UNE RÉPLIQUE LIBÉRA LISTE.
Après avoir dans une série d'articles
répété satiété, malgré nos répliques, qu'il
fallait décréterTéreclion aux frais de l'état
d'un collège par arrondissement, qu'il fal
lait assurer le sort de la cohue des profes
seurs, qu'il fallait bannir le prêtre de l'in
struction secondaire, le Progrès a pris,
dans son N" du 4 avril, la résolution héroï
que de répondre aux griefs que le parti
modéré articule contre le projet de loi sur
l'enseignement. iVoMs allons, dit-il, les exa-
miner et démontrer, pensons-nouscombien
ils sont peu fondés.
Voici le confrère la besogne. Accou
tumé qu'il est tout embrouiller et se
perdre dans les détours d'une tortueuse
polémique, saura-t-il soutenir avec avan
tage une discussion catégorique? Remar
quons tout d'abord, qu'il passe prudem
ment sous silence l'exclusion inqualifiable
de l'instruction religieuse dans les collèges
de l'état. On s'imaginera sans doute, qu'ab
straction faite de ce point, il s'est au moins
efforcé de produire quelques arguments
contre nous, au triple point de vue des
finances, des franchises communales et de
la liberté. Le Progrès ne l'a pas même
essayé. Sauf un sophisme, qu'il articule en
faveur de l'absorption du pouvoir com
munal par celui de l'Etat, et sur lequel
nous reviendrons, toute sa répliqué pré
tendue se compose de vaines récrimina-
lions et d'injures l'adresse du clergé.
Qu'on en juge.
En premier lieu, dit-il, on accuse le projet
du gouvernement d'être ruineux pour les
finances. Ici, nulle justification pour le
gouvernement. Le journal voltairien se
contente de crier bien fort contre les dons
volontaires qui alimentent les institutions
que dirige le clergé. Comme si le père de
famille catholique, comme si le citoyen
qui ne voit le salut de la patrie que dans
la religion seule, n'étaient pas libre de
trouver bon qu'on répande de pieux sen
timents dans les générations qui s'élèvent,
et de soutenir de leur or cette œuvre émi
nemment nationale et conservatrice. D'ail
leurs le clergé n'extorque rien personne;
il ne force pas le père libéraliste payer
les établissements catholiques. Il faut unir
le cynisme et la mauvaise foi d'un vrai
disciple de Voltaire, pour oser insinuer
que les dons volontaires ne sont pas em
ployés au but que se propose le donateur;
pour ne pas craindre de faire un reproche
au clergé, de ce qu'il prélève annuellement
sur le trésor. Mais si les libéralistesde passé
un demi siècle ne l'avaient dépouillé de ce
qu'il possédait, s'ils ne lui avaient tout ar
raché, cette charge ne pèserait pas sur
l'État. Et pourtant, celte caste, comme dit
le Progrès, que lui a-t-on octroyé, après
la spoliation dont elle fut la victime? Le
croirait-on: un garde-de-ville reçoit 800
fr.; un curé succursaliste de première
la paix de l'église catholique. La persécution
contre l'évêque de Gand et l'expulsion arbitraire
des jésuites préludèrent k l'établissement du col
lège philosophique, et d'autres tracasseries contre
le sacerdoce. Les libéraux trouvèrent Guillaume
admirable, plein de sagesse, c'était le prince mo
dèle de l'Europe, surtout quand il eut entièrement
levé le masque en s'emparant du monopole de
l'enseignement. Des hommes en majeure partie
sans autre aptitude que celle de corrompre la
jeunesse furent installés dans toutes les chaires, et
les vertueux savants qui les ornaient aupara
vant en furent rélégués soit parce qu'ils étaient
prêtres, soit parce qu'ils partageaient les idées
des prêtres, c'est-h-dire la foi Aux yeux des libé
raux et nous devons le dire notre honte, des li
béraux d'Ypres, puisqu'il n'en manquait pas ici
de celte trempe, Guillaume s'acquérait des titres
incomparables de gloire auprès de la postérité.
