JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3538.
35me année.
7??.SS, 27 Août.
Dans ce moment critique où le pays est
condamné voir un gouvernement issu
des passions et des préjugés populaires,
user de sa souveraine puissance pour dé-
catholiser les générations naissantes, en
s'occupant avec une ardeur déplorable des
moyens d'organiser l'enseignement en de
hors de la sphère religieuse, nous croyons
ne pouvoir nous acquitter mieux de la tâ
che qui incombe la presse consciencieuse
qu'en répandant nos trop justes alarmes
au sujet des dangers qui nous menacent.
Amis de l'expérience qui avons coutume
de puiser dans le passé les secrets de l'a
venir, nous frémissons l'idée des tristes
calamités que de funestes maximes nous
ménagent, et notre crainte en ceci-est d'au
tant plus fondée qu'elle est inspirée par la
conviction, et par le spectacle des affli
geantes conséquences que le matérialisme
de l'éducation a offert chez une nation
voisine.
Il est connu de tous: La France prise de
la frénésie qui travaille actuellement notre
patrie, faussa radicalement l'éducation pu
blique. Plus de prêtres dans les collèges!
plus de cathéchisine entre les mains des
écoliers! c'étaient là les cris des libéraux
sous Louis Philippe. (i) Arrière le clérica-
LES APPARENCES.
lisme, arrière la religion avec ses moines,
ses nonnettes! c'était là le thème brodé
journellement par les feuilles du soi-disant
progrès libéralisle; et la pauvre France,
elle apprit au dépens de son honneur, au
prix du sang de ses fils les plus chéris,
qu'en ameutant le peuple contre l'autel on
l'ameute contre le trône et Contre l'auto
rité; et qu'en brisant l'influence religieuse,
on briseen même temps lesliensde la fidélité
et du devoir.
Reveillés de leur étourdissement par le
bruit d'une effroyable tempête, quelle sa
lutaire leçon les Français n'offrent-ils point
aux sectaires des doctrines qui les ont per
dus? dans ce siècle comme dans les siècles
passés les mêmes causes ont produit les
mêmes effets; l'arbre anti-religieux porte
toujours des fruits amers; et la source em
poisonnée en répandant ses eaux a semé
partout la désolation et la mort: c'est une
vérité attestée par l'Europe entière qui,
assise encore sur les cendres fumantes de
ses plus antiques trônes, s'écrie d'une voix
plaintive: Et nunc, reges, intelligite, erudi-
mini qui judicalis terram: Et maintenant
comprenez, rois, instruisez-vous, vous
qui êtes appelés gouverner la terre.
El nunc.... erudimini.... Loin donc dépas
sionner le peuple contre l'autorité tutélaire
de la religion en affichant pour les minis
tres du Seigneur un vil dédain provoquant
les insultes d'une presse licencieuse; loin
d'abandonner la jeunesse au gré de prin
cipes que ne vivifie point la morale divine,
ce contre-poids essentiel au débordement
de l'époque, les hommes d'Etat l'exemple
de M. Thiers, ne devraient ils appeler le
prêtre au secoursde la société en naufrage?
Calculant les ravages que fait dans l'âme
du jeune homme une éducation qui n'est
guère basée sur les préceptes religieux,
comment se peut-il que des ministres d'un
peuple éminemment catholique sacrifient
des sommes énormes pour parvenir cul
tiver l'esprit de la jeunesse sans former
son précieux cœur? Fallait-il même le té
moignage des révolutions actuelles pour
se convaincre et admettre que l'homme se
laisse emporter par la fougue de sa raison
délirante du moment que la religion l'a
bandonne? Fallait-il,disons-le, de si grands
désordres pour comprendre qu'il faut un
frein ces penchants vicieux qui tendent
toujours franchir les bornes de la sa
gesse, que les lois sont sans force là où les
mœurs sont enervées et que les mœurs ont
peu d'empire là où la religion avait perdu
le sien?
Non; Jean Jacques Rousseau, dans un
moment de raison l'avait dit assez haut,
que l'oubli de la religion est le commen
cement de l'oubli du devoir, et ce n'est
point d'aujourd'hui qu'il est avéré et re
connu qu'effacer les sentiments religieux
du cœur de la jeunesse, c'est déchainer
toutes les passions, tous les vices; c'est
mettre dans le corps social les principes
les plus actifs de ruine et de dissolution.
Instruisez-vous donc, vous qui êtes ap
pelés gouverner la terre! Mais n'est-ce
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Y près, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX IIE LMBOIKEIIENT, par trimestre,
Ypres fr 3. Les autres localités fr 3 5o. Un n° a5.
Lç Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine, (insertions 19 centimes la ligne).
