JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
9
No 3429.
34me année.
7P3.SS, 10 AOÛT.
ENCORE LE LIBRE—ÉCHANGE.
Les arguties chicanières du Progrès nous
ennuyent profondément. Aussi le laisse
rions-nous prendre tout seul ses ébats, si
le ton doctoral et positif qu'il affectionne
n'était fait pour en imposer aux personnes
trop confiantes. C'est ainsi que dans son
dernier n°, il trouve une preuve convain
cante l'appui du système libre-échangiste
en ce que le prix du froment français, sous
le régime protecteur, est moins élevé de
fr. 2-48, que le nôtre, sous le régime rival.
Nous serons brefs avec le confrère, nous
contentant de soumettre au bon sens le
plus vulgaire ces trois petites proposi
tions
4° Vit on jamais deux nations différentes
où les mêmes produits agricoles se trou
vassent fixés un prix égal? Et notamment
en France le froment est-il d'aussi bonne
qualité qu'en Belgique?
2* La feuille libéraliste triomphe de ce
que sous le freetrade, le froment belge se
vende fr. 16-38. Que serait-ce donc, si
le système protecteur nous eut prémuni
des 24 millions et demi de grains étrangers
(déduction faite des exportations) importés
durant les cinq premiers mois de cette
année.
3° A la vue des merveilles, dont se glo
rifient nos libres-échangistes, l'on s'étonne
grandement, de ce que le système ruineux
de la protection sévisse encore l'égard
de l'industrie.
Maintenant que le Progrès résolve, s'il
le juge propos, ces quelques difficultés,
où se fourvoyent sans issue les hauts bon
nets du libéralisme ministériel.
Dernièrement un article nous fut com-
muniqué. L'auteur y décochait quelques
plaisanteries l'adresse du programme
de nos réjouissances communales. Pro
gramme assez efflanqué au dire des gens.
Aussi n'y reconnûmes-nous qu'un agréable
badinage, et l'insérâmes sans trop de diffi
cultés dans notre n° du 3 août, disant avec
Piron:
Le Progrèslui, n'a pas ri, et par consé
quent n'a pas été désarmé. Car, depuis
qu'en punition de ses grosses peccadiles
il porte un jésuite califourchon sur le
nez, robes noires et tricornes sont les mou
lins vent de cet autre chevalier de la
Manche. De là celte mauvaise humeur co
mique et ces aboiements au clérical et au
parti-prêtre, dont il nous gratifie, l'occa
sion de quelques plaisanteries inoffensives.
0 clérophobe!
Mais, puisqu'il faut bien que le confrère
exhale sa noire bile, voici quelques griefs
plus sérieux que ceux de notre correspon
dant, et plus dignes surtout des fureurs de
nos libéralisles. Nous dirons donc, qu'il
n'y a qu'une voix dans la ville entière
pour reconnaitreque jamais l'infâme orgie
n'étendit chez nous son infernal réseau avec
plus de succès que cette aûnée. Eh, quoi
d'étrange? Toute la nuit les cabarets res
tent ouverts l'ivrognerie «t la débau
che. Tant mieux pour quelques brasseurs
influents; tant pis pour ce pauvre peuple,
que chaque anniversaire [de notre fête
communale flétrit plus profondément du
stigmate du vice, et qui souvent dissipe
en une nuit les fruits d'un [long et hono
rable labeur, Tunique ressource peut-être
de toute une famille. Sous ce rapport, les
jeux populaires n'ont rien non plus qui les
rende dignes de nos suffrages. Que le /Yo-
grès nous traite de froids moralistes; nous
nous permettrons de croire que le vrai phi-
lanlrophe cherche moraliser le peuple
plutôt qu'à l'amuser.
Nous ne parlerons guère de la troupe
dramatique qui est venue s'abriter mo
mentanément dans nos murs. Les feuilles
publiques, les débals judiciaires, la science
elle-même dévoilent chaque jour aux yeux
de tous, les désastreuses conséquences des
représentations scéniques; les fastes du
théâtre ne sont qu'un immonde tissu de
libertinage, d'adultères, de suicides. Que
les scribes du Progrès éprouvent une bien
veillante sympathie l'égard de MM. les
comédiens; voilà ce qui se conçoit. Ces
gens sont dignes de s'apprécier, et fran
chement, un histrion politique vaut bien
un histrion dramatique.
M. Louis Hennion, d'Ypres, ancien élève
du collège saint Vincent de Paulvient de
passer avec distinction la candidature en
médecine.
