JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
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N» 3510
34me année.
7PR.ES, 21 MAI.
Le Receveur des contributions de la ville
prévient les contribuables qui jusqu'à ce
jour n'ont pas encore payé les termes
échus, de vouloir bien le faire dans le cou
rant de ce mois au plus tard, en les préve
nant que passé ce délai ils y seront sommés
officiellement par les voies ordinaires.
Une solennité touchante a montrée une
fois de plus l'intérêt extrême que prend
Mgr 1' Evêque l'éducation chrétienne de
la jeunesse de sa ville natale. S. G. a voulu
donner elle-même la S. Eucharistie aux
douze élèves du Collège de S' Vincent de
Paul qui fesaient leur première commu
nion l'Eglise de S' Jacques. Avec cette
profondeur de pensée, celte noble simpli
cité de langage qui caractérise son élo
quence, l'auguste prélat a adressé son
jeune auditoire une allocution touchante
et pleine d'à-propos. Un plus grand
nombre de jeunes gens de la même insti
tution ont reçu cette occasion le Sacre
ment de la confirmation. Le vénérable
prélat a assisté ensuite la Grand'messe
et au Salut dans l'oratoire des Sœurs noi
res, où les étudiants de S' Vincent ont
coutume de se rendre pour les offices do
minicaux. En quittant la ville, Mgr Malou
s'est rendu Poperinghe, pour visiter suc
cessivement les communes de ce doyenné.
Hier, il administrait la Confirmation Re-
ninghelst, Dranoutre, Westoutre et Locre.
Samedi S. G. sera Woeslen, Lundi il
séjournera Elverdinghe, où un splendide
diner lui sera offert au château de M. le
comte d'Hust. Partout dans ses tournées
L'AVEUGLE D'ARGENTEUIL.
pastorales, le haut dignitaire est reçu avec
le respect dû son caractère sacré, et au
milieu de l'enthousiasme affectueux des
populations. A Elverdinghe, nous appre
nons que les préparatifs de réception sont
immenses, et répondront entièrement aux
sentiments de la population.
DÉMISSION DU MINISTÈRE.
Le ministère vient d'offrir sa démission
au Roi. La loi sur les successions, ou plutôt
la question du sermenlqu'il prétendait ren
dre exigible, l'a entrainé sa ruine. Le roi
Guillaume y perdit sa couronne; c'est peu
de chose que quelques ministres y perdent
leurs portefeuilles.
Du reste, un tel dénouement était depuis
longtemps prévoir. Le sans-façon mépri
sant qu'affectaient certains membres du ca
binet l'égard des députés conservateurs;
leurs allures hautaines et impérieuses en
vers leurs propres amis,devaient tôt ou tard
amener unéclat, et lessingeriesmaladroiles
des organes officiels et officieux du minis
tère ne pouvaient qu'envénimer ses torts.
Il existait aussi, parait-il, de graves sujets
de dissension au sein du cabinet.
Nous nous plaisons constater ici que
les trois représentants d'Ypres ont noble
ment refusé le concours de Jeurs votes
aux conceptions rétrogrades et aux exi
gences ministérielles. De la part de MM.
Malou et Van Renynghe un acte de cette
nature n'a rien qui étonne; mais nous féli
citons en particulier M. Alph. Vandenpee-
reboom d'avoir su pareillements'affranchir
encepointdela pression gouvernementale,
et rester sourd aux inspirations de l'amitié
et de la faveur.
Voici comment se sont partagés les suf
frages, dans la question relative au ser
ment, rejeté par 52 voix contre 59.
LA CONTRE-RÉVOLUTION.
Lorsque le peuple Belge brisa le joug
odieux du roi Guillaume, il crut enfin avoir
obtenu de force le redressement des griefs
qu'il avait vainement attendu de la justice
et de la persuasion. On était loin alors de
s'attendre ce qu'un élan aussi généreux,
ce qu'une victoire aussi signalée, tant
d'efforts, tant de sacrifices dussent aboutir
la contre-révolution dont la politique nou
velle semble avoir adopté les enseignes.
