9 JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3526. 34me année. 7??.ES, 16 Juillet. Dans notre avant-dernier n#, nous avons démontré, propos d'une publication ré cente, que le flamand est bien noire langue maternelle et que l'emploi de celle-ci est pour un peuple une condition sine quâ non ae sa fortune littéraire et un indice de sa valeur politique. Le Progrès ne contredit pas nos assertions; il se contente de don ner un extrait d'une Revue de la Flandre, tendant démontrer que nos auteurs mo dernes, qui s'efforcèrent de réhabiliter la langue flamande, ont manqué de tactique; rien que cela. La Revue articule ce sujet un double grief contre nos écrivains fla mands. On ne pouvait songer, dit-elle, (c'est son premier grief) s'appuyer sur un public qui avait des habitudes littéraires profondément enracinées, et qui se serait difficilement résigné quitter une langue préférée, en attendant qu'on arrivât trouver dans les œuvres flamandes de suffisants aliments intellectuels. Il eut fallu, dès l'abord, aller cette foule qui balbutie peine quelques mots français et qu'il eut été grand et noble d'élever au niveau de la civilisation mo- dernc. Mais nous répondrons ce premier re proche, d'abor d qu'il nous semble bien peu mérité, qu'un nombre assez considérable de productions littéraires a déjà vu le jour, et notamment la plupart des romans de notre Conscience, où tout est populaire, personnages, mœurs, idées; que quant UNE DÉESSE. la poésie, il lui faut, sous peine d'annihi lation une sphère plus vaste, plus élevée la religion, l'enthousiasme de la gloire et de la liberté, les souvenirs de la patrie; telles sont les vraies sources d'inspiration qui fout vibrer noblement une lyre. Que dirons-nous de l'éloquence? La tribune lui est fermé; le barreau (alors qu'on s'y sert de la langue flamande), ne vise pas tou jours être éloquent; il ne reste que la chaire, que nous appellerons bon droit l'école de langue maternelle, puisque c'est ses pieds que les citoyens de tout rang, le pauvre aussi bien que le riche, viennent appreudre un flamand, sinon irréprocha ble toujours, du moins bien plus correct que la langue usuelle, le jargon local; sous ce rapport, et abstraction laite de sa mis sion religieuse, un prédicateur peut rendre d'émineuts services la cause nationale. C'est encore lui élever l'intelligence inculte du pauvre, de l'artisan au dessus des jouissances matérielles, où le portent naturellement les occupations toutes phy siques, auxquelles il se trouve adonné. Au surplus une observation qui s'applique la littérature en général, c'est que les ins pirations religieuses réunissent un haut degré le mérite de plaire aux intelligences les plus hautes et les plus humbles, et qu'elles possèdent le secret d'élever une âme au-dessus d'elle-même, toufen se fai sant comprendre des esprits les moins cul tivés. Nous ajouterons en réponse au grief articulé ci-dessus par nos contradicteurs, qu'une littérature appropriée au goût, aux besoins de la classe illettrée aurait une rude partie soutenir contre une littéra ture rivale destinée satisfaire les intelli gences cultivées et la classe savante. Du point de vue où nos adversaires se sont placés, il serait dévolu la littérature fla- mande l'humble mission de rendre la plèhe même capable d'apprécier la littérature française et de faire prévaloir celle-ci d'au tant plus qu'elle-même se serait ravalé da vantage dans le but de devenir populaire. Dès lors, il est facile de concevoir que la prétendue tactique, destinée faire triom pher le flamand de l'indifférence où il végète, serait un moyen infaillible de le convertir en langue morte, et d'étendre en core davantage parmi nous les idées et l'esprit français. Ceci nous amène au se cond grief que formulent nos contradic teurs contre les écrivains flamands, celui de n'avoir d'enthousiasme que pour le passé, uniquement parce que l'influence française n'y règne pas sans rivale. Nous ne nous étendrons pas longuement sur ce reproche, déjà nous en avons dit quelque chose, propos de la lettre de M. Vereamerquiregrettailquenosauteursii'a- bandonnassent pas l'ornière des vieilles idées. Nous dirons seulement qu'il est tout naturel, pour qui cherche renforcer l'élément flamand de reporter ses regrets vers les temps où cet élément prédominait qu'il est éminemment logique de rappeler ses grandeurs passées, ses traditions d'au trefois uu peuple redevenu indépendant, mais qu'une domination étrangère de plu sieurs siècles n'a pu manquer d'abâtardir uu peu. Nous ferons remarquer que c'est une opinion fort respectable, que celle qui cherche dans le passé les sources les plus pures du véritable progrès; puisque cha que peuple y trouve outre de sages leçons, la connaissance secrète de lui-même, de son génie propre, de sa force et de sa fai blesse, parconséquent de son avenir; puis que dans notre passé nous trouvons (comme nous avons dit dernièrement) la religion, la liberté, des exemples inombrables de patriotisme