JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
J\o 3393.
Samedi. 6 Avril 1850.
33me année.
En voyant l'impiété s'étendre de jour
en jour plus profondément dans la société
française; en considérant l'insurrection
contre le trône et contre l'autel avancer
grand pas, sous l'escorte des écrivains en
cyclopédistes, sur toute l'étendue de l'Eu
rope, Voltaire, qui mieux que personne
savait qu'en détruisant dans le coeur des
masses, toute foi, toute idée religieuse, il
sapait dans sa base essentielle le temple
social, et anéantissait dans l'esprit de la
multitude tout sentiment d'honneur et du
devoir, écrivit ce sujet au marquis de
Chauvelin, le 2 avril 1764 l'affreuse pro
phétie qu'on va lire: Tout ce que je vois,
jette les semenses d'une révolution qui ar
rivera immanquablement et dont je n'aurai
pas le plaisir d'être témoin. La lumière s'est
tellement répandue de proche en proche
qu'on éclatera la première occasion, et
alors ce sera un beau tapage. Nos jeunes
gens sont bien heureux, ils verront bien
des choses.
Il y avait donc parti pris par la tourbe
philosophique du XYlIl* siècle de plonger
l'humanité dans un abîme de malheurs
et de calamités, puisqu'en contemplant les
nuages d'indifférence et d'impiété s'amon
celer sur la France, le plus grand monstre
qu'ait enfanté l'Europe osa déclarer a l'un
de ses sectaires qu'il s'attendait un ef
froyable orage; oui, sous prétexte de con
duire la civilisation dans les voies de la
prospérité et du progrès, les réformateurs
d'alors, avaient juré d'un accord commun,
de la refouler dans l'étreinte de la plus
sauvage barbarie puisque la vue de l'or
gueil s'élevant contre l'autorité, de l'ava
rice, de la convoitise, de la cupidité, jettant
un oeil d'envie sur les biens des nobles et
des ecclésiastiques; de la licence, du liber
tinage et de l'immoralité insultant la
vertu, devint pour le patriarche de Ferney
le signe pronostic d'une tragédie horrible
qui selon lui devait égayer et divertir la
jeunesse.
Le tempscommeonsait ne trompa point
les prévisions du corrupteur de la France:
l'arbre de l'impiété porta ses fruits, et la
jeunesse, ainsi que l'avait prédit Voltaire vit
de belles choses: des guerres sanglantes,
des massacres horribles, la désolation, la
mort!
Irrél igion que tes maxi mes son t funestes!
C'est toi qui en tout temps fournis les instru
ments nécessaires pour ruiner de fond en
comble la société; c'est toi qui toutes les
époques ûs crouler les trônes, et armas les
fils d'une même patrie d'un fer démago
gique. Écrasons les prêtres, persécutons
la religion! abominables principes! ce sont
eux qui couvrent de deuil les familles et
les républiques; ce sont eux qui rivèrent
les chaines d'esclavage tant de peuples.
Ce sont eux encore qui préparent une
nation libre, nouvellement régénérée des
jours sombres et désolants.
Un grand écrivain, revenu des erreurs
voltairiennes,semble avoir voulu dépeindre
le sort que l'avenir nous réserve si tant est
que la doctrine libéraliste passe dans nos
mœurs, lorsqu'il traça ces paroles: Qu'elle
arrive prévaloir l'idée d'exclure le prêtre
de l'enseignement public et bientôt le poi
son de l'anarchie et de la révolte s'infiltrera
dans toutes les classes de la société
Vous donc sectaires du libéralisme, qui
projetez d'asseoir l'éducation sur une base
purement laïque, consentez-vous aban
donner votre patrie au délire et au vertige
des passions antisociales? Loin de vous,
une pareille vue. Vous le dites; mais vos
actes sont le contraire de vos paroles. Car
toujours et partout les mêmes causes ont
produit le même effet.
Triste avenir que celui que les tendances
irréligieuses des libéralistes nous prépa
rent! c'est l'expérience de tous les siècles
qui nous le prédit.