M. Edmond Van der Ghote, d'Ypres, an
cien élève du collège Saint Vincent de Paul,
vient également de passer candidat en mé
decine.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abouue Yprès, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX. DE L'ABOAKEMENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Uu n° a5.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine (insertions 19 centimes la ligne).
J'ai ri, me voilà désarmé!
On lit dans la Pairie de Bruges
Les journaux anti-cle'ricaux ont annoncé, il y
a quelques jours, b son de trompette, que Mgr.
l'évêque de Bruges a défendu b ses fermiers de
prendre part a l'Exposition agricole.
Quoique ce bruit nous ait paru tout d'abord
une pure méchanceté, nous avons voulu prendre
des informations positives a ce sujet, et comme nous
l'avions prévu, nous avons acquis la certitude que
l'assertion de ces journaux est tout bonnement une
fable inventée b plaisir. Qu'on juge maintenant de
leur exactitude et de leur bonne foi!
Dans sa séance du 5 août, le conseil communal
de Mons, statuant sur une nouvelle demande de
M. le Ministre de la justice, a décidé qu'il persis
tait dans sa résolution du 7 septembre i84g, b
propos du legs fait par la dame veuve Fosselard b
la fabrique de Ste-Elisabeth en faveur de l'école
des pauvres de la paroisse.
Voilà encore un échec que M. de Haussy peut
enregistrer b la suite des autres qu'a déjà essuyés
sa politique vexatoire. Nous n'engagerons plus M.
le Ministre de la justice b profiter de la leçon, car
son obstination a ne pas dévier de la voie qu'il
s'est tracée, nous a convaincu qu'il y a chez lui
parti pris, et que rien au monde ne pourra le faire
revenir sur les déplorables abus de son système en
matière de legs et de succession.
M. Thiers paraît avoir exprimé b Bruxelles
relativement b notre armée et b notre état financier
des opinions assez peu rassurantes pour le contri
buable belge. C'est du moins ce que rapporte une
correspondance particulière de Bruxelles adressée
au Journal des Flandresvoici ce qu'on lit dans
cette correspondance
Vous savez que M. Tbiers a passé deux jours
b Bruxelles. 11 s'est trouvé plusieurs fois en relation
avec nos hommes d'état.
On a parlé de la réduction de l'armée, de la
nécessité de donner satisfaclion b l'opinion publique.
M. Tbiers a insisté sur la position stratégique
de la Belgique; il a dit que l'intérêt de l'Europe
exigeait que nos frontières fussent gardées, et nos
places fortes bieu détenues.
Si vous vous obstinez, a-t-il dit, b n'avoir
qu'une armée de cartonau lieu d'une armée
sérieuse, la France finira par s'emparer de vous,
et alors vous ne paierez non pas 26 millions,
mais 5o millions pour votre part dans le budget
de la guerre.
Interpellé sur l'importance delà garde civique,
au point de vue de la défense du pays, M. Tbiers
aurait répoudu
Il est dangereux en Belgique de dire son
opinion b cet égard. Si, cependant, vous tenez
beaucoup a savoir ce que j'en pense, je vous
l'écrirai, lorsque je serai de retour b Paris.
Ne voyez-vous pas, a dit encore l'illustre
voyageur, que les armées sont la sauvegarde de
v la civilisation; que la France, l'Allemagne, la
Russie même, sans armées, rétrograderaient ra-
pidement vers la barbarie?
u Comme on lui objectait la question financière,
le spirituel homme d'état, le premier financier de
France, répondit avec ce fin sourire qui le distingue:
Jai été le premier ministre en i84o on m'a
objecté alors, comme on le fait aujourd'hui, la
question financière; j'ai examiné cette question
avec tout le soin qu'elle exige, et j'ai laissé les
finances dans le même état qu'auparavant. Eu
1848, on a soulevé plus que jamais la nécessité
de réduire les dépenses; depuis ce temps, la France
a perdu plus d'un milliard, et aujourd'hui elle est
dans une situation prospère. Vous n'avez essuyé
aucune des calamités qui nous ont accablés, et
vous venez m'objecter la question financière
Telles ont été, ou peu s'en faut, les paroles de
l'ancien ministre de Louis-Philippe.
Le correspondant du Journal des Flandres
ajoute que les paroles de M. Thiers ont paru faire
impression sur ceux qui les ont entendues; mais
qu'il est peu probable qu'ils en profitent.
Faut-il s'en réjouir, ou s'en affliger?