Voici en quels termes Monsieur le doc
teur Dalmote s'est exprimé
Messieurs,
Il arrive qu'au moment où l'homme est parvenu
par suite d'une vie longue, laborieuse et bien rem
plie, qu'il pense pouvoir jouir paisiblement pen
dant quelques anne'es encore des fruits de ses
veilles et de ses travaux, qu'un décret du très
haut brise b jamais son exislance et ses projets
d'avenir, et vient a réduire au néant les illusions
de bonheur qu'il a pu se formertout en l'em
pêchant de faire le bien qu'il aurait pu faire encore
sur cette terre heureux si celui que ce décret
frappe vient b la quitter promptement dans l'in
souciance du sort qui lui est réservé, ignorant
jusqu'au dernier moment de sa vie la perspective
de son avenir mais de quelle tristesse ne doit pas
être accablé, celui que les secrets de la science ont
initié dans les lois immuables de la nature, et l'ont
conduit a prévoir le jour prochain où la destruction
de son être doit s'opérer et l'ont condamné b pré
voir se succéder les diverses phases d'une maladie
désastreuse, qui doit s'opérer dans sa fragile et
frêle organisation, de quelle tristesse ne doit pas
être accablé celui qui possédant ces secrets se voit
forcé malgré sa volonté de se conformer b la vo
lonté suprême de la divinité, de quelle tristesse
enfin ne doit pas être accablé celui qui tout en
conservant ses facultés intellectuelles intactes se
voit condamné a voir arriver insensiblement la
désorganisation, des organes essentiels b la vie, et
que celle-ci vient b les envahir toutes successi
vement les unes après les autres, pour finir par
l'absorption totale de ces facultés intellectuelles
elles mêmes!
Telles sont cependant les maladies dont l'homme
peut être atteint, telle est cependant la position
critique, Messieurs, dans laquelle le médecin lui-
même peut-être placé parmi celle-ci la myellite
ou paralysie des extrémités inférieures est une de
ces maladies rares qui ne lui laisse d'autre ressource
que le désespoir ou le courage nécessaire qu'il
puise dans les ressources de nôtre Sainte Religion,
pour attendre d'un œil serein la mort avec ré
signation telle a été la maladie de celui dont
nous accompagnons ici tas restes mortellestelles
sont les péripéties par lesquelles nôtre honorable
collègue, confrère et ami, Monsieur 1e docteur
Taelman a du passer.
Né h Bassevelde le 22 Décembre 1790 d'un
père professant l'art médical, il fut destiné par lui
parcourir celte noble carrièretas amis de son
jeune âge dont il s'en trouve parmi nous, purent
dès ses premières études prévoir par les prémices
ce qu'il devait être un jour; envoyé a l'école de
médecine de Gand pour y faire ses études médi
cales, son application, ses progrès et son aptitude
au travail, le firent bientôt distinguer d'entre ses
égaux; ayant passé un brillant examen de chi
rurgien sous-aide-major, il fut promu b ce grade
le 23 Octobre 1812, et placé en cette qualité a
l'hôpital militaire de Gand, chargé en même temps
du service de la prison et de la gendarmerie. Une
année après il partit pour l'armée et fut désigné
pour le 7e bataillon de la milice nationale en
i8i5 il fut promu le 22 Mai b la 6° division in
fanterie au grade de chirurgien aide-major, et alla
en Hollande o,ù il passa quelques années de sa la
borieuse existance; ce fut surtout alors qu'il vint
b passer des examens publiques b l'hôpital royal
d'Utrecht le 20 Novembre 1827 pour l'obtention
du grade de chirurgien major, grade qu'il obtint
avec la plus grande distinction, et qui le firent
placer par arrêté royal du 20 Novembre 1827 a
la 16° division infanterie de ligne; c'est seulement
alors, dis-je, que l'on reconnut que sous le dehors
de la sitnplicitéde la condescendance et de la mo
destie, il existait chez lui une intelligence supé
rieure, l'organisation d'un savant; enfin ces exa