En 1850, la nation se soulève, au nom
de la liberté de l'enseignement; et la poli
tique nouvelle de constituer par une loi
l'antagonisme du gouvernement et de la
liberté en matière d'enseignement.
En 1850, on se soulève indigné des actes
de favoritisme du pouvoir l'égard des
Hollandais; et la politique nouvelle dès son
installation remplit de ses adeptes les places
honorablesetlucratives: Otes-toi de là,que
je m'y mette.
VÉRITÉ ET JC8TICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
1*11 V DE I/Ai:»A*EMEAT. par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3-5o. Uu 11° a5.
Le Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine Insertions 19 centimes la ligne).
ANECDOTE NORMANDE DU XVIe SIÈCLE.
Suite et fin.)
(Tétait dans ce sanctuaire auguste, que la veille de Noël, au
matin, MM. de la Grand'Chambre et de la Tournelle étaient
réunis l'extraordinaire. Mais cette fois ils avaient revêtu leurs
robes noires, et leur attitude triste et pensive on pouvait
pressentir qu'ils allaient remplir un ministère de rigueur. Par
toute la ville on s'interrogeait avec curiosité sur ce qui pouvait
se passer au parlement dans le secret du conseil. L'assassinat
du marchand de Lucques, l'arrestation du coupable présumé,
la découverte du cadavre de la victime, le témoignage inespéré
rendu Ârgenteuil par un aveugle, étaient uu texte inépuisable
d'entretiens et de conjectures pour une foule immense qui se
pressait dans la cour et daus toutes les avenues du palais; et
chacun se disait que le jour était venu sans doute, où enfin
toutes les indécisions allaient cesser, le jour qui devait rendre
la liberté un innocent ou envoyer un monstre l'échafaud.
Au parlement, après de longs débats, on s'était décidé
entendre l'aveugle d'Argenteuil. Gervais avait paru devant les
chambres assemblées. Sa déposition, naïve et circonstanciée,
avait fait une impression profonde mais des doutes préoccu
paient les esprits. Quelle apparence d'aller mettre la vie d'un
homme la merci des réminiscences fugitives d'un mendiant
aveugle qui n'avait qu'entenduqui n'avait pu qu'entendre
Ont répondu oui MM. Allard, Anspach, Bru-
neau, Cans, Cools, Cumont, D'Autrebande, H. de
Était-il possible que cet homme fût assez sûr de son ouïede
sa mémoire pour reconnaître une voix qui n'avait retenti qu'une
seule fois ses oreilles? Il fallait l'éprouver, il fallait faire
monter successivement tous les prisonniers de la conciergerie
au palais, et avec eux Martel. Si, après les avoir entendus
parler, l'aveugle, spontanément et sans faillir, sans hésiter
une seule fois, distinguait toujours et reconnaissait constam
ment la voix qui naguère l'avait tant frappée, ce dernier indice,
réuni tous les autres, ne permettrait plus d'incertitude, et
enfin un grand exemple serait donné. Ce n'était pas sans
dessein que la veille de Noël avait été choisie pour cette épreuve,
inouïe jusqu'alors dans les fastes judiciaires. Faire venir ainsi
tous les prisouuiers uu jour ordinaire, eût été éveiller leurs
soupçons, leur suggérer des ruses et mettre l'aventure le
succès de l'expérience toute nouvelle qui allait être tentée. La
veille de Noël, au contraire, il y aurait eu un grand étouue-
meut la conciergerie, si l'ordre ne fut pas arrivé de faire
monter tous les détenus au palais; l'usage voulant que la veille
des grandes fêtes, MM. de la Giaud'Chambre mandassent
successivement devant eux chaoun des prisonniers. Quelquefois
même, ces magistrats souveraius, l'occasion et pour révérence
de la feste (comme on parlait lors), donnaient la liberté des
prisonniers détenus pour des causes légères.
