JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N<> 3340.
33me année.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou s'abonne àYpres, rue de Lille, 10, près la Graude
Place, et chea les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DK LMIIQISENEIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° 2^.
Le Préparateur parait le S.VIfiEDI et le !HF.RCREUI
d echaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne»)
7PP.3S, 3 Octobre.
Depuis que les doctrines subversives du
rationalisme anti-chrétien ont banni de
tant d'âmes la foi religieuse et avec elle
les principes conservateurs des peuples, il
semble qu'un esprit de vertige pousse les
nations aveuglées et frémissantes. Un prin
cipe négatif se décorant du nom de libéra
lisme s'est infiltré dans les esprits qui
n'animent plus les forces vivifiantes du
christianisme. Désormais la logique des
baïonnettes est appelée suppléer au sen
timent du devoir, que naguère une religion
toute de dévouement inculquait avec tant
de force dans tous les cœurs; et le monde
qui se sent vaciller au bord du précipice
se demande avec effroi jusques quand
ces digues toujours peu sûres pourront
arrêter encore les Ilots croissant sans cesse
du torrent populaire!
Notre Belgique, il est vrai, n'a point eu
encore gémir, comme tant d'autres na
tions, sur les effroyables débordements des
prétendus amis d'une juste liberté. Elle
n'a point vu élever les barricades de Juin,
ni entendu les imprécations et les blas
phèmes d'un peuple délirant de rage. Elle
n'a point assisté aux lâches attentats dont
la jeune Allemagne a signalé sa présence
Francfort, Bude, Vienne. Le bon sens
de nos populations a stigmatisé de son
mépris les prétentions intolérantes dont
l'Italien accueillit partout les concessions
les plus larges de ses souverains. La droi
ture naturelle du Belge s'est révolté devant
l'ignoble ingratitude dont le parti rému
néra le dévouement généreux de l'infortuné
roi de Sardaigne et les bienfaits inépuisa
bles de ce Pontife, l'ornement du siège de
Rome.
Mais si notre patrie a conservé jusqu'ici
son calme et sa tranquillité, il importe de
le proclamer tout haut, c'est bien la
religion qu'elle en est redevable, cette
religion, objet des sarcasmes et des diatri
bes d'une presse licencieuse, chez qui de
honteuses colères ont étouffé tout senti
ment d'honneur et d'équité; cétle reli
gion qu'un instinct de conservation devrait
au moins préserver de l'indifférence et de
la coupable torpeur de la foule. Contre
poids indispensable aux principes essen
tiellement dissolvant du libéralisme, com
bien de temps encore préservera-t-elle des
désastres qui la menacent de toutes parts
une société qui présente d'aussi funestes
symptômes?
Oh! il est urgent qu'en face de l'immense
conflagration dont le foyer ne cesse de
s'étendre, il est urgent que tous les bons
citoyens unissent leurs plus puissants ef
forts et, se serrant autour de leur bannière,
combattent au moins pourl'honneur, sinon
pour la victoire!
LES GCIHÉES ANGLAISES.
Un arrêté du 28 Septembre met fin au
cours légal des guinées anglaises. Il dispose
que les pièces ne seront reçues ou échan
gées dans les bureaux publics que jusqu'au
3 Octobre. De manière que l'avertissement
inséré le lendemain dans le ilonilcur, et le
surlendemain dans les journaux quotidiens
n'aura été connu que des personnes qui
lisent assiduement les grands journaux.
Lundi après midi la Régence d'Ypres s'est
empressée d'informer ses administrés de
celte démonétisation, mais dans beaucoup
d'autres endroits, et la campagne sur
tout, la même diligence n'aura pas été
employée, ni même pu l'être. Hier et au
jourd'hui les bureaux étaient assiégés.
Cependant bien des personnes n'auront
pas été même de se mettre en règle.
Comme les plus prudents se mettaient en
garde de conserver des guinées, cotées au-
dessus de leur valeur réelle, la plupart
passâient entre les mains des campagnards,
maintenant surtout l'époque de la vente
de leurs récoltes. Or comment les habi
tants du plat pays ont-ils pu temps con
naître une disposition annoncée dans les
journaux qu'ils ne lisent pas, s'informer
des bureaux d'échange, quitter subitement
leurs travaux, franchir des distances con
sidérables, faire queue la porte des rece
veurs, s'y morfondre utilement, et repartir
enfin pour arriver chez eux heure indue
dans l'obscurité par des chemins déjà mau
vais aux risques de se casser le cou ou
d'être dépouillés en route?
Est-ce un coup qu'on a voulu porter aux
petits journaux au bénéfice des gros bon
nets de la presse bruxelloise? La précipi
tation a été si grande que nous avons pour
notre part, été dans l'impossibilité d'in
struire nos abonnés de la démarche qu'ils
avaient accomplir pour se préserver de
tout dommage.
Est-ce une spéculation libérale sur le
campagnard trop confiant? On a déjà fait
tant de niches nos concitoyens du plat
pays parce qu'ils ne votent pas Comme les
commissaires de district le veulent, que
nous ne serions étonné de rien. Après la
dîme, la main morte, et d'autres déceptions,
pourquoi ne leur jouerait-on pas "un tour
anglais?
Tout ce que nous savons de certain,
c'est que M. Frère ne se pressait pas au
tant de faire déguerpir un curé rebelle
son évêque dans le pays de Liège, qu'il
met de la hâte faire rentrer les guinées.
Tout ce que nous savons de certain, c'est
qu'il faudra un délai de prorogation, de
bonne ou de mauvaise grâce, et que s'il
n'est pas accordé, il y aura beaucoup de
murmures, la Campagne Surtout.
Nous donnons plus loin le décret de N.
S. P. le Pape Pie IX par lequel il réorga
nise sur de nouvelles bases les pouvoirs
violemment renversés et détruits dans ses
états, et accorde dans les limites que les
circonstances permettent un pardon géné
reux du passé la plupart des coupables.
Cette publication a généralement satisfait
les hommes tnodérés qui en Italie et en
France veulent pour le domaine temporel
de l'Eglise un gouvernement stable, modulé
sur la nature de cette souveraineté, les
exigences du siècle et l'esprit des popula
tions qui ces institutions sont destinées.
La presse italienne, encore sous la fasci
nation des utopies accréditées par Mazzini
et d'autres séducteurs, dont l'un rôde
même dans notre contrée, regarde les
concessions du Souverain Pontife comme
insuffisantes; mais ce premier effet de
l'impressionnabilité toute méridionale de
la péninsule se dissipera quand on se
verra d'accord précisément sur de plus
fortes exigences avec les montagnards
français, dont l'approbation porterait tou
jours malheur. Le peuple des États Ro
mains a eu l'occasion de jouir du régime
constitutionnel peu près complet, il lui a
été offert, il l'a repoussé et s'en est montré
incapable, pour ne pas dire indigne. II ne
restait donc qu'à chercher un moyen ter
me entre un passé usé et des réformes
trop brusques. L'amnistie devait aussi ren
fermer des restrictions. Le Pape ne pou-
vaitplussecontenterdela parole d'honneur
de ceux qui ont prouvé qu'ils n'en ont pas.
Il ne pouvait presser la main des traîtres
qui ressaisiraient, rien ne garantit le con
traire, dès demain le poignard retiré de la
gorge de Rossi.
Bien que nous ne soyons pas en général
les adversaires des Expositions agricoles,
nous n'hésitons pas insérer le dialogue
qui va suivre, parce qu'il signale avec
hyperbole un des incenvénients qu'on peut
raisonnablement objecter aux Expositions.