9 JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3524. 34me année. A diverses reprises et dernièrement en core nous avons établi que le libéralisme est une importation française, et que toutes ses sympathies sont acquises nos voisins du midi. Les idées que nous trouvons émises dans une publication recente d'un jeune professeur du collège communal de cette ville, confirment notre manière de voir. Disons d'abord que nous ne connaissons de l'ouvrage de M. le professeur Vercamer que l'extrait qu'en donne le Progrès; ex trait sur lequel repose notre critique. Déjà le Moniteur de C Enseignementfeuille ré digée par des confrères du jeune écrivain, en rendant compte de son ouvrage avait émis l'opinion suivante: Ii est regrettable que M. Vercamer ait si facilement passé condamnation, lui, flamand, sur l'avenir de la langue flamande. Au point de vue des études de latin et de grec, ainsi qu'au point de vue de l'enseignement des langues ger maniques, il y a plus d'un argument faire valoir en faveu r de l'extension de l'enseigne ment de la langue flamande. L'unité, sans doute, est une bonne chose, maisc'estquand elle a ses racines dans la réalité pratique, quand elle ne supprime rien de ce qui a droit au respect. Le Progrès repousse cette opinion défa vorable de la feuille scientifique et prétend la réfuter en reproduisant en entier le pas sage qu'elle concerne. Nous doutons fort qu'il en soit ainsi; tout au contraire, la critique du Moniteur de C Enseignement nous semble pleinementconfirmée par le moyen de défense même dont fait usage notre con frère Yprois. Nous dirons davantage. Dans ce seul ex trait du livre de M. Vercamer nous décou vrons en outre une grande confusion dans les idées, et peu d'élévation dans les vues. Et ce qui est tout autrement regrettable les tendances qu'il revèle ne sont rien moins que nationales. Le jugement que nous por tons, est sévère; pour démontrer qu'il est juste, nous publions en entier, d'après le Progrès, le passage incriminé en accom pagnant le texte de quelques courtes ob servations. Voici d'abord une question qui peut paraître étrange la langue flamande est- elle réellement la langue maternelle de la jeunesse flamande? s'agit-il de ce jar- gon qui accompagne l'enfant des bras de la nourrice jusqu'aux bancs du collège, jargon presque aussi étranger au fla- inand littéraire que le wallon l'est au français, la réponse doit être affirmative. S'agit-il, au contraire, du flamand litté- raire lui-même, compréhensible tous, un et uniforme, je réponds par un non catégorique. Ces paroles sont d'une confusion inex tricable. L'auteur refuse implicitement la qualité de langue maternelle au flamand, parce qu'on ne le parle pas selon les règles de l'orthographe. Ainsi, d'après une con séquence de sa manière de voir, on doit parler fort peu le français en France; puisque chacune de ses provinces a son dialecte part; dialectedonttout le monde fait usage, surtout dans le midi, sauf quel ques riches propriétaires peu en rapport avec le gros de la population. Mais suivons notre auteur dans les développements de sa pensée. Voilà ce qui se nomme se mettre côté de la question mais ce n'est pas la résoudre. 11 s'agissait eneffetdedécider si la langue flamande est réellement la langue maier- ternelle de la jeunesse flamande, et M. Ver camer nous répond: je doute fort qu'on puisse la dire la langue maternelle des classes intelligentes. Cette prétention de n'envisager comme langue maternelle que la langue usuelle des salons et des collèges, nous semble assez excusable chez un pé dagogue, mais fort aristocratique pour un libéral. Ainsi qu'on peut le voir notre jeune au teur attache line importance grande la littérature dont il laisse assez entendre qu'une langue doit être dotée pour mériter le nom de maternelle. Dans la supposition que le flamand soit privé de cet avantage; ce qui n'est pas, même sans tenir compte des écrivains hollandais; nous demande rons M. Vercamer, si les peuples du moyen âge n'avaient pas de langue mater nelle, avant que leur littérature eut vu le jour; alors que les savants ne se servaient que de latin. Est-ce le Dante qui inventa l'italien; est-ce Shakspeare qui dota de l'anglais le peuple puissant d'Elisabeth? Poursuivons te Est-ce un bien est-ce un mal, se deman de le professeur du collège communal, si notre langue propre se perd, et cependant il