JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3384.
Mercredi. 6 Mars 1850.
33me année.
7PS.ES, 6 MARS.
REVUE POLITIQUE.
L'un des plus funestes caractères du
nouveau projet de loi sur l'enseignement
moyen, c'est sa tendance centralisatrice
qui le porte attenter aux franchises
communales et provinciales. Monopoliser
l'enseignement entre les mains du gouver
nement fut toujours le rêve d'or du pseu
do-libéralisme. Incapable de tenir tête aux
institutions que soutient l'opinion publi
que, il ne lui reste qu'à tranformer l'État
en antagoniste du clergé, et faire servir
arbitrairement lés deniers du contribuable
étayer ses intérêts de parti.
C'est la thèse favorite du Progrès; c'est
celle qu'il développe de nouveau dans son
n# dernier. Lourd et maladroit factura, où
entr'autres spirituelles sorties, on pose en
fait: la concurrence déloyale du clergé;
les beaux succès du collège communal
dans les concours généraux avec les athé
nées, etc. Placet de budgétivore, où nos
honnêtesprofesseurs du collège communal
sont dépeints en parias; où l'on exige sans
vergogne le maintien de cet établissement
aux frais de l'Etat, malgré ce qu'en pour
raient jamais dire les revirements politi
ques et la volonté des citoyens manifestée
hautement dans les élections.
De telles extravagances se refutent.de
soi-même, et nous n'en attendions pas
moins du folliculaire, qui dernièrement
traita M. CooraanS de misérable ergoteur.
Mais là ne s'arrêtent pas ses platitudes.
Décréiez hardiment, s'écrie- t-il, un collège
par arrondissement judiciaire!Le pays,
il est vrai, est obéré de dettes; l'hydre de
la banqueroute se dresse devant nous dans
un horizon restreint. N'importe, il y va de
l'intérêt du,parti! Les peuples, plus que
jamais, ont besoin d'une instruction re
ligieuse, que le prêtre seul est même de
leur inoculer efficacement. Mais qu'im
porte Voltaire et ses disciples!
Est-ce bien le Progrès, qui ose invoquer
le Congrès national en faveur de ses pré
tentions exclusives et arbitraires? Le Con
grès, organe d'un libéralisme large et
sincère, obéissait la pensée unioniste
qui nous valut notre indépendance, et que
sa mission l'appela cimenter. En sanc
tionnant l'enseignement aux frais de l'E
tat, il n'eut en vue que l'amélioration des
ALDOTRARDUS DIAGRUS.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, in, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ADDAKEMEWT, par frlmcatrc,
Ypreg fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n» a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 17 centimes la ligne).
M. le Minisire des finances a dépose' samedi
l'Assemblée législative un projet de loi portant
demande de neuf douzièmes provisoires.
La séance a élé d'ailleurs entièrement consacrée
k la première délibération sur le' projet de loi
relatif au chemin de fer de Paris Avignon. L'ho
norable M. de Mouchy a défendu le projet au
double point de vue de l'intérêt général du pays
et de l'intérêt de près de cent mille ouvriers, k qui
le vote du projet de loi assurerait du travail pour
quatre ans.
Comme tous lès dimancheson s'occupait le 3
k Paris des articles publiés par le Napoléon. L'or
gane de l'Elysée renferme des explications sur la
politique extérieure, k propos de la Suisse, et sur
ia politique intérieure k l'occasion des prochaines
élections.
Malgré le mouvement électoral et les violences
des réunions socialistes, le calme le plus absolu
règne k Paris, et rien n'annonce qu'il doive être
troublé k l'occasion des élections. Les bruits con
traires sont inexacts et sans aucune espèce de fon
dement.
On a de bonnes nouvelles des élections prépa
ratoires de l'Union électorale. Plus de 65,ooo
électeurs ont pris part k cette opération dont le
résultat a donné la majorité k MM. le général
Lahitte, Bonjean et F. Foy.
On va s'occuper immédiatement de la formation
de l'armée de J'Est. Plusieurs régiments sont en
route pour les garnisons de ces départements.
S'il faut en croire le Courrier français, qui
rapporte le fait, une grande puissance du nord,
touchée des embarras où se trouve Pie IX et des
exigences dont on prétend lui faire payer les ser
vices qu'on lui a rendus ou qu'on veut rendre
encore k S. S., a ouvert l'avis que toutes les puis
sances catholiques vinssent en aide au Pape, finan
cièrement ou militairement, elf le réintégrassent
dans la plénitude de son pouvoir spirituel et tem
porel.
L'United-Service- Gazette du mars annonce
qu'elle a de bonnes raisons de croire que le diffé
rend entre l'Angleterre et la Grèce sera très-pro
chainement réglé et que l'escadre rentrera k Malte.
