JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
7PRES, 20 Avril.
DE 5,000 FRANCS
N<> 3397.
33me année.
REVUE POLITIQUE.
UNE AOUTELLE PETITE DÉPENSE
POUR LA VILLE D'YPRES.
De tous les projets de lois dont la légis
lature ait eu s'occuper depuisl'avènement
de la politique nouvelle, il n'en est aucun,
croyons-nous, qui mieux que Te projet sur
l'enseignement moyen, dévoile la pensée
intime et les tendances funestes du faux
libéralisme.
Longtemps, qui entendit prononcer le
grand mot libéral, crut y voir un assem
blage complet d'améliorations et de faveurs
publiques.
Aux élections, voter poujr les candidats
du ministère, n'était-ce point voter pour
le patriotisme, l'attachement nos libertés,
et pour les économies tant réclamées par
le peuple? Voler pour les candidats libé-
râlres n'était-ce point voter pour le dégrè
vement des charges, pour l'usage moins
fréquent des mises la retraite?
Ainsi le comprit le corps électoral en
1847 et 1848. Le parti libéraliste que ces
vœux des masses avaient porté sur le pi
nacle des affaires, ne se soucia guère de la
LE PRINCE D'UN JOUR.
TER1TÉ ET JKITICB.
On s'abonne Yprcs, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du P.nyaume.
PRIX DE L'SBD.XXKIIEXT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions I» centimes la ligne).
La grande affaire du jour pour Paris, c'est la
candidature de M. Leclerc, qui est venue trancher
si brusquement la question électorale. Cette can
didature, a peine connue, a éveillé des sympathies
unanimes dans la garde nationale, le commerce et
parmi les hommes politiques de toutes les nuances
du parti de l'ordre.
Les membres les plus considérables de l'Assem
blée l'approuvent généralement. On disait le 16 k
la Chambre qu'avec ce candidat, le parti de l'ordre
prendrait, le 28 avril, une éclatante revanche sur
le 10 mars.
L'espoir de fusion que donnait le 16 la candi
dature de M. Leclerc a produit la Bourse une
hausse très-prononcée sur toutes les valeurs.
Les journaux du soir de Paris annoncent que
l'Uuion électorale a définitivement adopté M. Le
clerc pour son candidat. Dès lors toute difficulté est
aplanie cet égard, M. F. Foy ayant déclaré la
veille qu'il était prêt a se conformer la décision
que prendrait l'Union électorale.
Le 16, après une discussion sur les subventions
théâtrales et sur quelques chapitres du budget de
l'instruction publique, M. Schœlcher est venu
proposer l'Assemblée législative, sons forme
d'article additionnelde rendre aux condamnés
politiques, titre de pensions, plus qu'elle ne leur
avait refusé la veille titre de secours. La question
préalable a été demandée et adoptée; mais la Mon-
tague, qui avait demandé le scrutin sur le fond, a
prétendu qu'il devait être appliqué la question
préalable. A l'aide de cet incident, la discussion
s'est établie sur le vote de lundi.
La nouvelle de la rentrée du Pape Rome est
arrivé le 17 Paris. La dépêché télégraphique,
datée de Rome, le t3 avril, porte que Pie IX est
entré dans la ville sainte, la veille 4 heures da
soir, et qu'il a été reçu avec les plus vives accla
mations.
Les journaux annoncent que l'Union électorale
est en pleine dissolution. Un grand nombre de ses
membres ont déjà donné leur démission.
Au commencement de sa séance du 17, l'As
semblée nationale a été saisie d'une demande en
autorisation de poursuites contre. M. Laboulaye,
l'un des nouveaux élus du Bas-Rhiu, et qui était
poursuivi avant son élection pour avoir ouvert ilr
légalement une école. Cette demande sera exami
née dans les bureaux.
Le comité central de l'association a décidé hier
la presque unanimité: premièrement, qu'il n'y
aurait pas de scrutin préparatoire; secondement,
que le comité de l'Union acceptait la démission
oflerte par M. Foy; troisièmement, que M. Leclerc
serait le seul candidat du parti de l'ordre dans l'é-
lettion du 28 avril.
La candidature de M. Leclerc est accueillie dans
tous les rangs de la société parisienne avec un en
thousiasme dont il est difficile de se faire une idée.
Les témoignages de la sympathie la moins équi
voque éclatent de toutes parts.
Avant-hier dans l'un des théâtres de Paris, pen
dant la représentation de la pièce, une nuée de
feuilles blanches sont tombées des combles dans
les loges, les galeries et le parterre; c'est la bio
graphie de M. Leclerc avec un bulletin de vote.
Pas une seule protestation ne s'est élevée dans la
salle contre cet étrange moyen de propagande.