(i) En France, le gouvernement malgré ses vues hosliles
la religion en matière d'enseignement, consentit conserver
des Aumôniers dans les collèges, pour donner ainsi un faux
dehors, aux familles. Le gouvernement de notre pays singe ses
voisins de France. MM. Rogier et Frère voudraient des prê
tres cathéchisant dans les collèges, pour donner une appa-
La charmante proprie'te' de Mm° de Saint Claude
communiquait la grande route de Melun par uoe
superbe avenue de grands arbres, et touchait h la
forêt de Sénard par les murs de clôture du parc.
Les propriétaires avaient donc a choisir pour leurs
promenades entre l'avenue et la forêt et, voyez
l'injustice, malgré sa beauté, la première était
presque toujours délaissée pour la seconde. La
fraîcheur de ses allées sombres, le calme profond
qui y régnait, troublé seulement par le gazouille
ment des oiseaux, l'aspect agreste même de ces
bois, attiraient constamment Mm° de Saint-Claude
et ses charmantes filles Julie et Louise, qui étaient
venues au monde le même jour, a quelques heures
de distance, il y avait déjà quatorze ans. C'était
plaisir de voir les deux sœurs, rieuses et folâtres,
sauter, courir au milieu de ces taillis épais, dans ces
lieux dont les échos répétaient, pour la première
fois peut-être, de joyeux éclats de rire et de gais
propos de jeune fille.
Cependaut on se lasse de tout, même des choses
les plus agréables et déjà, au bout d'un mois, Julie
reiice flatteuse aux pères et mères de famille. Les prélats de
l'avis du Souverain Poutife out refusé jusqu'ici d'envoyer les
ecclésiastiques daus les iustitulions gouv^r^mentales, parce
que de son coté le ministère s'obstine refuser les garanties
exigées par les Ëvêques. Et que serait le prêtre dans maint
collège du gouvernement? une euseigue au cabaret Écoutons
là dessus l'avis de M. Laurentie, cet ami chaleureux et fidèle
de la jeunesse Quel serait l'office, dit-il, d'un aumônier de
collège qui enseignerait soigneusement et péniblement la
religion aux enfants; tandis qu'à coté de lui des maitres in-
diûerens ou légers, je ne dis rien autre ohose, laisseraient
aller tout hasard leur esprit parmi toutes les folles erreurs
qui se rencontrent daus les études humaines.
Cet aumônier serait là pour déguiser un grand égarement
et souvent une grande corruption. Sa parole serait emportée
par les vents et il n'en resterait qu'un vague souvenir en de
jeunes âmes bientôt séduites et précipitées par d'autres leçons.
I—
et Louise, qui connaissaient les sites les plus pit
toresques, qui avaient parcouru toutes les allées,
commençaient prendre leur promenade eu dé
goût, lorsqu'une circonstance imprévue vint lui
rendre tous ses charmes.
Ce jour-là, les deux sœurs s'étaient avancées
plus loin que de coutume, et Mm° de Saint Claude,
désespérant de les suivre, rassurée du reste par la
solitude du lieu, avait pris le parti de s'asseoir,
leur recommandant de ne pas trop s'éloigner et de
venir la retrouver l'endroit où elle se reposait.
Heureuses de la permission qu'on leur dounait, les
deux jeunes filles bondirent comme des biches en
liberté, et s'avancèrent résolument, explorant les
sentiers inconnus, visitant les clairières, écartant
les taillis. Tout coup Julie laisse échapper un
cri perçant.
Ah! mon Dieu! ma sœur, regarde donc!
s'écrie-t-elle en tremblant.
Quoi donc?
Tu ne... vois... pas?
Non.
Un homme... caché là... derrière ce buissou...
un voleur, peut-être I
Et elle indiquait du doigt un épais buisson d'é-
glantine au-dessus duquel apparaissait une tête
d'homme, couverte d'uue barbe grise et en dé
sordre.
Ah mon Dieu !...au secours... au voleur
s'écria Louise son tour, non moins effrayée que sa
sœur.
Les deux jeunes filles paralysées par la crainte,
restaient immobiles et tremblantes, ne pouvant se
décider avancer ni reculer, lorsque leur mère,
que le cri perçant de Julie avait, malgré l'éloigné—
meut, arrachée sa quiétude, accourut leur
secouis.
Qu'y a-t-il? qu'avez-vous? demanda-t-
elle vivement.
Là, làmamanun hommeun vo
leur répondirent-elles toutes deux la fois, en
portaut leurs yeux vers le buisson.
Mais celui qui les avait ainsi effrayées s'était
levé; il s'avançait vers les dames, et les saluait
avec une aisance qui laissait aisément deviner un
grand usage du monde.
Enfin je puis me montrer dit-il. Vous
demandez ce qu'il y a, Madame? il y a que je me
suis trouvé derrière ce buisson assez mal propos
pour inspirer de l'effroi ces deux charmantes,
mais bien craintives jeunes personnes.)»
Pendant que le vieillard lui parlait, M"* de