JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
9
N<* 3532 et 3533.
35me année.
TPB.SJS, 9 Août.
kth MOI
IflLDYM!
Les premiers jours de la kermesSe ont
attiré bon nombre d'étrangers dans notre
ville. Grâce au beau temps, les populations
environnantes affluaient dans nos rues, et
Leurprêlaienil'animationd'unegrandecilé.
La belle procession de la Thuindag a
parcouru dimanche matin, son itinéraire
accoutumé; un chœur nombreux de jeunes
enfants accompagnait l'image de la Vierge,
pàtrone de la ville d'Ypres; les unes por
tant des emblèmes symboliques; les autres
de légers gonfanons, où les hauts faits de
nos pères se trouvaient retracés. La troupe-
de ligne et le corps des sapeurs pompiers
formaient la haie; un détachement d'artil
leurs de la garde civique marchait coté
du dais sous lequel était porté le S' Sacre
ment, tandis qu'un nombreux peloton du
bataillon de la même garde suivait rangé
en bataille. C'était de la part de nos soldats
citoyens un acte parfaitement libre de dé
vouement et de bonne volonté.
Le grand tir la perche offert par la
société de S' Sébastien aux amateurs du
tir l'arc main s'est ouvert dimanche
3 heures de relevée et a été repris le len
demain. Un archer d'Estères a abattu l'oi
seau supérieur.
Leconcertqui a clos la première journée
de la kermesse a repondu pleinement
l'attente de l'auditoire nombreux et choisi
qui remplissait la salle de spectacle. Les
amateurs de musique, les dilellanti yprois
n'ont jamais compté en vain sur les talents
de MM. deSmils et de Wulf; car celaient
ces deux artistes distingués qui offraient
le concert au public. M. de Smits est connu
depuis longtemps, dès lors il serait fasti
dieux de nous étendre sur sa valeur artis
tique, de dire avec quel art prodigieux il
sait tirer de son instrument les plus ma
giques accords. Et'quel éloge adresserons-
nous M. de Wulf qu'il n'ait déjà obtenu
de l'admiration publique? C'est qu'en effet
ce pianiste distingué est parvenu com
muniquer le sentiment et la vie l'instru
ment qui s'y prêle peut-être le moins.
Hâtons nous d'ajouter que M. Fischer di
recteur du chant d'ensemble la grande
harmonie de Bruxelles, a bien voulu prêter
son concours nos deux compatriotes.
Violoncelliste et chanteur également re
marquable M. Fischer était digne de figu
rer leur coté.
Il nous reste dire un mot du caroussel
qui a eu lieu, lundi la Plaine d'amour.
Près de cent concurrents étaient entrés en
lice. Le 1" prix a été remporté par M. Van-
canneyt, de cette ville; le 2me, 5"" et 5me par
des sous-officiers de l'école d'équitation; le
4me par M. Dupret. Des milliers de spec
tateurs ont suivi avec intérêt ces luttes
équestres. La baraque construite cet effet,
(avec assez d'incurie, il faut le dire) était
comble et renfermait tout le beau monde
de la cité. Vis-à-vis, le talus élevé des rem
parts offrait aux curieux un amphithéâtre
d'où ils pouvaient jouir du même spectacle.
Vu distance et sous les feux éclatants d'un
soleil d'août, les costumes si variés de la
foule se détachant sur la verdure des hau
teurs, formait comme un beau parterre
de fleurs sur le penchant d'une colline.
Plus de deux cents tireurs prenaient part
au brillant concours de la Société de S1 Sé
bastien. Ceux de Liège n'ont pu obtenir le
prix d'éloignemeul, parce qu'ils n'étaient
pas en nombre suffisant. Le ur a duré deux
jours. Le grand prix a été remporté par
une Société française. Une foule compacte
de spectateurs a constamment suivi avec
intérêt cette noble joute, le principal des
divertissements de la fête communale.
On voit que les tirs l'arc l'emportent
toujours sur tout autre exercice de ker
messe dans l'esprit des populations belges:
c'est qu'on y retrouve des traditions des
époques les plus remarquables de noire
histoire, des souvenirs du moyen âge, des
Croisades, de cfes temps de splendeur où
nos Gers aïeux, les magistrats de Gand,
de Bruges et d'Ypres, pliaient leurs man
teaux de brocard resplendissants d'or et
de broderies en guise de coussins, et les
laissant sur leur sièges après avoir dîné
la table du Hoi de France, disaient aux
courtisans qui croyaient les avertir d'uu
oubli Nous de Flandre, nous n'avons
a pasl'babiludeoùnousdînons.d'emporler
les coussins de nos fauteuils.
Déjà alors nos ancêtres avaient pu élever
le magnifique bâtiment des Halles, et l'é
glise de S1 Martin fut pour la postérité un
autre monument de leur génie. Brûlant
leurs faubourgs pour mieux se défendre,
l'enceinte de leurs remparts de terre, de
h'ayes et de palissades, ajoutant celles de
leurs corps robustes, ils surent, avec l'as
sistance du ciel, résistera deux armée6,
braver l'étranger, opposer le courage de
la tidélilé la fureur de la révolte, et don
ner ainsi au monde un merveilleuxexemple
d'abnégation, ne faisant aucune attention
leurs perles mais applaudissant au miracle,
et la liberté conservée au milieu de leurs
ruines fumantes.