C'en allait être fait bientôt du fanatisme, des
ultramontains, des rétrogrades. Cependant les
collèges étaient déserts, les abus devenaient si
graves qu'ils n'étaient fréquentés que par les jeunes
gens condamnés'a les subir par l'entêtement de leurs
parents ou par le défaut de ressources pour se pro-
curer l'éducation hors du pays. Un grand nombre
d'étudiants allaient a la charrue ou apprenaient un
métier, ou se résignaient a d'autres positions infé
rieures, plutôt que de rester dans une atmosphère
infectée, où l'absence d'instruction religieuse lais
sait le vice s'infiltrer sans frein. L'enseignement
aux mains du pouvoir, donné par des professeurs
avec femmes et enfants qui fréquentaient assidû
ment le bal, le café et le spectacle, dut être double
ment et triplement rétribué en raison du nombre
diminuant des élèves. Le gouvernement devait se
créer des ressources, il avait d'ailleurs une foule de
créatures a caser. De lk, la mouture, l'abattage et
leurs aménités. Le malaise et le mécontentement
amoncelèrent la tempêtequi éclatant enfin en
rupture ouverte brisa un trône, balaya une dy
nastie et fit couler de nouveau le sang belge pour
la conquête de la liberté. Aujourd'hui les libéra-
listes incorrigibles sont occupés de nouveau k tisser
leurs toiles d'araignée: de nouveau une croisade
contre l'influence religieuse, puis un réseau pour
enserrer l'enseignement et flétrir la jeunesse du
souffle pestilentiel de l'impiété, et pour y parvenir,
création de fournées de fonctionnaires et d'em
ployés, frêlons qui suceront le budget. Déjà a son
avènement, le ministère libéral accusa la situation
table, après que le klaperman ou crieur nocturne
eut annoncé minuit, Philippe le Bon, profitant d'un
délicieux clair de lune, sortit du Binnenhof par une
petite porte bastionnée, aujourd'hui la porte de
Maurice, et traversant le potager du palais, k pré
sent le Plein, il tourna k gauche, monta auTour-
nooiveld ou Champ des Tournois, et gagna la
promenade plantée du Voorhout.
Il n'était suivi que de trois de ses officiers, a sa
voir Jacot de Roussay, Hue de Lannoy et Jean de
Berghe.
La fraîcheur de la nuit l'engageait k doubler le
pas, lorsqu'au pied d'un arbre il aperçut un homme
étendu sans mouvement.
Il n'est pas possible, dit-il, que cet homme
dorme par le froid qu'il fait. Serait ce la un meurtre?
Il n'y a pas de meurtres k La Haye, répondit
Jean de Berghe.
Philippe s'élant approché de l'homme, le remua
du pied sans qu'il donnât signe de vie. Il l'appela,
l'homme ne répondit point.
Voyez, messieurs, s'il n'est pas mort, dit le
prince.
Hue de Lannoy s'étant penché, reconnut que le
cœur battait et n'aperçut ni plaie, ni contusion.
C'est un homme ivre, dit Jacot de Roussay.
La lune daus son plein jetait ses rayons sur la
financière de détresse; M. Frère a tâché en vain
N
de trouver dans les successions en ligne directe ou
dans les ressources du serment les millions qui lui
manquent: k ces millions viendront s'en joindre
d'autres. Si le petit collège d'Ypres a coûté viogt
cinq mille francs par an aux contribuables, que
coûtera le collège complété Supposez trente mille
francs, et le double par athénée ordinaire. Mais
que coûtera un athénée dans les grandes villes?