mens firent époques dans sa vie, et des lors il fiit
apprécié dans toute l'armée b sa juste valeur, il y
acquit une réputation que nous dirons justement
méritée. Arriva ensuite la tourmente révolutioni-
naire de i83o, alors qu*il fut déjà 3 ans chirurgien
major de la garnison d'Ypres, il fut aussitôt con
firmé dans son grade par un arrêté du gouver
nement provisoire du 19 Octobre i85o dont il
reçut le brevet le 7 Février i83i, qui l'y nomma
définitivement médecin de la garnison, où il exerça
ensuite parmi nous de nombreuses années en cette
qualité. Dans une circonstance critique une
mission délicate se trouvait b remplir qui pouvait
décider peut être de l'avenir de quelques hautes
positions acquises, positions plus élevées que
la sienne. Peut être, un homme loyal, ferme et
intègre était nécessaire, le gouvernement ne crut
mieux pouvoir choisir que celui qui fut reconnu
par tous posséder ces rares et essentielles qualités,
agissant dans cette mission avec justice, saus
crainte, sans arrière pensée, il s'en acquitta b la
satisfaction générale et surtout de celle de ses
chefs. Vers la même époque b peu près une oph
talmie désastreuse se déclara dans l'armée la ma
ladie granuleuse des paupières, les succès des plus
satisfaisants qu'il avait obtenu par sa méthode b
son hôpital sur les hommes de la garnison lui firent
confier un moment les ophtalmiques de toute l'ar
mée et un dépôt général d'ophtalmiques fut établi
en cette ville; eu leur donnant ses soins éclairés,
en leur appliquant sa méthode, il ne contribua pas
peu a diminuer les ravages de cette fatale et con
tagieuse maladie.
Après de si grands services rendus b la cause de
l'humanité etb la patrie une récompense nationale
devait en être la rémunération, aussi nôtre Roi
bien aimé lui décema-l-il le titre de chevalier de
son ordre.
Parvenu b un âge où les trop grandes fatigues
d'un service journalier et couliuu devaient être
considérés comme audessus de ses forces, fi fut
pensionné tout en recevant le titre de médecin
principal honoraire de l'armée belge, aussitôt rentré
dans la vie privée il s'apperçut que d'une vie ac
tive il ne pouvait tout d'un coup passer au repos
le plus absolu, il voyait qu'il lui restait encore du
bieu b faire a l'humanité, qu'il pouvait et devait
encore mettre les ressources de son art b sa dispo
sition aussi rçntra-t-il dans la corporation des
médecins civils, qui eux se trouvaient fiers et heu
reux de compter une capacité de plus dans leurs
rangs, capacité destinée b leur faire honneur par
la profondeur de sa science; dès lors il De dédaigna
pas de se dévouer et de se rendre de la demeure du
riche dans le réduit du pauvre, ce qui n'a pas peu
contribué lui donner ce grand nombre d'amis
que nous voyons ici dans ce moment solennel pour
liii faire leurs derniers adieux. Ce fut surtout en sa
qualité de médecin de la société des anciens Frères
d'armes de l'empire français, qu'il put faire preuve
de tout le dévouement de toute l'humanité dont il
était capable en pratiquant avec eux une non bles
sante philantropie tout en leur donnant les soins
de sa profession de quelles souffrances de quelles
douleurs ne les a-t-il pas mainte fois soulagés?
Combien ne s'en trouve-t-il pas parmi eux que
nous connaissons qui peuvent dire si nous vivons
encore c'est b lui que nous le devons?
Eh bien Messieurs, n'est-il pas triste de devoir le
dire et en convenir ici, que cet art qu'il professait si
bien n'a pu lui donner ni nous donner de moyens ni
de ressources suffisantes pour pouvoir prolonger sa
vie, que son art n'a pu seulement contribuer qu'a
soulagèr les trop fortes douleurs de cette maladie
si douloureuse et si rare. Devait-elle donc venir
accabler celui qui la connaissait si bien, et qui avait
mainte fois sans nul doute interrogé sur la mort
mais cela inutilement le secret de sa guérison im
possible?
