personnages de celle catégorie, furent por
tés au pouvoir sur les ailes de l'opinion;
mais ces temps ne sont plus, et la Belgique
a passé la réalité. Elle a vu que ceux
qui vantèrent les économies sont ceux-là
même qui votent les lois d'impôt sur les
successions paternelles, le tabac, la bière,
le genièvre. Elle a vu que ceux qui se di
saient les plus dévoués au sort des masses,
ne se dévouent qu'au sort ministériel des
Rogier et des Frère; aussi leur auréole
est-elle brisée et leur étoile ternie.
La bourgeoisie, les masses toujours si
confiantes et crédules se désabusent la
vue des extravagances et des exentricités
ruineuses du parti soi-disant libéraliste.
L'expérience désille les yeux aux électeurs,
et l'avenir prouvera, nous en avons l'es
poir, qu'il ne suffira plus de promesses
brillantes pour faire sortir un candidat
de l'urne, et qu'il faudra dorénavant au
corps électoral autre chose que l'exhibi
tion d'un brevet clubiste, pour avoir droit
aux suffrages et aux sympathies publiques.
Mercredi dernier, a eu lieu aux halles
la distribution des prix aux élèves du col
lège S' Vincent de Paul. La présence de
l'auguste prélat en qui notre cité se plait
reconnaître un de ses plus nobles enfants,
et la profonde sympathie que nos popula
tions ont vouée au collège épiscopal avaient
attiré dans la vaste enceinte une foule com
pacte de spectateurs. Il faut bien le recon
naître, c'est en vain qu'on étalera avec
complaisance les sacrifices, les charges
pécuniaires empruntés aux deniers du
contribuable, de par l'autorité communale,
l'effet de soutenir une institution rivale;
voici tantôt onze ans, que sous l'égide de
l'opinion publique, le collège S1 Vincent de
Paul s'assied sur des bases de plus en plus
solides, soutenu par les subventions libres
et spontanées de la population yproise qui
reconnaît en lui son ouvrage protestation
permanente en faveur de l'enseignement
libre et catholique. Mais venons-en la
fête de mercredi.
Outre Mgr l'évêque de Bruges, qui prési
dait, nous avons remarqué M. le colonel
Jacquemyns, commandant de la place;
M. le chanoine Bruneel, M. le doyen Wel-
vaert, etc., etc.
Divers morceaux de déclamation ont
ouvert la solennité! Contentons-nous, pour
être bref, de nous associer aux applaudis
sements chaleureux qui les ont accueillis.
Toutefois nous croyons être d'accord avec
l'auditoire en signalant en particulier par
mi ces jeunes déclamateurs, M. Alfred
Vandenbogaerde. C'est qu'en effet il ne
serait guère possible de mettre dans son
geste, dans le ton et l'expression, plus de
naturel et d'entrain.
Un drame en trois actes, le Siège cfYpres
en 1383, que les élèves ont représenté en
suite, a pareillement enlevé tous les suf
frages. Scène éminemment patriotique,
empruntée nos glorieuses annales, la
délivrance de notre antique cité par la
protection du Ciel et le courage de nos
ayeux, était faite pour remuer vivement
toutes les fibres d'un cœur yprois. Aussi
les applaudissements qui l'ont saluée, res
semblaient-elles de l'enthousiasme. Nous
n'essaierons pas de donner une froide ana
lyse de ce sujet si dramatique; auquel il
n'a manqué ni l'intérêt qui s'attache l'a
mour de la patrie, la valeur militaire,
aux souvenirs d'un passé héroïque, ni l'in
térêt des reparties, ni celui du pathétique,
de la tendresse paternelle et filiale, ni l'in
térêt enfin qui se puise dans le jeu des
acteurs et dans la parfaite entente des rô
les. Ajoutons que les costumes du moyen-
âge que portaient les acteurs, faisaient au
théâtre un effet fort pittoresque. On aimait
dans ces scènes attachantes ces contrastes
si naturels et si bien amenés de la bravoure
du soldat et de la naïve timidité de l'en
fance, et dans l'âme virile et intrépide du
guerrier vainqueur les alarmes et les sou-
cis du père; on aimait surtout ce dévoue
ment la patrie, brûlant encore dans le
sein du vieillard et qui s'allumait déjà in
domptable dans le cœur de l'enfant. Nous
nous plaisons le constater, ce n'est pas
au collège S' Vincent au moins, qu'à ciel
ouvert, dans une solennité publique, en
présence des pères et des mères de famille,
qui plus est dans un siècle de dissolution
sociale et de scepticisme religieux, tous les
principes conservateurs sont bafouçs et
voués au ridicule. Ce n'est pas au collège
S' Vincent, c'est ailleurs, quoique dans la
même enceinte, que cela s'est vu récem
ment. Mais passons.
Pendant les entr'actes divers morceaux
de musique ont été exécutés par les élèves
sous la direction de M. Papeman. Un chant
dialogué et déclamé, les écoliers en vacance,
a particulièrement intéressé les auditeurs,
et les jeunes exécutants, MM. Charles Be-
gerem et Emile Vandermeersch, de même
que le compositeur M. Papeman se sont
montrés dignes des éloges les plus flatteurs.
