JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
N« 3517.
34me année.
7PP.ES, 14 Juin.
LIBÉRALISME ET LIBÉRALISTES.
Tous les jours, on entend les feuilles
libéralistes exalter les forces de leur parti,
la popularité dont jouissent leurs doctrines
et mille autres choses qui peuvent tenir
lieu de raison, mais ne prouvent pas qu'on
ait la raison de son côté. Quant l'essence
du libéralisme, ses tendances avouées,
sa ûn nécessaire, les adeptes du parti,
s'il leur arrive d'en parler, entortillent le
tout de quelques rodomontades sans por
tée. Nous dirons nous ce que c'est que le
libéralisme.
Le jour où le christianisme eut répandu
dans tout l'univers la doctrine de la fra
ternité humaine, et enseigné aux monar
ques la justice l'égard de leurs sujets,
aux sujets la soumission envers le souve
rain, il était, ce semble, permis d'espérer
toute la somme de honneur dont il est
donné l'homme de jouir ici-bas. Le res
pect des droits d'autrui devait cimenter la
paix et la coucorde l'extérieur, en même
temps que l'observance de tous les devoirs
rendaient chaque bomine en particulier
utile au bien-être général. Mais au fond du
cœur de l'homme des passions inquiètes
murmurent et surgissent, et sa raison
troublée ne voit que trop souvent dans le
devoir uue humiliante servitude, dans ses
droits un moyen ou un prétexte d'empiéter
sur les droits des autres.
Il est un autre fait remarquer. Chaque
époque a son idée dominante; idée souvent
VUE DÉESSE.
juste, grande, généreuse dans son prin
cipe, mais sujette l'exagération et par
là même contraire sa réalisation. Buis
viennent les partis anarchiqpes qui cares
sant les passions de la foula, s'emparent
de l'idée dominante pour la faire servir
leurs haines et leurs convoitises parti
culières. Ainsi, depuis plus d'un demi-
siècle surtout, une irrésistible tendance
vers la liberté s'est déclarée parmi nous.
Ce fut le catholicisme qui apporta la li
berté au monde; ce fut lui qui abolit l'es
clavage,qui s'opposa au pouvoirexorbilant
des rois et de la féodalité; ce fut le pape,
ce fut le clergé qui prirent noblement la
défense de l'élément populaire, qui le sou
tenant dans sa faiblesse l'amenèrent ce
point de grandeur où nous le voyons de
nos jours, et où il serait parvenu plutôt,
si la prétendue réforme n'était venu briser
l'élan qu'imprimèrent l'Europe les der
niers siècles du moyen âge, et renforcer
momentanément l'autorité royale.
Aujourd'hui donc que la soif de la li
berté est plus intense que jamais, il s'est
rencontré des hommes qui exploitant l'en
gouement du jour se sont posés en chefs-
de-file de l'opinion, non pas pour réaliser
ses espérances, mais alin delayer leurs
propres desseins tout en communiquant
leur parti une direction outrée et per-
ntetetise. Lâches adulateur^ïfu nombre et
de la puissance, ils n'ont pour but que de
se rendre la multitude favorable, afin de
faire par son moyen leurs propres affaires.
Au nom de la liberté, ils pratiquent le des
potisme et l'abus de la force, partout où
ils sont les mailres;au nom des droits du
peuple, ils mènent infailliblement l'a
narchie qui en est la négation.
Tel est le libéralisme; telle est sa raison
d'être; telles sont ses tendances. Veut-on
savoir les éléments qui le composent?
D'abord des ambitieux sans principes: ce
sont les meneurs; 2® des songe-creux, hon
nêtes gens parfois: en Belgique, patrie du
bon sens, celle espèce esi plus rare qu'en
d'aulres contrées; 5® les ennemis quand
même de la Religion, vollairiens et jaco
bins; 4® tous ceux dont une fortune mal
acquise tourmente la conscience; 5® les
forçais libérés (qu'on leur ait fait grâce
de la marque ou non): cette intéressante
catégorie parait être (personne ne l'ignore)
de l'étoffe dont on fait les journalistes li
béraux; 6® les poltrons sans intelligence,
toujours disposés se mettre du côté du
plus fort ou du plus violent; 7® quelques
braves gens, tels que nous en connaissons
tous, qu'effraie, sans qu'ils sachent trop
pourquoi, l'épouvantail du clérical, ou qui
croient, en se jetiant du côté des libéra-
listes, faire niche M. le curé ou M. le
vicaire, dont le prône du dimanche der
nier a contrarié leurs habitudes, leur in
dolence, leur légèreté; enfin 8® les libres
penseurs de bas étage et les petits génies
grandes prétentions, gens toujours dis
posés se laisser prendre l'amorce d'une
phraséologie retentissante et prétentieuse.
Voilà donc les catégories principales qui
constituent le parti soi-disant libéral et le
pays intelligent.
SOUSCRIPION
moaorsr-
Audience du i o11 et i a juin.
Le nommé Martial Brasseur, fils de François,
âgé de 35 ans, né h Solre-sur-Sambre préposé des
i\:>v li
VÉRITÉ ET JUSTICE.
Ou s'abouue a Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX ne L'AIR 1KGHCIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Du n» s5.
le Propagateur parait le l.tllK»l «I le MERCREDI
de chaque semaine (insertions II centimes la ligne).
Suite.