Avant toutil fallait faire comprendre l'aveugle ce qu'il
y avait de sacré dans le ministère dont le ciel semblait l'avoir
investi. A la tête du parlement était le président Feu, que sa
sagesse et «a gravité avaient fait nommer Caton le Censeur.
Gervais, dit-il l'aveugle d'un tou solennel et pénétré, là,
Baillet, de Baillet-Latour, De Brouckere, Deles-
cluse, Delfosse, Deliége, De Pilleurs, De Pouhon,de
Steenhault, Destriveaux, D'Hoffschmidt, D'Hondt,
Dolez, G. Dumont, Frère-Orban, Lange, Lebeau,
Liefmans, Masoart, Mercier, Morean, Orls, Peers,
Pierre, Previnaire, Rogier, Ch. Rousselle, Tesch,
Thiéfry, Van Hoorebeke, Verhaegen et Veydt.
Ont répondu non MM. Boulez, Clep, Coomans,
David, de Bocariné, De Breyne, De Bromver de
Hoogendorp, De Decker, de Denterghem, De
Haerne, De la Coste, Delehaye, de Liedekerke, de
Man d'Attenrode, De Meesler, F. de Mérode, de
Mérode-Westerloo, de Muelenaere, de Perceval,
de Renesse, de Theux, de T'Serclaes, A. Dumon,
Du Mortier, FaignartJacques, Jouret, Julliot,
Landeloos, Le Bailly de TilleghemLelièvre,
Malou, Manilius, Moncheur, Moxhon,Osy, Pirmez,
Reynijens, Rodenbach, Ad. Roussel, Sinave, Thi
baut, T'Rint-de Naeyer, Tiemouroux, Van dea
Branden de Reelb, A. Vandenpeerebooin, E. Van-
denpeereboora, Van Grootven, Van Iseghetn, Van
Reninghe, Vernieire et Vilain XIIII.
au-dessus de nous, est l'image de l'Homme-Dieu, qui fut mis
en croix et mourut injustement sur de faux témoignages.
Jurez par cette image, jurez par Dieu lui-même, qui est présent
ici et nous entend, que vous n'affirmerez rieu dont vous ne
soyez aussi sûr que vous l'êtes de votre existence, que vous
l'êtes du malheur qui vous prive de voir le soleil, Après ce
serment, que le vieillard prêta avec cet accent de l'âme qui
ne permet point de mettre en doute la sincétilé d'un témoiu,
commença l'épreuve qu'avaient imaginée les anciens du par
lement. Déjà dix-huit prisonniers avaient comparu et répondu
aux questions qu'ou leur avait adressé: l'aveugle, eu les enten
dant, n'avait fait aucun mouvement; de leur côté, en aper
cevant cet homme qui leur était iucounu, ils étaient restés
indifférents et paisibles. Ce fut alors qu'un dix-neuvième
prisonnier fut introduit son tour: mais, qui dira la stupé
faction de celui-ci la vue de Gervais? Qui peindra le boule
versement soudain de tous ses traits, son visage qui pâlit et se
contracte, ses cheveux qui se dressent, sa sueur soudaiue qui
glace sou front et sa défaillance subite, qui fut telle qu'il fallut
le soutenir et le mener jusqu'à la sellette, où encore il ne put
s'asseoir qu'aidé par le porte-clefs? Et, altéré qu'il était, lors
qu'il revint un peu luion voyait percer dans ses gestes in
volontaires, ou le poignant remords d'une âme bourrelée qui
se reproche un forfaitou, peut-êlre, l'horrible regret d'avoir
commis un crime incomplet, de n'avoir pas achevé son œuvre.
Les présidents et les juges se regardeut entre eux dans
l'attente de ce qui allait suivre. Mais voilà que, dès les pre
miers mots que répond Martel aux questions du président Feu,