Ce n'est donc pas tort que toutes les
familles dans les conditions les plus éle
vées comme dans les plus médiocres s'alar
ment du système d'enseignement préconisé
dansnotre pays, par lesdisciples de ce parti
rétrograde. Ce n'est pas tort que la Bel
gique entière se prépare protester contre
le projet dont la législature va être oc
cupée. Le pauvre comme le riche; le mi
litaire comme le prêtre ont intérêt ce
que l'éducation soit bonne et vraiment
nationale. Chacun désire que ses enfants
soient élévés dans la religion de ses an
cêtres; tous nous voulons rester Belges,
libres et catholiques.
Réunissons donc nos voix, nos protesta
tions contre la loi illibérale que le minis
tère Roiger nous propose. Ayons recours,
comme en 1828 au pétitionneraentgénérar,
pour porter nos plaintes aux pieds d'un
monarque chéri, qui jura de sauvegarder
notre indépendance, nos libertés; et fidèle
la voix de son peuple, notre Roi fera
respecter ce qu'un cabinet anti Belge se
propose d'effacer de notre charte, la liberté
de l'enseignement
Si les préjugés et l'étroit esprit de parti
des sectaires de la presse libéraliste n'a
vaient étouffé en eux tout principe raison
nable, il leur serait facile de voir, que du
ramassis des accusations dont les journaux
vendus au ministère accablent l'opinion
modérée, réjaillissent souvent les preuves
les plus péremptoires du faux système
qu'ils préconisent.
Le Progrès, par exemple en se faisant
l'écho des élucubrations de la Revue de
Namur, l'encontre des justes réclama
tions de tant de pères de famille propos
du projet de loi sur l'enseignement, n'en-
registre-t-il pas en termes formels et nets
sa propre condamnation?
Les proscripteurs de l'enseignement
libéral (y est-il dit dans cet article de la
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Yprès, rue de Lille-, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE t'ABSIWIVEMEVT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MEBCBEDI
de abaque semaine. (Insertions 18 centimes la ligne).
7PB.ES, 6 Avril.
EBRATCM t Dans le dernier N° du Propagateur
pag. i, col. 3, ligne 4au lien de: /as loisirs de l'humanité
lisez les loisirs de t humaniste.
aODO'Sn
REVUE POLITIQUE.
Les correspondances de Madrid en date du 5o
mars annoncent que le plus grand mystère continue
envelopper les négociations relatives la reprise
des relations diplomatiques entre l'Espagneet l'An
gleterre.
Le bruit courait dans cette capitale que l'ulti
matum de lord Palraerston venait d'arriver par
l'entremise de M. le baron Dujardin^teprésentant
de Belgique près du gouvernement espagnol. Les
versions les plus contradictoires sur la teneur de
cette pièce étaient répandues partout. Ce qui du
reste semble d'assez bon augure c'est que la bourse
a été assez ferme ce jour-lk.
La rentrée du Pape non-seulement dans ses Etats,
mais k Rome, parait maintenant certaine. L* com
mission du gouvernement de Rome a déjà publié
ses instructions sur le cérémonial de la réception
du Saint-Père.
Une correspondance française dit, k ce sujet, que
des nouvelles arrivées hier k la nonciature de Paris
annoncent que Pie IX a dû quitter Naples le 4 avril.
D'après cette correspondance, Sa Sainteté se
rendrait dans sa capitale par la voie de terre et en
passant par Terracine, Frosinone et Velletri.
Au milieu des incertitudes qui régnent encore
touchant la question du Schleswig, on croit cepen-
dant démêler un progrès vers la paix.
On s'occupait beaucoup hierk Paris des démon
strations hostiles dont le Président avait été l'objet
la veille. Bien que le général d'HautpouI ail cru
bon de démentir le fait k la tribune de l'Assemblée
nationale, il est pleinement confirmé aujourd'hui,
et les détails publiées k ce sujet ne sont pas de na
ture k en diminuer la gravité.
Les élections sont fixées au 28 avril. On s'en-
treteuait hier dans les couloirs de l'Assemblée de
l'éventualité d'une double élection a Paris. Il pa
raîtrait que le général Magnan songe k renoncer
k son mandat de représentant pour reprendre un
grand commandement dans l'armée.
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