Il parait du reste que M. Leclerc, ancien admi
nistrateur d'une graude commune voisine de la
capitale, justifie pleinement par ses capacités, son
beau caractère et par tons ses antécédents, l'accueil
chaleureux dont sa candidature est l'objet Paris.
La bourse est brusquement sortie de la torpeur
qui pesait sur toutes les transactions. C'est encore
la candidature de M. Leclerc qui a déterminé ce
mouvement de hausse.
Le Président de la République est parti hier de
Paris pour Angers,emportant avec lui vingt-quatre
brevets de la Légion d'honneur pour récompenser
les traits de dévouement qui ont été très-nombreux
dans cette tnalheureose circonstance.
Des nouvelles de Constantinople annoncent que
la Porte a renoué ses relations diplomatiques avec
l'Autriche.
-
(Suite et fin.)
IV
Et le lendemain matin, Willem se réveilla une
heure après le soleil, snr son modeste lit, dans son
humble petite maisonnette.
L'heureuse surprise qu'il avait éprouvée la veille
dans le même moment se changea en une sorte de
consternation profonde: on s'accoutume vite au
bonheur. Mais il eut beau se frotter les yeux, cher
cher ses vêtements d'or et ses rideaux de soie,
appeler son échanson, l'intendant de sa garde-
robe, ses autres officiers, ses pages alertes et sa
royale épouse, au grand étonnement de sa mère;
il eut beau examiner le plancher noirci de sa
chambre et ses murailles tapissées de savates, pour
y retrouver les peintures fraîches et les brillantes
arabesques du palais des comtes, il lui fallut, après
une heure de désolation, reconnaître qu'il n'était
que Willem le savetier, qu'il n'était ni prince, ni
duc, oi comte; que sa chère duchesse était une
illusion, et calmer enfin les inquiétudes de sa mère,
en lui disant avec un rude soupir, qu'il avait fait
un beau songe.
Il eut de la peine retomber dans sa triste réalité.
Il gémit en réfléchissant la splendeur dont il avait
goûté un instant. Il pleura presque en se rappelant
tout ce qu'il avait vu, mais il finit par se lever.
Il ne fut pas sitôt debout, que des voisins vin
rent lui apporter de l'ouvrage.
Allons! j'étais un fou, dit-il, je suis bien
Willem.
Il alla embrasser sa mère.
Pardon, si j'ai déraisonné, dit-il. Mais jamais
on n'a fait un rêve comme le mien.
Dites-moi pourtant, mon fils, où vous avez
passé la journée d'hier
Je n'en sais rien
Il allait conter son aventure, lorsqu'il aperçut
dans un coin vingt-cinq bouteilles qui lui rappe
lèrent une circonstance de sa vie de prince
D'où viennent ces bouteilles la? demanda-t il.
Ah mon Dieu, j'étais si préoccupée de vous
entendre battre la campagne, mon enfant, que j'ou
bliais de vous annoncer une surprenante nouvelle.
Ces bouteilles-là sont vingt-cinq bouteilles d'ex
cellent vin de la cour, envoyées par le bon duc
Philippe, notre seigneur, que Dieu conserve! avec
la quittance du cabaratier de la chaussée de Scbe-
veningue, et, chose encore plus prodigieuse deux
cents beaux florins tout neufs. Est-ce que vous
avez par hasard racommodé les chaussures de Mon
seigneur.
Willem était devenu, ce récit, pâle et bou
leversé.
Je n'y comprends plus rien dit-il je suis
Willem et je ne le suis pas; je suis le comte de
Hollande et je suis uu pauvre savetier. C'est s'y
perdre. Mais goûtons ce vin
Sans remarquer que son langage et son agitation
inquiétaient de nouveau sa mère, il but une bonne
rasade
Le même qu'hier! dit-il vivement. N'ayez
pas peur, ma mère, je ne suis pas fou encore. Mais
vous demandiez ce que j'avais fait dans la journée
d'hier, j'ai été ensorcelé; car c'est moi qui ai en
voyé tout cela. N'importe! deux cents florins frais
et ces vingt-cinq bouteilles: tout n'est pas mal.
La pauvre mère s'imagina que son fils déraison
nait parce qu'il était jeùn. Elle pressa le dîner,
qui en effet arrosé du vin de la cour le remit un
peu. Toutefois il échappait Willem des phrases
si singulières, que dès le soir il passa pour fou dans
son quartier. Il luttait pourtant contre le souci,
mais sa raison ne pouvait vaincre ses souvenirs.
Au bout d'un mois, il pensa sa pension de cent
florins, qui faisait aussi partie de son rêve, et il s'é
tonna de n'en pas entendre parler.
Sur ces entrefaites, on annonça le retour du sou
verain et de sa cour, qui, trois jours après ce qu'il
appelait son enchantement, étaient partis pour vi-