JOURNAL D'TFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3508.
34me auuee.
7P5.ES, 14 Mai.
La haute importance que nous attachons
la bonne éducation de la jeunesse et le
vif intérêt que nous prenons au bien-être
public nous fait constater avec plaisir les
succès qu'obtiennent partout les établisse
ments que dirige l'autorité ecclésiastique
et l'accroissement considérable d'élèves qui
s'opère dans ces institutions depuis la ren
trée des vacances.
Roulers, quoique possédant un petit
séminaire, bâtiment aussi vaste et aussi
étendu que fut le zèle pour le bonheur du
jeune âge, de celui qui entreprit cette
grandiose construction, ne peut qu'à peine
contenir la florissante jeunesse qu'on lui
confie de toutes parts.
Bruges, Menin, Poperinghe prospèrent
également et leurs collèges grandissent
dans une proportion des plussatisfaisantes.
Ce qui se fait dans d'autres villes se
voit aussi Ypres. Jamais le collège S'
Vincent n'a brillé d'un aussi vif éclat qu'à
cette époque; jamais tant de nouveaux
étudiants n'ont été inscrits qu'à la dernière
rentrée des classes.
Cet état des choses est consolant, et d'un
heureux augure pour le pays en général
et pour notre ville en particulier: il prouve
que chez le peuple Belge il est une liberté
trop fortement enracinée dans le caractère
des masses, pour que le despotisme et l'in
tolérance parviennent jamais sacrifier
le sort de la jeunesse aux calculs et aux
projets d'une faction aux tendances dan
gereuses; il démontre aux moins clair
voyants que c'est au moment surtout où
la liberté de l'enseignement est en butte
L'AVEUGLE D'ARGENTEUIL.
aux vexations, aux attaques de ses adver
saires que les familles l'ont éclater dans
toute sa vivacité leur attachement invio
lable pour cette précieuse prérogative; en
un mot il proclame que c'est lorsqu'un pou
voir rétrograde et anlicaiholique prétend
sinon par ses paroles, au moins par ses
aclesétouffer le principe religieux elbannir
le prêtre des collèges que la Belgique ré
pond par sa conduite: point ^d'éducation
sans religion; point d'éducation religieuse
sans la coopération du prêtre!
Pour établir la vérité de ces faits inter
rogeons la plus grande partie de nos con
citoyens pères et mères de famille dites-le
nous: Qu'est-ce qui fait que nonobstant
la pression de l'autorité; nonobstant les
moyens faciles qui vous sont offerts, pour
placer vos enfants dans un collège pour
l'existence duquel chaque habitant de la
cité paye plus d'un franc par année (i),
vous envoyez vos fils au collège S' Vincent?
N'est-ce pas, pareeque ailleurs vous ne
trouvez toutes les garanties désirables dans
ceux qui occupent la sublime fonction d'é
lever la jeunesse? N'est-ce pas parcequ'à S'
Vincent indépendamment de fortes éludes,
vous trouvez aussi une éducation morale
et religieuse? N'est-ce pas pareeque l'é
tablissement épiscopal vous savez qu'en
parlant l'intelligence les hommes ver
tueux qui constituent le personnel ensei
gnant, s'adressent en même temps au cœur
de vos enfants et que toutes les lumières
qu'ils répandent dans leur âme, ils la font
descendre d'en haut? N'est-ce point en un
mot pareeque en voyant grandir vos fils
dans les sciences vous y avez tout lieu
d'espérer de les voir un jour défenseurs
de la religion ou de la patrie, ou devenir
comme vous, excellents époux et bons
pères?
Evidemment ce ne peuvent être que ces
raisons importantes qui élèvent l'institu-
tulion S' Vincent audessus de sa rivale, et
ce n'est que la solidité de ses études jointe
l'excellence des principes qu'on y in
culque la jeunesse qui puisse décider
les parents y mettre leurs enfants au
prix d'un grand sacrifice alors qu'il leur
est offert peut-être de recevoir leurs fils
gratuitement dans le collège de la ville.
Ouvriers vigilants autour des murailles
lézardées et tremblantes de l'édifice social
le chef et les professeurs du collège S1 Vin
cent doivent se réjouir de voir la ville si
bien comprendre et apprécier les nobles
efforts et sacrifices qu'ils s'imposent tous
les jours. Les témoignages de sympathie
qu'ils reçoivent doivent leur assurer qu'ils
répondent aux espérances d'un père chré
tien, aux doux vœux d'une tendre mère.
C'est pour ce motif que le passé comme le
présent leur est un sujet de gloire; et que
l'avenir ne fera que gagner de plus en plus
les cœurs leur dévouement.
VÉRITÉ ET JDSTiee.
Ou s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Giande
Place, H chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PKIX DE LMROVKEIIKIVT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 Ôo. Uo n° 25.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque .semaine (insertions 19 centimes la ligne).
ANECDOTE NORMANDE DU XVI* SIÈCLE.