convient que la fortune d'une langue se rattache la puissance des sentiments et des idées qui la prennent pour organeil convient qu'une langue ne se maintient qu'alors que le peuple qui la parle féconde des idées et déve loppe des principes autrement que ne te font les autres membres de la famille humaine; et que signifie cependant cette double pro position, sinon qu'une langue ne saurait exister, moins que le peuple qui s'en sert jouisse d'une nationalité dinstincte; puis- qu'en cette nationalité se résument ces idées et ces principes dont il est question; que par conséquent la perte de sa langue est pour une nation un indice certain de la perte de sa nationalité. Et M. le profes seur se demande stoïquement, si c'est un mal pour nous que de perdre notre langue propre, bien qu'il n'ignore pas, s'il a com pris toutefois le vrai sens des idées qu'il emprunte un publiciste, bien qu'il n'i gnore pas que le sort de notre nationalité distincte est connexe la fortune de notre langue propre. Bien plus, loin d'y trouver matière regret,ilreconnait fort lestement que dans l'état des choses une laugue spéciale n'est plus qu'une gênante inuti lité. Pour lui (le sans-façon avec lequel il en parle, le démontre assez) il ne sait pas si c'est un bien, si c'est un mal que de laisser crouler ce fragile mais précieux boulevard de notre nationalité. L'école li bérale est ainsi faite; elle porte l'empreinte ineffaçable de son origine étrangère; tous ses vœux, toutes ses théories tendant nous assimiler la France, et battre en brèche les traditions catholiques qui avec l'amour de la liberté forment les traits dis- tinclifs du caractère Belge, il est aisé dès lors de comprendre comment on ne craint pas de méconnaitre que ce peuple féconde des idées et développe des principes au trement que ne le fait la France. Aussi, n'est-ce pas seulement au point de vue politique que nous trouvons singu lièrement attaquables les doctrines de M. Vercamer; mais c'est encore au point de vue littéraire. 11 peut se faire qu'on impose une législature, voire même des institu tions politiques contraires au génie, aux sentiments d'une nation; mais rêves creux, où théories eu l'air ne pourront rien pour lui imposer également une littérature qui n'est pas de son choix. Une langue part est non seulement l'indice d'un génie pro pre, mais encore elle se forme, se moule pour ainsi dire sur ce génie et par une TÉBITÉ ET JUSTICE. On s'abonue Ypres, rue de Lille, io, près la Grande Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'AROllEHEMT, par trimestre, Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5. £e Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine (insertions II centimes la ligne). TPP.ES, 9 Juillet. DE LA LANGUE FLAMANDE ET DE SON AVENIR. Aussi longtemps que la langue flamande, vaincue dans le combat des ide'es, n'aura pas une existence littéraire dans notre pays, et ne sera parvenue h maîtriser l'indifférence publia que, je doute fort qu'on puisse la dire la langue maternelle des classes intelligentes. La, le fla- marid, traité en idiome dont on a l'air de rougir, ne semble guère destiné interpréter que les choses les plus usuelles de la vie. A la maison paternelle, l'enfant écoute-t il un entretien grave et sérieux, assiste—t—il une solennité publique, suit-il, malgré son jeune âge, les discussions politiques et les controverses h l'ordre du jour, l'idiome préféré qui frappe ses oreilles, n'est-ce pas le français A-- Et puis, cette habitude dans les familles aisées, ou cette manie, si vous voulez, de ne parler que le français aux eufants, ne s'étend-elle pas tous les jours? Est-ce un bien, est-ce un mal que cette préférence? Si c'est un mal, faut-il l'im- puter aux hommes, ou convenir, avec les éiui- cents écrivains d'une publication qui n'aurait jamais dû cesser, que la fortune d'une langue se rattache, par un lien indissoluble, la puissance des sentiments et des idées qui la prennent pour organe. D'ailleurs, une lan- gue ne se distingue d'une autre et ne main- tient sa place coté d'une autreque parce que le peuple qui la parle féconde des idées et développe des principes autrement que ne le font les autres membres de la famille hu~ maine. Hors de là, une langue spéciale n'est plus qu'une gênante inutilité.

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Le Propagateur (1818-1871) | 1851 | | pagina 1