Tels étaient les hommes contemporains
du Thuindag, les fils des croisés, de qui
nos confréries d'archers tiennent leur ori
gine et leur gloire portant sur leurs écus-
sons qui la double croix, qui le lion in
dompté.
La Société d'Ingelmunster se distingue
entre les autres par une particularité qui
a été surtout remarquée. Six nègres traî
nent ses canons. D'après les légendes po
pulaires, lors de la croisade commandée
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Y près, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABMTEIIEIIT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Le Propagateur paraît le StXEDI et le MERCREDI
de ohaque semaine (insertions 19 centimes la ligne).
MV8 LA MOmARCHIR.
{Suite.)
Les officiers déclarèrent unanimement qu'ils s'en rapportaient
leur chef, et ils le prièrent de vouloir bien dire tout de suite
son sentiment sur la ligne qu'il fallait suivre.
Eh bien messieurs, puisque vous avez la bonté de vous
en rapporter moi, je crois que deux d'entre vous, comme, par
exemple, le plus ancien capitaine et le plus jeuue sous-lieute
nant, doivent se rendre a Briançon pour dire avec tous les
ménagemens possibles, nos amis du régiment d'Auvergne,
que les officiers, tort ou raison, accusés de la mort du ca
pitaine O'Brien, ne peuvent plus rester dans leurs rangs sans
faire peser sur le corps tout entier le soupçou qui les a atteints
et flétris. On ajoutera cet avertissement amical toutes les
bonues paroles qui pourront faire croire au régiment d'Au
vergne, que Piémont est eneore prêt tirer l'épée pour prendre
sa défense.
Comme il eût été difficile d'imaginer une combinaison plus
èonciliaute que celle-là, elle ne trouva pas de contradicteurs,
et le soir même, un capitaine et un sous-lieutenant se mirent
en route pour Briançon, ou ils arrivèrent le lendemain matin.
Les premiers officiers d'Auvergne auxquels ils s'ouvrirent
de l'objet de leur mission, ue leurdissimulèreut pas leur dou
loureux étouuement et la profonde conviction où ils étaient
que leurs camarades, loiu dabandonner deux des leurs, de
l'innocence desquels ils étaient tous convaincus, proolameraieut
hautement leur solidarité avto euxet qu'ainsi, il ne pouvait
résulter de la teutalive de Piémont, qu'une rupture défiuiiive
avec Auvergne, qui Ion imposait des conditions qu'il était
permis de considérer comme un abandon de sa cause.
L'événemeut justifia cette manière d'envisager la démarche
de Piémont. Messieurs les officiers d'Auvergnedéjà profon
dément irrités de la légèreté de leurs juges et de la faiblesse
du gouvernement qui semblait ieur donner tort, le prirent
sur un tou très haut, déclaèrent que, dût le régiment de Pié
mont rompre pour toujoirs avec eux, ils ne consentiraient
jamais une lâcheté aussigraude que celle qu'on leur propo
sait, et qu'il fallait les ciusidérer comme tous innoceiis ou
comme tous criminels, .'aissant ainsi Dieu et au temps le
soin de les justifier.
Tout rapprochement devenait désormais impossible, et de
part et d'autre on accepta cette nouvelle situation
Deux ans après, la rampagne s'ouvrit eu Flandres, et les
régi mens d'Auvergne et de Piémout fournirent chacun deux
bataillous de guet te l'armée du maréchal de Saxe. Comme
ou savait ce qui s'étai passé entre eux on ne les mit pas de
brigade ensemble, et en pou.;sa même la préoautioa jusqu'à les
faire voyager par desroults ditféreutes. Chemin faisant, Au-
vergne eut la douleur de découvrir qu'il était toujours sous le
coup de l'accusation injurieuse qui l'avait poursuivi de Lille
Grenoble, et quand il arriva devant Tournai, rendez-vous
général de l'armée on lui annonça que pour des motifs qu'il
élait inutile de lui expliquer, il opérerait isolément pendant
toute la oampagne sous les ordres du duc d'Agéuois, nommé
depuis peu mestre-de-camp.
Quelques jours plus tard le maréchal de Saxe marchait la
rencontre des coalisés, que commandait le duc de Cumberland.
Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Fontcnoi,
le 10 mars au soir, et de part et d'autre on se prépara la
bataille pour le lendemain.
Le régiment de Piémont avait été placé par le maréchal dans
une redoute que ce grand homme de guerre regardait bon
droit comme la clef de sa position. Tout faisait présumer que
les efforts de l'ennemi se porteraient de côté, et que là serait
le poste d'honneur pour cette journée.
Auvergne, au contraire, fut rélégué derrière le bois de Barrjr
qui devait lui masquer le théâtre de l'action ainsi on enlevait
ce pauvre régiment jusqu'au rôle modeste de spectateur, et"
ce fut en frémissant d'indignation qu'il se résigna obéir.
Nous n'entrerons pas dans les détails de ce mémorable com
bat qui restera toujours comme un des plus beaux faits
d'armes de la valeur française Comme Mareiigo et Esliug
il y eut un moment où l'on put croire que la bataille était
perdue; déjà même les coalisés criaient victoire, quand uue