Au fond d'un vaste et sombre hôtel de Rouen, dans le
silence d'une immense bibliothèque ornée des portraits de
quelques magistrats revêtus de robes d'écarlate, la lueur
d'une lampe, un homme âgé, de l'extérieur le plus vénérable,
paraissait livré la méditation et l'étude. Aui^insignes dont
il était revêtu, ou voyait que lui-même devait appartenir aux
premiers rangs d'une cour souveraine; et en effet, ce vieillard
était Laurent Bigot de Thibermesnilpremier avocat du Roi
au parlement de Normandie, homme d'un grand savoir, d'une
vertu plus grande encore, l'un de ces doctes magistrats du xvi®
siècle, où l'ordre judiciaire brilla d'un si vif éclat. Sa longue
journée de labeur avait commencé au palais, dès cinq heures
du matin. Là, il avait, par de lumineux réquisitoires, suggéré
au parlement des arrêts destinés devenir lois dans la province;
et maintenant, l'infatigable vieillard se livrait d'autres travaux
qui lui semblaient des loisirs; il jetait les fondements d'une
riche collection de livres et de manuscrits, qui, plus tard,
devait être célèbre, dont ou parle encore aujourd'hui qu'elle
est dispersée, et dont le souvenir demeurera tant que, dans
notre France les lettres seront en honneur. Appliqué, en cè
moment, examiucr uu manuscrit fort ancien que venait de
(i) Le collège communal absorbe annuellement en subside
tant de l'État que de la Commune la somme éuorme de
francs.
lui envoyer sou ami Turnèbe, il fut interrompu subitement
par le bruit que faisaient deux jeunes gens qui, assis non loin
de lui, lisaient Horace, et se récriaient, enchantés qu'ils étaient
des vers du grand poète; ces deux jeunes gens étaient Emeric
Bigot, son fils, et Étieime Pasquier, condisciple d'Emeric.
Élèves d'Hotoman, de Cujas et de Balduin, les deux amis
étaient venus Rouen passer ensemble les vacances. Cette ode
qui les éleetiisait ainsi, Laurent Bigot voulut la voir, et bientôt
l'enthousiasme du vieillard le disputa celui des adolescents.
Et qui pourrait ne pas tressaillir l'aspect du vrai mérite, tel
que nous le montre Horace, cheminant loin des sentiers
vulgaires, loin des intrigues, des cabales, des suffrages
mendiés, des refus dégradauts, renversant tous les obstacles,
s'élevant d'un vol généreux au-dessus des turpitudes de la
terre, resplendissant d'une gloire sans tache, et conquérant
l'immortalité
Laurent Bigotcontinuant cette ode si belle, venait de lire
la Ntrophe énergique ou le poète peint le châtiment boiteux,
saisissant d'une maiu ferme le coupable qui s'était cru sauvé,
lorsque tout coup un bruit se fit entendre la porte de la
galerie, et un magistral fut introduit; du moins son costume
ne permettait pas de s'y méprendre, car, eu cet instant, son
extrême pâleur, l'altération de ses traits, son altitude
humiliée, on aurait cru voir, non le lieutenant-criminel de
Rouenjuge intègre et révéré, mais plutôt un de ces grands
coupables, qui, chaque jourvenaient trembler devant lui.
J'ai failli, dit-il tout d'abord Laurent Bigot, j'ai failli, je
le confesse mais de grâce ne me condamnez pas sans m'en-
M. le ministre des travaux publics a reçu samedi
matin des députations des conseils communaux de
Wervicq, Confines et Waruêlon. Les délégués de
ces localités avaient pour mission de demander la
construction du chemin de fer direct de Courlrai
Ypres, conce'dée 'a la société' Richards, par la loi du
i3 mai i345.
On écrit de Tournai,en date du 9: Uneffroyable
malheur est arrivé ce matin, dans la teinturerie de
M. Riccy Ecrepont, luchet d'Antoing, pendant que
les ouvriers étaient allés déjeûnei. Par une négli
gence des plus fatales, M. Riccy, industriel labo
rieux et actif, eut la funeste pensée d'abandonner
sa machine a elle-même sans avoir vérifié si elle
était assez pourvue d'eau pour son alimentation,
M. Riccy était peine dans la salle a manger,
qu'une délonnation épouvantable se fit entendre.
C'était la machine qui sautait et emportait tous les
bâtiments intérieurs de la maison.
Au premier bruit de la détonation les ouvriers
charbonniers de M. Bossu-Devergnies accourent
tendre. Alors le lieutenant-criminel commença son récit,
que l'avocat du Roi écouta avec calme, tandis que les deux
jeunes gens prêtaient l'oreille avec l'avide curiosité de leur âge.
Un citoyen de Lucques, nommé Zambelli. était allé fonder
une maison de commerce en Angleterre, où ses affaires avaient
prospéré. A cinquante anssa fortune étant faite, il sentit le
besoin de retourner Lucques finir ses jours auprès d'un frère
qu'il chérissait. Il l'écrivit sa famille, que cette nouvelle
combla de joie. Bientôt une seconde lettre datée de Rouen, où
il était venu son arrivée d'Angleterre, annonça qu'il serait
Lucques dans deux mois environ. Il lui fallait ce temps pour
terminer ses affaires Paris et pour faire le voj'age. A Lucques
on s'empressa de lui retenir une maison; de jour en jour il
était attendu mais deux mois, quatre moissix mois s'écou
lèrent Zambelli n'avait point paruet mêmechose étrange
aucune nouvelle lêttre de lui n'était parvenue Lucques.
L'inquiétude de la famille était extrême. Cornélio, son fière,
se rendit Paris, où il fit des recherches inouïes. 11 alla dans
toutes les maisons avec lesquelles Zambelli devait être en
rapport raison de la nature de son commerce. Dans ces mai-
sous, on avait vu, du moins on avait cru voir Zambelli. Un
individu était venu, sous ce nom, toucher le montant d'obli
gations dont la somme totale était considérable; les marchands
montraient la signature Zambelli, apposée au bas des quit
tances. Toutes ces signatures sont fausses, s'écria Cornélio
indigné; dépeignez-moi le faussaire poui que je le cherche en
tous lieux et que je le confonde. Mais ou ne put le satisfaire,
il n'était resté de cet homme aucun souvenir.