JOURNAL R'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N« 3365.
33K année.
7PB.3S, 29 Décembre.
f
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abouue Ypres, rue de Lille, 10, près la Grand
Place et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIT DE L'ABDIKElieiT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n« a5.
Te Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes la ligne.)
Il est une époque de l'histoire où la société s'est
trouvée en bulle aux attaques incessantes de deux
ennemis d'autant plus redoutables, que la con
formité de leurs desseins avait rassemblé leurs
forces dans nn même faisceau. Le moode social
ainsi travaillé par l'idolâtrie barbare et par la dé
pravation des mœurs qu'engendra l'invasion des
sauvages ne pouvait plus longtemps résister aux
armes des conquérans du Nord qui comptaient
tous les .vices a leur solde, et la nuit du tombeau
lui paraissait dès lors la seule lumière apparente.
C'était en 768, et la Providence, témoin des
dangers que courait l'humanité, par l'affaiblisse
ment de la puissance civile sans cesse harcelée par
la barbarie et son hideux cortège de complices,
appela sur le trône de la France, le digne fils de
Pépin, l'immortel Charlemagne. A peine ce.grand
roi prit-il en main le sceptre et le diadème, qu'ap
pelant sur son règne les bénédictions célestes, il
tourna ses premières armes contre les Saxons, les
Lombards, les Sarrasins, les Huns, les Slaves et les
Grecs qu'il défit tour 'a tour. Victorieux de ses en
nemis extérieurs, ce sage monarque s'empressa de
cicatriser et de guérir les plaies que leur présence
avait causées dans les différents empires.
Enrichir l'église de dons, la combler de faveurs,
lui donner de l'autorité tf de la considération;
étendre partout l'éducation religieuse et les lu
mières du christianisme dans les veines sociales,
en coufiaut au prêtre, la sublime et noble mission
de former la jeunesse, telle fut la politique qu'a
dopta ce prudent souverain, et l'histoire atteste
comme elle parvint élever la France h ce dégré
de splendeur et de gloire auquel peut être elle ne
parviendra plus jamais!
En relisant ces pages des annales historiques, il
est impossible de ne point remarquer plus d'un
trait de ressemblauce entre la société dont Char
lemagne s'est montré le libérateur et celle qui
constitue notre âge. De nos jours, il est vrai, des
bordes barbares n'infestent plus l'Europe civili
sée; des peuples sauvages ne sillonnent point nos
frontières tentant h mettre un pied sacrilège sur
notre sol, dans le but de renverser nos autels et
d'y ériger leurs idoles. Mais n'est-il pas vrai, que
la société actuelle, comme au moyen-âge, se trouve
en présence de deux monstres déchaînés pour sa
ruine, l'impiété et la barbarie? Barbarie dira-t-on
en plein dix neuvième siècle I Et qu'on dise donc
de quel nom il faudrait appeler, mieux que de bar
bares, ces générations étrangères tout principe
moral, qui ont perdu la Suisse, l'Italie, la France
et l'Allemagne! Barbares! et comment titrer ces
maîtres sceptiques et voltairiens qui vicient la jeu
nesse et préparent ainsi des jours de deuil et de
calamité leur patrie!
L'impiété et la dépravation des mœurs comme
jadis ont signalé leur présence, et la puissance
civile a diminué en raison de leur progrès. A quel
temps assista-t-on jamais plut de crimes, plus
de conspirations, plus d'infamie, qu'à cotte époque
où la lâcheté du suicide est réputée courage où la
manie de s'entre-tuer est devenue une affaire
d'honneur; où les feuilles publiques regorgent
d'horribles blasphèmes et de dégoûtantes obcénités?
Vraiment; vraiment; c'est dans le règne de
Charlemagne que les ennemis de la société ac
tuelle semblent avoir pris leutt maximes pour
arriver leurs fuuestes desseins. C'était dans la
religion, dans le prêtre que cet insigne bienfaiteur
delà France avait placé son seuhappui, pour ré
générer les peuples et c'est précisément contre ces
pierres fondamentales que les révolutionnaires de
tous les pays, tant communistes éue pseudo-libé
raux dirigent leurs efforts. Enlevpns au prêtre son
influence; dépouillons-le de soi plus cher héri
tage, la charité et l'éducation ne'îont-ce point les
cris de railliement de nos réformateurs, de nos
phariséens philanthropes?
Pour celui qui place la question de principe et
de conservation de la famille sociale, audessus des
viles querelles de parti, c'est un bien triste spec
tacle, d'assister ce concert de déclamations contre
une autorité qui sert d'unique pivot tout pouvoir
durable, et qui désormais est considérée comme
l'unique.planche de salut des pe pies mourants.