Cette feuille ajoute que ses correspondances parti
culières du Pirée lui apprennent qu'un des vaisseaux
de ligne, le Gange, a déjà l'ordre de se rendre k
Malte,
Le 25 février ont commencé k Madrid les élec
tions pour les députalions provinciales) les résultats
connus jusqu'à présent sont en géuéral favorables
k l'opinion modérée.
En Portugal l'opposition continue avec le même
acharnement ses attaques contre le comte de Tho-
mar; les journaux semblent avoir pris k lâche de
justifier pleinement par leurs excès les mesures
proposées aux Chambres pour réprimer la licence
de la presse.
La note de l'Empereur de Russie dont il y est
question pourrait bien avoir précipité le de'uoue-
ment des affaires de la Grèce.
v.
UNE RÉVOLUTION.
{Suite.)
Il résulta de ces sensations qu'il se montra plus
bourru et plus tyraunique encore qu'il ne le faisait
ordinairement. Ses commis et ses ouvriers éprou
vaient les effets de sa mauvaise humeur, et l'on
n'entendait au logis que la voix aigre do vieillard,
qui menaçait et qui rugissait. Cette disposition
d'esprit amena une catastrophe qui bouleversa la
ville entière de Bruges.
Dans les moments de besogne excessive, maître
Aldovrandt avait l'habitude de faire sécher les
draps qui ne pouvaient tenir dans ses ateliers au
milieu de la petite place située devant sa maison et
sur le bord de la rivière. Or, il arriva parha6ard
que des soldats du duc Philippe traversèrent celte
.place «.trouvèrent plaisant d'abattre les perches
qui soutenaient, les cordes et de jeter ainsi dans ia
-boue les pièces de drap exposées k l'air. rLes
ouvriers,, témoins de cette grossière plaisanterie des
soudards,.se contentaient de maugréer contre.les
arquebusiers, et se disposaient k relever les.per-
ches, lorsque tout-k^coup survint Aldovrandt. A
la vue du dégât causé par la compagnie de soldats,
il se livra k une violente colère, reprocha aux ou
vriers leur lâcheté, et tint des propos pleins de
menaces contre le duc Philippe et sou gouver
nement
Voilk la protection que nous donne ce beau
seigneur qui nous gouverne Il nous accable d'im
pôts et nous livre aux insultes de ses soldats, si ces
insultes ne sont même pas le résultat de ses propres
ordres! Sur mon âme, il faut que le sang de vos
veines ne soit pas flamand pour que vous ayiez
supporté sans vengeance l'affront que ces insolents
vous ont craché au visage. Allez, vous n'avez que
le sort dont vous êtes dignes; et les soldats auraient
encore dû vous battre, car vous auriez docilement
tendus le dos k leurs coups de bâtons.
Ces propos, ces reproches, ces accusations de
lâcheté que leur maître leur jetait au visage pro
duisirent une vive impression sur les ouvriers-
Dans ces entrefaites, une seconde compagnie de
soudards étant venue k passer par là, elle ne tarda
point k se voir accueillie par des invectives aux
quelles le capitaine répondit en donnant l'ordre
d'allumer les mèches des arquebuses. Cet ordre
était k peine sorti de ses lèvres que des cailloux
sifflèrent de toutes parts aux oreilles des soldats,
retentirent sur leurs cuirasses et renversèrent
plus d'un casque k terre. Des arquebusades ré
pondirent k ces attaques, et sept ou huit ouvriers
tombèrent baignés dans leur sang. A cette vue,
leurs camarades ne gardèrent plus aucun frein et se
ruèrent sur les soldats. Il s'en suivit une mêlée
affreuse et un combat acharné dans lequel les ou
vriers, après avoir perdu plus de la moitié des leurs,
parvinrent k massacrer tous les soldats, sans en
excepter même le capitaine. Maisa peine avaient-
ils remporté cette fatale victoire qu'un nouveau
corps de troupes survint et qu'il fallut recom
mencer k combattre. II est vrai, d'un autre côté,
que dans tous les quartiers de la ville les bourgeois
prirent les armes et accoururent aD secours des
leurs; si bien que Bruges ne tarda point k devenir
un champ de bataille le tocsin se mit k sonner,
l'on ferma les portes, et après une journée entière
de massacre et de bataille, il ne se trouva plus en
vie un seul des soldats. Les magistrats avaient vai
nement cherché k s'interposer entre les combattants
et k dire des paroles de paix et de raison leur
dévouement ne servit qu'à leur faire exposer leurs
jours, et les bourgeois ne cessèrent de frapper
qu'après avoir remporté une fatale «absolue vic
toire. Alors on alla chercher maître Aldovrandt,
qui s'était retiré chez lui, tout effrayé de son ou
vrage; on l'emmena de force k l'hôtel de ville, et
1k on le proclama bourgmestre en remplacement de
maître Coppeus, son beau-père, que l'on destitua