et de gloire nationale. Les dé- VÉRITÉ ET JUSTICE. Ou s'abouue Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIT IIK C'AUDX.VEMMTpar trimestre, Yprès fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n* 25. I.e Propagateur parait le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. (Insertions II centimes la ligne). [Suite.) Voilà longtemps que je t'ai prédit une vilaine fin s'écria la bonne fermière en regardant son mari avec dédainaujour d'hui je suis m'étonner que m» prédiction ne se soit pas encore accomplie. Tu n'as jamais été qu'un mauvais serviteur de tes maitres, un ingrat, un intrigant, un clubiste, uu tri- poteur d'ordures, tu as fait blanchir mes cheveux par la honte dont tu m'as coiffée... et tu viens, sans coeur, menacer cette pauvre enfant, tenter de l'avilir... mais tu perds ton temps, méchant homme... c'est moi qni l'ai élevée, ta fille; c'est moi qui l'ai nourrie de mon laitc'est moi qui ai souffert pour la mettre au monde, et mes peines et mes souffrances, et mes soins, je ne te les sacrifierai pas) Étiennette est chrétienne, eutends-tu bonne chrétienne, c'est le seul bonheur que tu puisses avoir en ce monde, oar elle prtera Dieu pour qu'il te pardonne, si c'est possible. Je la garderai, ta fille, je la dé fendrai, on me marchera sur le corps avant que de me l'ar racher; je brûlerai cette maison, je brûlerai ton temple de la Raison, je brûlerai ta commune maudite avant que ce sacrilège s'accomplisse, et s'il te faut le sang de ta famille, je grimperai sur l'ignoble charrette qui ne tardera pas te conduire toi- méoie au supplice des misérables de ton espèce. Femme répondit froidement Guiraud, tu n'as pas la parole Va-t-en au club, rénégat; laisse-nous La mère indignée, épouvantée ne se contenait plus, elle entraînait sa fille qui la suppliait, les mains jointes, de se calmer, dans une autre chambre de la ferme, et elle laissa son mari en proie une sourde colère. Après quatre heures d'at tente impassible, Guiraud frappa violemment la porte de la salle où sa femme et sa fille s'étaient renfermées. Étiennette oria-t-il, je pars, es-tu décidée Va-t-en, répondit la fermière, va-t-eu et ne reviens plus. Guiraud enfonça sou bonnet sur ses yeux, sortit et prit le chemin du village. Il fera certainement quelque mauvais coupmurmura Étiennette. C'est certain, répondit madame Guiraud avec une vail lante résignation maisje le connais, il est plus poltron qu'en treprenant il reviendra la charge espérant nous convaincre depuis qu'il s'est exercé bredouiller au club, il se croit de la force d'un avocat. Nous avons la nuit pour réfléchir et faire nos paquets, demain nous décamperons. Oui, mais le château. Nous emmènerons Marcel, la comtesse et le kon marquis, la frontière n'est pas loin j'ai des amis sur la route... va, prends courage. Mais comme tu trembles, ma chérie, tu as la fièvre... Allons, couchons nous. Faut avoir des forces pour mener bien les projets que je ballotte dans ma tète. Étiennette, agitée par de si vives émotions, était brûlante et frissonnait sa mère la mit au lit, et pour mieux la surveiller, elle se coucha près d'elle. Dans la nuit, des clameurs se firent entendre, le chien de garde poussa des hurlemens funèbres, et une lueur rouge vint frapper les vitres des fenêtres de la chambre des fermières. Etiennette et sa mère sautèrent bas de leur lit, coururent la même croisée, virent quelques paysans assemblés dans la cour, et le château de Pavy tout en flammes. Ah! le misérable, s'écria madame Guiraud, il a tenu parole.... Mon Dieu, Mou Dieu! secourez-nous. Quoique dévorée par une fièvre ardente, Étiennette s'ha billa en toute hâte, et sa mère l'imita machinaient, la tête perdue, les yeux baignés de larmes. Le citoyen Guiraud avait voulu se venger du refus de sa fille, et faire acte de civisme, en proposant aux bandits révo lutionnaires de mettre le feu au château, qui avait, depuis tant d'années, recueilli, nourri, secouru tous les indigens, tous les malheureux de la contrée. Cette proposition avait été reçue avec acclamation, et la horde sauvage s'était ruéela torche en main, sur ce monument que les siècles et la guerre avaient jusque-là respecté. Que ferons-nous, que pourrons-nous faire, mon Dieu! disait Mme Guiraud.... INous serons massacrées avant ceux que uovs voulions sauver. Mieux vaut mourir là que sur l'éohafaudrépondait Étiennette, en ajustant aveo précipitation sa toilette... Par tons... Marcel me verra... je le consolerai... mou dévoûment réjouira son dernier soupir... Si son heure est venue, la mienue doit sonner aussi... Partons. Et les deux saintes femmes, sans s'arrêter, aux représen tations des paysans, leurs valets, se jêtèrent dans le senlier qui abrégeait le plus la distance de la ferme au chaleau. IT. Surprise dans son sommeil par les premiers pétillemens du feu, la comtesse s'était rendue en toute hâte et peine vêtue,

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Le Propagateur (1818-1871) | 1851 | | pagina 1