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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N<> 3388.
33me annee.
REVUE POLITIQUE.
Les élections partielles dn 10 Mars, ont
faillrioinpher le socialisme Paris et dans
la plupart des autres collèges électoraux.
Elles ont porté un rude coup aux prin
cipes conservateurs el l'ordre social tout
entier.
Mais qu'attendre d'une génération que
l'aveuglement d'un parti haineux s'est ef
forcé sans cesse de soustraire l'influence
religieuse? Qu'attendre d'un peuple en qui
l'on n'inculqua jamais que les théories
creuses du libéralisme?
Le libéralisme, en effet, doit conduire
fatalement les intelligences aux plus étran
ges errements. Exagération d'un principe
salutaire que féconda le catholicisme, il
n'a en propre que le néant.
La bourgeoisie éminemment libérale de
Paris renversa successivement le trône de
Saint Louis et le trône de Juillet, et se dis
pose aujourd'hui renverser le gouverne
ment modéré de Louis Bonaparte. Car elle
n'a rien compris ni aux leçons répétées de
l'expérience, ni aux malhêurs el la dé
considération accumulés sur la France.
Dans tout gouvernement régulier le libé
ralisme lui montre un ennemi sur ses pas
il amoncèle les ruines, et tandis que les
flots du socialisme montent toujours plus
menaçants, la dernière digue qui le sépare
de l'abîme, lui porte encore ombrage!
Pour constater cet instinct dominant,
qu'est-il besoin nous d'invoquer les faits
qui se passent en France, nous qui voyons
croître chaque jour les prétentions de nos
libéràlisles; nous qui en face des dangers
menaçant de plus en plus la société, voyons
les efforts du parti conspirer infatiguable»
ment accélérer sa ruine?
S'il est un homme, qui résume en ses
actes et son caractère celle fluctuation
perpétuelle de principes et cet- aveugle
ment déplorable, c'est bien le ministre de
l'intérieur, M. Bogier.
Homme d'union en 1830, combien de
fois aujourd'hui n'a-t-il déjà manifesté clai
rement les tendances les plus exclusives
l'enconlre de ses alliés de cette époque?
Établir rantagooiSmeentrerEgliseei l'Etat
en matière de bienfaisance et d'enseigne
ment, tel est maintenant l'objet de ses ef
forts. Etrange métamorphose, qui fit du
rapporteur de la lor de 1834sur l'enseigne1-
ment, le promoteur de la loi de 1850!
Saura-t-il enfin s'arrêter sur la pente
rapide où il s'est engagé? Il nous serait
bien doux de le croire. Mais qu'augurer
de ces tendances toujours plus hostiles en
vers toute autorité religieuse, mesure
que le decbainemenl des passions popu
laires en fait sentir plus vivement le be
soin? Qu'augurer d'un ministre qui loin
de condamner les propositions subversives
d'un subordonné adepte du socialisme,
garde tout l'amertume de ses sarcasmes
pour un des trois corps souverains du
pays, pour le Sénat dont la juste suscep
tibilité s'indignait de tant d'impudence?
Qu'augurer d'un ministre qui tolère l'u
niversité de Gand l'enseignement du so
cialisme? Les feuilles libérales de celte
ville, le Journal des Flandres et le Vader-
-lander, quoique dévouées au ministère, ont
ALDOVEANDOS MAGNUS.
VÉRITÉ ET JLATICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, io, près la Grande
Place, el chez les Percepteurs des Postes du Royaume,.
PRIT ne L'A BDV\'V2 MENT', par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque seinaiue (insertions 19 centimes la ligne).
753.ES, 20 MARS.
Une dépêche télégraphique de Berlin, en date
du 17 mars, porte que les négociations entre la
Prusse et l'Autriche concernant la Constitution dé
finitive d'un gouvernement central de l'Allemagne
ont échoué complètement. Il est dé tonte probabi
lité, ajoute la dépêche, que les rapports réciproques
des Etals de l'Allemagne resteront intacts et seront
ramenés par la force des circonstances sur le pied
du pacte de 1815.Nous croyons que les choses
n'en sont pas arrivées ce point pour s'exprimer
d'une manière aussi positive.
La Nouvelle Gazette de Munich annonce, d'a
près une dépêche télégraphique de Vienne, que le
conseil des Ministres a décidé d'adhérer au projet
qui lui a été transmis par les trois gouvernements
royaux et que cette décision a été sanctionné par
l'Empereur.
Tout compte fait, dans les élections partielles
qui viennent d'avoir lieu, les nominations se répar
tissent ainsi entre les deux partis: dix nominations
aux modérés el vingt-une aux socialistes.
On parlait le 18 d'un rapprochement sérieux
entre le Président et les principales fractions de la
majorité; si ce fait se réalisaitnous croyons, que
l'auarchie ne tarderait pas a être vaincue.
