JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N<> 3406
33me année
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FEUILLETON.
VÉRITÉ ET JDSTICE. -J-
On s'abonne Yjires, rue de Lille, 10, prés la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE t^MVIBIIEST, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités ft 3 5o. Un n° a5.
I.e Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 19 centimes In ligne).
7PB.ES, 22 Mai.
Durant le siècle dernier, lorsque Voltaire et la
tourbe philosophique se déchaînaient contre le
principe catholique, d'une part ils s'offraient la
foule pour les apôtres de la liberié et étalaient
dans leurs discours les grands sentiments d'une
fastueuse indépendance; de l'autre, ils s'efforçaient
de renverserser l'obstacle qu'opposait le catholi
cisme aux tendances despotiques du pouvoir, et
d'établir sur la religion la suprématie de la cou
ronne. De la les pompeuses déclamations en faveur
des droits de l'église gallicane; de là, en grande
partie du moins, les attaques contre les jésuites,
cette milice indomptable du siège de Rome. Ainsi
liberté en paroles; despotisme en réalité.
Le soi-disant libéralisme, héritier en ligne di
recte de l'école voltairieune, a suivi sur ce point
encore les traces du grand-maître. Il fait pitié de
l'entendre imperturbablement soutenir sa thèse
ridicule et usée; il tait pitié d'entendre le Progrès,
organe d'une orgueilleuse oligarchie, nous attri
buer pour mot d'ordre la liberté pour nous, rien
que pour nous. Et cependant, depuis que ce parti
si dédaigneux, si fier de ses grands mots, s'est
consumé en force pour nous combattre, il est bon
de constater, l'histoire en main, en qui la liberté a
rencontré ses défenseurs les plus zélés, les plus
constants.
En France, qui est-ce qui a reclamé instamment
l'exécution francheet entière de la Charlede iB3o?
Sinon les catholiques. Qui est-ce qui a soutenu
sans rougir le monopole universitaire? Sinon les
libéraux. En Espagne, comme en Portugal, qui
est-ce qui a combattu pour l'indépendance de la
patrie? Qui est-ce qui l'a livrée honteusement au
joug de l'Angleterre et l'intolérance libéraiiste?
Suite et fin.)
II fallait suivre au vol cette horrible intrigue. A
peine débarqué Barcelone, Albert de Kerbriant
courut chez le consul. La nuit couvrait la ville;
neuf heures sonnaient.
Le consul était au théâtre italien. Albert ne fit
qu'un bond du consulat au théâtre; on lui indiqua
la loge du représentant de la France, il y entra, et
s'excusant de sa visite importune, il exhiba sa lettre
d'introduction qui expliquait tout.
Le consul pria le jeune de Kerbriant de le suivre
dans l'arrière-loge, pour causer sans témoins et
sans auditeurs. Voici l'affreuse confidence qu'Al
bert recueillit dans cet entretien.
Un étranger d'un âge indéterminé, dit le
consul, s'est présenté chez moi, il y a trois semaines
environ, s'aunonçant sous le nom d'Albert de Ker
briant. 11 venait, disait-il, visiter l'Espagne, avec
sa future belle-mère et sa fiancée. A l'expiration
très-prochaine de son deuil, il devait se marier.
Les manières de cet homme m'ont paru étranges
En Italie, qui est-ce qui a secondé les desseins pa
ternels de Pie IX et consolidé les différentes con
stitutions? Qui est-ce qui a rendu la monarchie
absolue indispensable au maintien de la justice et
du bon ordre, et n'a pas craint d'applaudir au des
potisme des Mazzini, des Guerazzi, des Siccardi?
Eu Allemagne certes ce n'étaient pas des libéraux
qui défendaient Mgr. de Droste Contre l'iulolé-
rance protesiante et les droits des catholiques con
tre les odieuses institutions léguées l'Autriche
par Joseph II. Les libéraux gardèrent leurs sym
pathies pour les étueuliers de Berlin, de Francfort,
de Vienne. En Hongrie, ils applaudirent l'insur
rection des Magyares qui, soutenus d'un ramas
d'aventuriers, combattaient pour le maintien de
leurs privilèges et de leur prépondérance de caste.
Mais ainsi sont-ils faits; licence pour eux s'appelle
liberté. En Suisse, on sait qui combattit pour les
antiques franchises cantonnâtes; on sait qui faussa
par violence les élections dans les petits cantons,
proscrivit les ehefs du Sonderbund, jetta aux fers
l'évêque de Fribourg. Dans notre Belgique enfin,
qui est-ce qui défendit sans relâche la lettre et
l'esprit de notre loi fondamentale, qui l'appliqua
constamment dans son serts le plus large? Qui est-
ce qui, d'autre part, s'efforça de la rétrécir et osa
mutiler deux de nos plus précieuses libertés, celle
de l'enseignement, celle de la bienfaisance!