Après la proclamation des lauréats, dont
nous publions plus loin les noms, Mgr l'é
vêque de Bruges a daigné s'adresser la
jeunesse studieuse dont il était venu cou
ronner les travaux. Au milieu du silence
respectueux de l'immense auditoire, on
aimait écouter cette voix onctueuse et
persuasive, descendant avec sollicitude sur
les générations naissantes, espoir sacré de
la patrie. Qu'au cœur de ces jeunes gens
les salutaires avis du pasteur germent et
s'enracinent, pour leur félicité particulière
et pour le bonheur public; que les paroles
recueillies en ce jour de sa bouche restent
jamais pour eux le souvenir le plus pré
cieux et le plus durable de la belle solen
nité dont nous donnons ici l'esquisse dé
colorée!
Voici les noms des élèves qui ont obte
nus des prix:
Julien Dehouck. Charles Vanacker.
Auguste Beague. Charles Yerleure.
siguan et quand vous serez libre de votre main
nous vous couronnerons; après quoi, dans l'église
même du Saint-Sépulcre, vous choisirez parmi les
seigneurs présents celui qui partagera le trône en
devenant votre époux...
Et si je n'obtempère pas b ces conditions?
demanda Sibylle indignée.
Nous nous retirerons dans nos fiefs, refusant
de reconnaître votre autorité, et la dissension sera
plus que jamais dans le royaume latin, répondit
le comte de Tripoli.
C'est bien... j'accepte, reprit Sibylle ré
solument, mais qui me dit que le choix que je
ferai vous plaira a tons?... il faut donc que vous
me juriez sur le tombeau du Christ de reconnaître
pour votre roi celui que j'aurai choisi...
C'est juste, princesse... nous vous ferons ce
serment dans l'église du Saint-Sépulcre, demain,
avant de vous faire reine.
Sibylle reuvoya le baron, et le lendemain la
princesse se rendit 'a l'église du Saint-Sépulcre
avec Guy de Lusignan qui, pour le bien de l'État,
avait consenti la séparation. Le patriarche de Jé
rusalem déclara nul le mariage de Sibylle avec
Guy de Lusignan, après quoi la priucesse prit la
parole
Et maintenant, messeigneurs... j'ai consenti
ce divorce... j'ai accepté vos conditions, quelque
dures qu'elles me parussent... je vais choisir parmi
vous celui que je croirai digne de partager avec
moi le trône... Mais jurez moi, sur le tombeau du
Fils de Dieu, de reconnaître pour votre roi celui
que mon choix va désigner.
Nous le jurons firent les barons, qui, en
eux-mêmes, espéraient, chacun de leur côté, être
l'heureux époux de la reine de Jérusalem.
C'est bien fit la princesse qui s'avança
vers l'autel.
Le patriarche attendait, tenant en main deux
couronnes. Quand la princesse fut agenouillée, le
patriarche lui plaça une couronne sur la tête, et
remit l'autre entre les mains, en lui disant:
Dame, vous êtes femme il convient que vous
ayez avec vous un homme qui vous aide gou
verner. Prenez cette couronne, et donnez-la a tel
homme qui puisse aider au gouvernement du
royaume.
Sibylle prit la couronne, et se levant, elle porta
les yeux autour d'elle, semblant chercher parmi
la foule des seigneurs; mais tout coup se tour
nant du côté où Guy de Lusignan se tenait isolé,
elle dit a voix haute
Sire, avancez, et recevez avec ma main cette
couronne; car je ne saurais la mieux placer.
Guy, s'élant approché, s'agenouilla, et elle lui
mit la couronne sur la tête en présence de tous les
barons, aussi indignés que désappointés.
Et maintenant, reprit Sibylle avec dignité,
qu'aucun de vous ne refuse a mon seigneur
l'obéissance; car celui-l'a serait l'instant déclaré
parjure, et c'est sur la tombe même du Christ qu'il
a fait le serment d'obéissance.
Puis elle ajouta:
Apprenez, messeigneurs, qu'il n'appartient
pas aux hommes de séparer ce que Dieu a uni
A ces mots, elle prit la main de Guy de Lusi
gnan, et sortit de l'église, laissant tous les seigneurs
confus. Cependant il n'y avait pas moyen de se
soustraire a leur serment, et, dès le lendemain,
tous reconnurent pour leur roi Guy de LusiguaD,
et lui firent hommage de leurs fiefs.
C'est ainsi que la princesse Sibylle fit monter au
trône de Jérusalem celui qu'elle croyait capable de
lui rendre de l'éclat. Hélas! quelque temps après,
Guy de Lusignan, vaincu par Saladin a la bataille
de Tibériade, abandonnait la croix du Sauveur aux
Sarrasins, et perdait la liberté; et plus tard, la
princesse Sibylle, reine de Jérusalem, quittait,
suivie de tout le peuple chrétien, la ville sainte
qui, par la faute de son époux, était tombée au
pouvoir des infidèles.