Si l'on ne savait, Messieurs, que les décrets du
Seigneur sont pour nous impénétrables et que dans
tout ce qu'il fait il y a un but connu de lui seul,
et que nous devons croire devoir tendre au bon
heur de celui qui en est le sujet. Si la Divinité
avait eu l'intention de mettre un châtiment dans
la disparution d'un de nous sur la terre, si la ré
compense du bien ou du mal fait, et la reconnais
sance de ses semblables dans ce monde, étaient des
titres suffissants pour prolonger nos jours et pou
voir goûter en paix des fruits de nos travaux, ne
pourrait-on pas se dire:
Était-ce donc le tour de cet homme de bien si
estimable, était-ce le tour de cet homme juste et si
intègre, de ce philanthrope parexcellence de se voir
enlever de tous ses amis? Nous 1e croyons.
Mais comme devant la volonté divine, l'homme
n'a qu'à courber le front et se conformer b sa haute
sagesse, nous ne pouvons que tous éplorés verser
des pleurs sur cette fosse entr'ouverte, accompa
gnant la victime de nos regrets.
Adieu donc chèr collègue, adieu donc fchèr
Taelman, en quittant ici tous vos amis ayez l'as
surance que leurs vœux, leurs prières vous accom
pagneront près du très haut pour que le repos des
justes vous y soit acquis, et en partant pour un
monde meilleur soyez convaincu que votre sou
venir près de vôtre épouse éplorée et de vôtre
famille, de vos collègues, de vos Frères d'armes
dévoués, de tous vos amis enfin, sera éternellement
présent leur mémoire.
Discours prononcé par M. Vandoorne,
trésorier de la société des anciens Frères
d'Armes de J'Empire Français.
Messieurs,
Je laisserai ci des voix plus éloquentesle
soin de retracer le brillant tableau des vertus
dont Mr Taelman Président de la commission
des secours et Médecin de la Société des anciens
frères d'Armes nous a offert l'exemple mais
permettezMessieursa celui quil a toujours
honoré de son amitié, de vous rappeller le dé
vouement et les innombrables services rendus
notre Société par le généreux frère qui fait
maintenant l'objet de nos regrets. Nous ne pou
vons oublier, Messieursavec quel zèle infa
tigables il a secouru nos malheureux frères
avec quelle générosité, il leur prodiguait gra
tuitement les ressources de son art. Nous ne
pouvons oublier de combien de services, de com
bien de bienfaits il a marqué son existence, et
nous avons au sein de notre Société plus d'un
membre dont la reconnaissance vous en dira
plus que mes paroles ne peuvent vous en ap
prendre. Ce membre zélé qui ne reculait jamais
lorsque l'occasion se présentait de faire une ac
tion noble et vertueusecelui qui assistait nos
frères sur leur couche funèbre, comme il les as
sistait jadis sur les champs de bataille, n est-il
pas digne de notre respect et de nos regrets
Se sentant mourir, il a mis le sceau a tous les
services qu'il avait rendu a notre Société par
un dernier acte de solicitudeen choisissant un
successeur qui marchera, nous l'espéronssur
ses nobles.traces.
Reste chérireçois pour la dernière fois, les
remerciements elles adieux que je te présente au
nom de tes anciens frères ici réunis, et que ton
âme repose en paix
Discours prononcé par M. De Koninck,
secrétaire de la société
PermettezMessieursque j'acquitte pour
moi la dette sacrée de la reconnaissance com
me tant d'autres je lui dois cet hommage et
au nom de tous ceux qu'il a soignés et sauvés,
en lui adressant mes derniers adieuxje lui
offre, l'expression de nos sentiments les plus sin
cères et les plus dévoués. Puissent nos regrets
arriver jusqu'au trône céleste où l'ont élevé ses
vertus et ses bienfaits Adieu Taelman, adieu
On écrit d'Ostende, 1e 22 septembre,b la Patrie:
Le beau temps continue; aujourd'hui la cha
leur, sur la digue de mer, était aussi forte qu'en été,
aussi les étrangers (quoique le nombre en soit di
minué) profitent de ces belles journées pour con
tinuer a prendre les bains de mer.
Ce matin notre bonne reine se portait beaucoup
mieux; elle avait passé une très bonne nuit et la
toux avait cessé.
Le roi accompagné des deux princes et de la
jeune princesse a profité du beau temps pour faire
une promenade en mer par le bateau b vapeur le
Chemin de Fer, capitaine Hodt. Il a quitté notre
port a une heure et après avoir été visiter le feu
flottant qui se trouve sur le banc dit Paardemarkt,