Mais ce qui est plus désolant pour tout ccèùr~qnr
bat pour le salut des empires, c'est de voir le
gouvernement, la commune courber parfois le
front devant les prôneurs d'utopie et d'erreur, et
favoriser ainsi les projets des innovateurs insensés.
Que répondent, qu'on le dise, les pouvoirs anx
fils de Vottaire qui exigent qu'on exile la religion
des écoles, que la charité ne puisse couler h plein
flot dans le sein des pauvres? Que répondent les
administrations publiques alors qu'on appelle leur
sévérité l'égard de maîtres dont la conduite et les
principes sont un poison mortel pour les enfants
confiés leurs soins? Laissons lâ dessus les faits
parler, et leur langage sera si décisif et si éloquent
que le désespoir s'emparerait de mainte personne
sur qui les préjugés n'agissent point, s'il n'était
connu tout sincère catholique, que la Provi
dence se joue parfois des desseins des hommes, et
qu'elle peut son gré dissiper les nuages les plus
sombres et les plus gros de tempêtes.
Jeudi dernier, le sieur Charles I.ameere de
Passchendaele a été coudamné h plusieurs mois
d'emprisonnement pour distribution d'un libelle
injurieux envers un habitant de sa commune et
sorti des presses du sieur Debrouwere Roulers.
Vainement le sieur Lameere a réclamé son renvoi
devant le jury, déclarant qu'il était l'auteur du
libelle; il lui a été réparti qu'il n'était poursuivi
que pour le délit de distribution d'un imprimé
sans indication du nom de l'imprimeur, délit qui
ne doit pas être confondu avec un délit de presse.
Le jour de Noëlle Journal de Bruxelles se
plaignait que les masses eussent désappris le che
min de l'Église. Si les scandales sont en effet
nombreux et fréquents de nos jours, du moins aux
doléances du journal bruxellois s'opposait en quel
que sorte nne double protestation Ypres. Dès cinq
heures du matin au milieu des tenèbres se mouvait
une population compacte, les vastes nefs des églises
se remplissaient de monde, l'Église de S' Pierre,
la populeuse paroisse des pauvres, surtout. Par
tout a régné un recueillement parfait. Seulement,
pins tard dans la journée, un accident a fait une
pénible sensation. M. le baron Vandersticbele,
notre vénérable bourgmestre, a fait une chute au
moment où il allait l'offrande de la grand'messe
h S' Jacques. MM. De Codt et Iweins se sont em
pressés de le relever. La chute n'a eu heureusement
aucune gravité; mais toujours est-il que l'em
pressement du peuple aux églises et l'accident
arrivé au premier magistrat de la ville, alors qu'il
assistait au service divin, exceptent avec éclat la
ville d'Ypres du reproche d'indifférence et de
froideur religieuse lancé contre les habitudes con
temporaines.
st
Hier après midi, une véritable tempête se dé
chaînait sur la ville en même temps que la neige
tdmbait avec abondance. La neige chassée par le
vent produisait sur notre magnifique hôtel de ville
l'effet le plus étrange en s'incrustant dans les
cavités de toutes les bordures des ogives, elle en
transformai 1 îa-fsxsûé en me immense dentelle
d'une éblouissaote blancheur.
A peu d'intervalle, on a vu deux fois des quar
tiers de Paris mis en émoi et des bâtiments solides
mis en pièces par l'explosion de tuyaux du gaz.
Ou a placé les tuyaux du gaz sous le portique du
Nieuwerknon loin le long de la cotonnade.
Comme les bureaux de l'administration communale
sont au haut de cette partie des Halles, nons som
mes persuadé qu'on s'est assuré mieux qu'à Paris
de l'impossibilité d'un accident. Car si le moindre
danger existait qu'une explosion pût renverser ou
ébranler les colonnes, ne serait-on pas fondé dire
que la Régence d'Ypres se place sur nn volcan?
Un de nos plus honorables industriels, M. Van-
den Driessche, vient d'être cruellement éprouvé
dans ses affections de famille, par la perte de son
fils ainé. C'est hier vendredi qu'ont eu lieu les
funérailles de ce jeune homme qui venait peine
d'entrer dans sa vingt-deuxième année. Malgré le
temps détestable, la foule des amis du respectable
rubannier était compacte, environ quatre-vingt
ouvriers de sa fabrique conduisaient le deuil. La
Chambre de commerce dont le père du défunt fait
partie, et tout ce que la ville renferme de commer
çant et d'industrie! a fait acte de présence. Ce té
moignage éclatant d'estime et de considération que
le public, accorde la famille Vanden Driessche,
bien qu'en une circonstance lugubre, contraste
singulièrement avec les incartades dont le vil Mo
niteur de la régence gratifie la portion commer
çante et industrielle de ia cité. Si le fameux
Mylord, dans cette cérémonie se fut trouvé son