Ah! l'histoire est ua juge terrible pour nos his
trions politiques, qui n'aiment pas que leurs traits
se retracent dans son fidèle miroir; l'histoire a la
voix plus haute, plus puissante que le caquetage
ambitieux des pygmées du libéralisme. Certes il
ne dépendra pas d'eux de la faire mentir sans ver
gogne, l'instar de leurs ainés, les philosophes du
dernier siècle, qui, au nom de l'indépendance de
la pensée humaine, décernèrent les ovations les
plus pompeuses aux despotes les plus consommés;
ainsi de la sanguinaire Elisabeth ainsi de Gustave
Nasa, de Frédéric Ier de Danemarck, ces atroces
persécuteurs de ceux-là même qui ils devaient
tout Leurs titres communs, c'était la haine qu'ils
portaient au catholicisme.
c'était un mélange de bon ton étudié, de langage
noble et d'habitudes et d'expressions vulgaires. Il
avait dans ses poses un calme d'emprunt, contrarie'
par des élancemeuts nerveux. Il me rendait une
visite", disait-il, pour me présenter ses hommages
d'abord, et ensuite pour me consulter sur les for
mes suivre dans les mariages en pays étranger. Je
lui ai donné toutes les explications qu'il a para
désirer. Depuis cette visite, je l'ai revu deux fois,
et ce soir, si vous voulez le voir, il est eu loge avec
ces dames, presque en face de nous, l'amphi
théâtre. Le signalement que vous m'avez donné dé
cet étranger est frappant d'exactitude, avec cette
différence pourtant que ses cheveux sout noirs et
abondants, au lieu d'être blonds et courts; mais
c'est sans doute une supercherie de coiffure qu'il
sera fort aisé de découvrir.
Albert de Kerbriant pria le consul de vouloir
bien lui accorder uue place dans sa loge, et un
instant après il occupait son poste d'observation.
Du premier coup d'œil il jugea la mortalité de
cet homme, qui, ne se doutant pas qu'un regard
scrutateur était fixé sur lui, gardait une immobilité
sombre, et semblait n'appartenir que de corps ce
monde enthousiaste qui applaudissait un duo ita-
Mais qu'importe l'histoire notre thèse? La li
berté n'est-elle pas de l'essence du principe catho
lique, chez qui les idées puisent une vigueur
inexpugnable. Le libéralisme, au contraire, dont
toutes les tendances sont pour les jouissances ma
térielles et qui semble trop souvent n'en pas con-'-
naitré d'autres, dans ses doctrines et dans ses sys
tèmes, n'est guère capable d'établir la liberté sur
des bases solides, car il se trouve dépourvu de toute
autorité; ni même de la comprendre, car il n'y voit
qu'un moyen de contenter ses passions ou sa pa
resse, et méconnaît ce qu'elle contient de religieux
et de moral.
La loi sur l'enseignement moyen, telle que vient
de la voter la chambre des représentaots, est dé-
cidemment jugée. L'épiscopat Belge eu corps, par
une lettre au Sénat, vient de lui refuser son con
cours. En vain l'astuce voltairieune, au moyen de
quelques frivoles protestations, s'était promis de
rabaisser uos premiers pasteurs au rôle de dupes ou
de complices. S'étayant du principe fameux de la
séparation de l'Église et de l'État, les hommes du
ministère avaient rêvé l'antagonisme entre les deux
pouvoirs, comme si combattre le culte, établissait
son indépendànce. Comme si l'État sans religion
n'était pas la plus déplorable, comme la plus mons
trueuse des chimères. Il était temps que nos pas
teurs, pilotes vigilants et sages, signalassent les
écneils, où le courant des doctrines subversives,
où d'imprudentes et creuses théories menaçaient
d'entrainer le vaisseau de la patrie. Sans doute, le
dépit, l'orgueil froissé, les rancunes inassouvies
troubleront étrangement nos pseudo-libéraux
mais qu'importe leurs criailleries sans portée? Le
peuple Belge ne méconnaîtra pas dans la manifes
tation des évêques l'écho fidèle de ses propres
sentiments conservateurs et religieux.
A Messieurs les président et membres du Sénat
Messieurs
C'est avec un profond sentiment de douleur que nous avons
vu présenter vos délibérations te projet de loi sur l'instruction
moyenne, voté par la chambre des représentants, parce que
lieu. Cardan, vêtu de noir, avec sa figure couverte
de cette pâleur cuivrée, fard du galérien, avec son
œil fixe, son froiit déprimé, ses narines convulsives,
ressemblait un être surnaturel, dégagé de toute
préoccupation frivole, et méditant quelque projet
conseiller par l'enfer, A côté de lui, comme con
traste, s'épanouissait, dans sa naïve joie de jeune
fille, Anna de Mellan; on aurait cru voir une co
lombe ignorant le péril, et posée sur le même ra
meau côté d'un vautour. Albert de Kerbriant se
leva au premier eutr'acte, et saluant le consul du
geste familier qui signifie au revoir dans l'instant,»
il se dirigea vers la loge du faussaire ravisseur. Le
consul suivit Albert de loin.
Il frappa trois légers coups, la porte s'ouvrit, et
d'une voix calme et distincte, il nomma M. Albert
de Kerbriant.
C'est moi, monsieur, répondit Cardan.
J'ai deux mots vous dire en particulier, dit
Albert.
Cardan se leva non sans trahir quelque émotion,
et sortit dans le couloir.
C'est donc M. Albert de Kerbriant que je
parle? dit Albert.