'avez proposé des difficultés qui vous
semblent grandes et considérables et n'avez
celte considération que tout ce qu'avez dit a été
pesé par moi, il y a huit ou neuf ans vous faites
les entendus eu matières d'Etatet vous n'y
entendez non plus que moi rapporter un
procès.
Je veux donc que vous sachiez, touchant
Poissyque si tons eussiez aussi bien fait qu'un
ou deux jésuites qui s'y trouvèrent h proposles
choses y fussent mieux allées pour les catholi-
ques. On reconnait dès lors, non leur ambition,
mais bien leur suffisance, et m'étonne sur quoi
vous fondez l'opiuion d'ambition en des pér
ir sonnes qui refusent les dignités et prélalures
quand elles leur sont oflerles et qui font vœu h
Dieu de n'y aspirer jamais et qui ne prétendent
u autre chose en ce monde que de servir sans
récompense tous ceux qui veulent tirer service
d'eux. Que si ce mot de jésuite vous déplait
pourquoi ne reprenez-vous pas ceux qui se
disent religieux de la trinité et si vous estimez
d'être aussi bien de la compagnie de Jésus
qu'eux, pourquoi ne dites vous pas que vos
filles sont aussi bien religieuses que les filles—
Dieu Paris, et que vous êtes autant de l'ordre
du St-Esprit que mes chevaliers et que moi?
J'aimerais autant et mieux être appelé Jésuite
que Jacobin et Augustin.
La sarbonne, dont vous parlez, les a condam-
nés; mais c'a été comme vous, devant que des
connaître, et si l'ancienne sarbonne n'a point
voulu, par jalousie les reconnaître, la nouvelle
y a fait ses études et s'eo loue. S'ils n'ont été en
(O Frauce jusqu'à présentDieu me réserve cette
gloire, que je tiens grâce, de les y établir, et
s'ils n'y étaient que par provision ils y seront
désormais par édit et par arrêt. La volooté de
mes prédécesseurs les y retenait, ma volonté est
de les y établir.
L'Université les a contrepointés; mais c'a été
ou parcequ'ils faisaient mieux que les autres,
témoin l'afiluence des écoliers qu'ils avaient en
leurs collèges, ou parcequ'ils n'étaient incorpo-
rés en l'Uuiversité dont ils ne ferout maintenant
refus, quand je le leur commanderai, et quand
pour les remettre vous serez contraints de me les
demander.
«t Vous dites qu'en votre parlement les plus
doctes n'ont rien appris chez eux.
Si les plus vieux sont les plus doctes, il est
vrai; car ils avaient étudié devant que les
jésuites fussent connus en France. Mais j'ai oui
dire que les autres parlements ne parlent pas
ainsi, ni même tout le vôtre; et si on n'y apprend
mieux qu'ailleurs, d'où vient que par leur ab-
sence votre uoiversité est rendue toute déserte
et qu'on les va chercher nonobstant tous vos
arrêts Douay et hors de mon royaume.
De les appeler compagnie de fastieuxpour
ce qu'ils ont été de la ligne; c'a été l'injure du
temps. Ils croyaient y bien faire comme plusieurs
autres qui s'étaient mêlés dans les affaires de ce
temps l'amais ils ont été trompés et déçus avec
eux et ont reconnu tout de contraire de ce qu'ils
avaient cru de mon iolention; mais je veux
croire que c'a été avec moins de malice que les
autres et tiens que la même conscience, jointe
aux grâces que je leur ferai me les affectionnera
autant et plus qu'à la ligue.
Ils attirent, dites-vons, les enfants qui ont de
l'esprit, voient et choisissent les meilleurs; et
c'est de quoi je les estime. Ne faisons-nous pas
choix des meilleurs soldats pour aller la guerre
et si les faveurs n'avaient place comme envers
vous, en recevriez-vous qui ne fussent dignes
de votre compagnie et de seoir au Parlement?
S'ils vous fournissaient des précepteurs ou des
prédicateurs ignorans vous les mépriseriez; ils
ont de beaux esprits vous les en reprenez.
Quant aux biens que vous dites qu'ils avaient
c'est une calomnie et une imposture et sais très
bien que par la réunion faite mon domaine on
n'a su entretenir Bourges et Lyon sept on
huit régens au lieu qu'ils y étaient au nombre de
trente quranle; et quand il y aurait de
l'inconvénient de ce côté pour mon édit j'y ai
u pourvu.
Le vœu d'obéissance qu'ils font au Pape ne
les obligera pas davantage suivre son vouloir,
«t que le serment de fidélité qu'ils me firent
n'entreprendre rien contre le Prince naturel;
mais ce vœu n'est pas pour toutes choses, ils ne
le font que d'obéir au Pape quand il voudra les
envoyer la conversion des infidèles; et de fait
tt c'est par eux que Dieu a converti les Iodes; et
c'est ce que je dis souvent, si l'Espagnol s'en est
servi pourquoi ne s'en servira la France? Notre
condition est-elle pire que les autres? L'Espa-
gne est-elle plus aimable que la France Si elle
l'est aux siens pourquoi ne le fera pas la France
aux mieux
Ils entrent comme ils peuvent; aussi font bien
les autres, et suis moi-même entré comme j'ai
pu dans mon royaume; mais il faut ajouter que
leur patience est graude et que moi je l'admire:
car avec patience et bonne vie ils viennent
bout de toutes choses; et si ne les estime pas
moins en ce que vous dites, qu'ils sont grands
observateurs de leurs vœux c'est ce qui les
maintiendra. Aussi n'ai-je rien voulu changer
en leur règle, ainsi les y maintenir: que si je
leur ai limité quelques conditions qui ne plai—
u ront pas aux nations étrangères, il vaut mieux
que les étrangères prennent la loi de nous que
si nous la prenions d'eux quoiqu'il en soit je
suis d'accord avec mes sujets. Pour ce qui est
des ecclésiastiques qui se formalisent d'eux
c'est de tout temps que l'ignorance en a voulu
la science; et j'ai reconnu que quand je par-
lerais de les rétablir, deux sortes de personnes,
s'y opposeraient particulièrement, ceux de la
religion (réformée) et les ecclésiastiques mal
vivans; c'est ce qui me les fait estimer davan-
tage.
Touchant l'opinion qu'ils ont du Pape, je
sais qu'ils le respectent fort; aussi fais-je moi,
mais vous ne dites pas qu'il n'a pas voulu saisir
<t Rome les livres de M. Bellarmin parcequ'il
n'a pas voulu donner autant de juridiction an
Saint-Père que font communément les autres.
Vous ne dites pas aussi que, ces jours passés,
les Jésuites ont soutenu que le Pape ne pouvait
errer, mais que Clément pouvait faillir. En tous
casje m'assure qu'ils ne disent rien davantage
que les autres de l'autorité du Pape, et crois
que, quand on en voudrait faire le procès anx
opinions il le faudrait faire celle de l'Église
catholique. Quant la doctrine d'émanciper h s
ecclésiastiques de mon obéissance, ou d'ensei-
gner tuer les Rois, il faut voir, d'une part ce
qu'ils disent et informer s'il est vrai qu'ils le
montrent la jeunesse. Une chose me fait croire
qu'il n'en est rien, c'est que depuis trente ans
en ça qu'ils enseignent la jeunesse en France,
plus de cinquante mille écoliers de toutes sortes
de conditions sont sortis de leurs collèges, ont
conversé et vécu avec eux et que l'on n'en