Aussi Marcel, loin de s'égare» comme la plupart des hommes
de son âge, dans ce dédalé ouverte aux imaginations ardentes,
puisa aux sources mêmes du désordre des conviolions iné
branlables, et il s'attacha plus fortement aux institutions que
renversaient d'aveugles colères.
Ce fut par miracle que le marquis de Pavy échappa aux
émeutes, aux égorgeurs, aux proscriptions, l'échafaud.
Grâce 4 l'activité infatigable de Marcelle noble vieillard
évita toutes les embûches, tous les périls, et le aa janvier 1793,
il quitta Paris, furtivement, pour venir achever ses jours au
pays qui l'avait vu naître.
Marcel avait entretenu avec la comtesse de Pavy une cor
respondance active; il avait mis en jeu, pour cela toute pru
dence, et il avait pu, en entretenant Étiennette de son amour,
de ses sermeus, de ses espérances, faire filtrer dans le cœur
de la jeune fille tous les purs sentimens dont il était animé.
Son style était si élevé, ses pensées si justes et loyales, qu'Étien-
nelte, fière de son fiancé, était devenu, peu peu, une femme
supérieure 4 toutes les femmes de sa classe. Sou âme, en re-
llétrant les vertus dont Marcel était doué, s'était éclairée d'un
céleste rayon, et la belle jeune fille, s'éludiaut 4 plaire son
futur époux, avait, comme lui, pris en haiue les bandits et
les apostats qui souillaient la France de crimes et de sacrilèges.
Cependant, le Dauphiué avait été, pendant l'absence du
marquis de Pavy, le théâtre de graves désordres; l'armée ré
volutiouuaire y avait, comme partout, semé des ravages, et
l'exaltation, ou la peur, ou le lucre avait poussé de pernicieux
excès des hommes qui Dieu semblait avoir tout donné, car
ils étaient maîtres de la plus belle et de la plus riche contrée
de la France.
Les clubs fonctionnaient Grenoble et dans les plus minces
bourgades du département de l'Isère, et les apôtres du jaco
binisme s'étudiaient y rivaliser d'éloquence avec les verbeux
orateurs des carrefours parisiens.
Le bon homme Guiraud, mettent en œuvre toute la finesse
du paysan, avait, tout d'abord, médité sur la gravité des
évéuemeus qui préoccupaient le pays. 11 s'était dit que le jour
était venu de prendre parti pour ou contre la révolution; il
s'était avoué que sa position était fausse vis-à-vis des démo
crates; quefermier de père eu fils de châtelains de Pavyil
subirait le sort de son seigneur s'il ne se déclarait sur-le-champ
son enuemi, et il avait résolu de se lancer, tête baissée, dans
les premiers orages politiques, pour être des premiers récolter
les fruits impurs dont ces orages joncheraient le sol de la patrie.
Le père Guiraud avait bien été un peu gêné par sa femme,
qui s'obsliuait rester fidèle ses châtelains mais, décidé
poursuivre sou but, notre rusé républicain ne consulta bientôt
plus la fermière, et il ue fut le premier de sou village orner
son chapean d'une cocarde colossale, puis jeter son chapeau
pour se collier du bonnet rouge. Aussi Guiraud passa-t-il,
dans sa commune, poujr un Brutus; ou eu fil un président de
club, puis un maire, puis uu délégué; ou en eut fait un con
ventionnel s'il n'eut préférer le bonheur de s'enrichir en
achetant des biens d'émigrés la gloire de lancer des décrets
stériles pour sa bourse.
POUR LES PAUVRES D'IRE AN DE.
Une personne charitable de Poperinghe, fr. 10-00.
M. DeRyckere, vicaire de St-Pierre h Ypres,
est nommé curé de Stalhille.
cour d'assises de la Flandre occidentale.
Étiennette souffrait cruellement de la popularité de S"n
père, mais elle profilait arec adresse de son ascendant sur le
redoutable sans-culotte, pour protéger le château de Pavy
souvent menaoé par les démolisseurs. La comtesse avait sup
porté avec courage et résignation toutes les épreuves de oes
jours mauvais; elle avait bu le calice amer de l'insulte et de
l'iugratitude, et elle était restée dans sou domaine, pendant
que sou mari avait émigré, pendant que ses plus anciens
serviteurs tournaient contre elle, après l'avoir abandonnée,
leur fureur et leur desseins pervers.
Mme de Pavy ne quittait jamais le château et elle y vivait
par les soins d'Etieunette et de sa mère qui venaient la visiter
tous les jours et lui portaient d'abondantes provisions. Tous
les autres fermiers du marquis avaient rompu leurs baux, et
exploitaient, pour leur propre compte, les terres qui leur
avaieut été coufiées; la misère la plus complète aurait succédé
4 l'opulence dans ce maguiGque château, si la femme et la
fille de Guiraud n'eussent pourvu 4 l'existence de leur an
cienne protectrice.
Étiennette ranimait souvent le courage abattu de la com
tesse; elle lui confiait que tant que son père serait le mailr»
au village, le château serait respecté; car le maire illettré de
Saint-Pierre ne pouvait se passer d'un adjointet c'était elle,
Étiennette qui lisait, écrivait, calculait pour l'ignorant fonc
tionnaire devenu, par encliantemeut, aux yeux de tous, aussi
savant qu'un pédagogue.
Le père Guiraud avait donc liesoin de sa fille,et sa fille se
prêtait aux caprices de sa vanité, de son ambition, pour servir
les plus touebans projets, pour être utile 4 sa bieufaitiice.