On disait lundi dans les couloirs de l'Assemblée
que le gouvernement présenterait mercredi pro
chain deux projets de loi concernant i° le réta
blissement de l'impôt du timbre et l'augmentation
du cautionnement des journaux 20 l'interdiction
des réunions électorales. Le cautionnement des
journaux serait élevé, dit-on, de 24,000 a 5o,ooo
francs.
Le monde financier s'est rassuré un peu le 18 a
cause de l'attitude énergique que semble vouloir
prendre le gouvernement. Sons cette impression et
h cause de ce qu'on disait sur la présentation pro
chaine d'une loi sur la presse, une hausse assez
marquée a eu lieu lundi dernier la bourse. Les
fonds ont remonté de près d'un franc.
vu.
A PRAGUE ET A VITTORIA. {Suite.)
Vingl-et-uu ans après la disparition mystérieuse
de leur ami le prêtre Adrien Boyers, Antonius
Aldovrandus, Meniliuck et dame Marguerite arri
vaient 'a Viltoria au moment où le soleil se couchait.
Ils venaient de Prague dans la ville espagnole, sur
les instantes sollicitations de Charles-Quint, qui
voulait confier des travaux de grande importance
aux deux célèbres artistes. Les sollicitations impé
riales avaient eu pour interprètes, d'abord une
cédule écrite de la main du monarque lui-meme,
puis de nombreuses lettres signées par le cardinal-
archevêque de Torlose, ministre et gouverneur du
royaume d'Espagne. Les voyageurs, descendus au
palais que l'hospitalité du prince de l'Eglise leur
avait fait assigner comme demeure, comptaient se
reposer de plusieurs nuits fatigantes passées en
voiture et ne présenter que le lendemain leurs de
voirs au ministre, lorsqu'un page de ce dernier
vint les prier, au nom de son maître, de se rendre
de suite auprès de lui. Surpris de celte demande
inattendue, ils se disposèrent sur le champ h obéir",
sans toutefoisemmener avec eux dame Marguerite;
mais le page leur objecta que les ordres qu'il avait
reçus concernaient également la mère d'Aldovran-
dus. Tous les trois partirent donc dans les litières
qui les attendaient et se dirigèrent vers le palais.
Le page qui leur servait de guide les introduisit
dans une vaste salle, décorée avec une somptuosité
toute royale, où ils trouvèrent le cardinal-gouver
neur, vêtu de pourpre et la tête couverte du cha
peau rouge. Plusieurs grands personnages, parmi
lesquels on remarquait don Fadrique Henriquez,
amiral de Castille, et le connétable don Inigo Ve-
lasco, s'entreteuaient avec lui des affaires de l'État,
et lui apprenaient la grande et glorieuse victoire
qu'ils venaient de remporter dans les plaiues de
Villalad et qui avait porté le dernier coup aux fac
tieux réunis sous le nom de membres de la sainte
ligue. Le cardinal, émerveillé de cette faveur inat
tendue de la fortune, jetait les exclamations les
plus joyeuses:
Ah! ils sont vaincus! s'écriait-il. Nous n'a
vons plus enfin rien h en redouter. Vous êtes de
grands et d'habiles officiers, messeigneurs, Sa ma
jesté notre impérial maître, vous récompensera
comme vous le méritez. Qui doue aurait pu pré
voir un dénouement si heureux a cette guerre, où
lesrebellesavaienl tonjoursobtenu lesavaniages
Car ue m'ont ils point assiégé il y a quelques mois
dans Valfadolid? Ne m'a-t-il point fallu m'enfuir
de cette ville, la nuit, h pied, et gagner tant bieti
que mal Rio-Secco? Ne m'ont-ils point obligé
leur écrire une lettre tant soit peu humiliante avai}t
de me rendre mes meubles et mes bagages que je
leur avais abandonnés. Enfin les voilà vaincus!
Dieu et la sainte Vierge soient loués.
Oui, monseigneur, votre habileté su triom
pher de la sainte ligueinterrompit don Fadrique
Henriquez.
Mon habileté! Ne me dites point des flatte
ries que vous ne pensez pas et dont je ne crois pas
un mot, monseigneur l'amiral. Ce n'est point moi,
pauvre prêtre jeté par la volonté de l'empereur
dans les affaires publiques, auxquelles je n'entends
rien, ce n'est pas moi qui ai vaincu les rebelles:
c'est vous deux, vous deux seuls.
C'est du moins vous de décider du sort des
vaincus et des prisonniers, objecta le connétable.
Que nous ordonDez-vous d'en faire? L'échafaud
ne doit-il point voir tomber les têtes des chefs, et
la prison el l'exil mettre les autres dans l'impossi
bilité de troubler désormais le repos de l'Espagne.
L'échafaud? l'exil? la prison? Rien de tout
cela messeigneurs! Ils sont vaincus? miséricorde
pour eux Que l'on délivre les prisonniers et qu'ils
retournent en paix chez eux.
Mais c'est de nouveau recommencer la guerre
civile Libres et impunis, ils reprendront les armes,
il faudra les combattre et les vaincre encore. Serez-
vous aussi heureux une seconde fois que la première?