Ajoutez le personnel de l'inspectorat, de la cor
respondance au ministère et dans les chefs-lieux de
province; ajoutez la statistique, les concours, les
pédagogies; ajoutez les cours d'équitation, de gym
nastique, de danse, de musique vocale, de musique
-instrumentale, de natation, de dessin linéaire,
d'architecture, de langues modernes, de dessin d'a-
'près la bosse, de dessin d'après nature, de pein
ture, d'escrime, de bâton, de tir, de maniement
d'armes. Nous ne portons l'enseignement religieux
que pour mémoire les vicaires recevant cinq cents
francs par au, l'État ne se croira point tenu k une
augmentation du chef de l'invitation qu'il leur
adressera pour la forme. Maintenant que le con
tribuable calcule sur dix athénées, sur cinquante
collèges, et sur trois sortes d'écoles spéciales, qu'il
retranche les économies que pourraient permettre
dans les villes secondaires comme Ypres les la
cunes k laisser parmi les accessoires et nous de
manderons si en fin de compte il doit s'attendre k
être redevable au libéralisme d'une réduction ou
d'une augmentation prochaine des impôts.
L'histoire estlk ouverte devant nous, elle montre
d'où le mal vient, et quelles conséquences il porte
dans son sein; elle montre la Suisse, l'Italie, la
France se débattant dans les complications funestes
que le libéralisme leur a suscitées; est-ce trop que
de pétitionner pour engager nos Représentants k
plus de prudence?
figure du dormeur. Jean de Berghe le regarda un
instant, puis il s'écria:
Par le lion de Hollaude, Monseigneur, cet
homme endormi est le joyeux Willem; il faut qu'il
ait bu largement aujourd'hui k la santé de Votre
Altesse.
Le bon duc Philippe, satisfait de n'avoir pas lk
un crime a rechercher, et réjoui de ce qu'on lui
raconta du caractère de Willem, conçut tout k coup
une idée folle.
Nous avons compassion, dit-il, du reveil de
cet homme, et puisqu'il aime la joie, nous voulons
qu'il ait demain une fête k laquelle il ne s'attend
pas. 11 pourra en même temps nous égayer aussi et
divertir, par un plaisir tout nouveau, notre royale
épouse. Messieurs, emportons ce dormeur k notre
palais, et je vous ferai pour demain une journée de
bonne joie.
Jean de Berghe et Hue de Lannoy chargèrent
Willem sur les vigoureuses épaules de Jacot de
Roussay, qui l'emporta au palais des comtes de
Hollande, sans que le pauvre diable s'éveillât. Il
ronflait avec tant de rondeur, que Philippe le Bon
en était tout émerveillé, et qu'il se complaisait de
plus en plus dans la pensée des plaisirs que cette
rencontre allait lui donner.
On ôta k Willem ses vieux habits; on le lava
d'eau de senteur; on lui mit une fine chemise de
toile de Harlem; on le coifTa d'un élégant bonnet
de soie. Après quoi on le coucha, toujours dormant
comme s'il eût été enchanté, dans le lit même de
Philippe le Bon. Le duc et ses officiers se retirèrent
ensuite pour aller prendre du repos, bien assurés
que le jeune dormeur ne s'éveillerait pas avant le
jour, dans son excellence de prince.
Isabelle de Portugal attendait, au milieu de ses
femmes, le duc son époux. Quoiqu'elle fût d'un
caractère sérieux elle ne put s'empêcher de sourire
d'avance k l'espoir du curieux spectacle que le
réveil du joyenx savetier lui réservait.
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Le lendemain matin, dès l'aube dn jour, le prince
et la princesse, très-simplement vêtus, se mêlèrent
k leur cour brillante et nombreuse, qui se rendait k
la vaste salle, ornée de soie d'or, où Willent était
couché.
Il dormait encore.
Le maréchal de Bourgogne, en grand costume,
s'approcha du lit, touchant légèrement l'ivrogne a
l'épaule:
Monseigneur, lui dit-il, il est l'heure où
votre altesse se lève.
[Pour être continué.)