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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
]\o 3560.
35me année.
7FF.SS, i2 Novembre.
Lorsque nous jetons un regard exami
nateur sur le théâtre politique et social de
l'Europe; lorsque nous lançons un coup
d'œil sur les convulsions, les tourments,
et les disputes qui agitent les peuples en
général, et particulièrement la Nation Bel
ge, un profond sentiment de douleur s'em
pare involontairement de notre âme et les
réflexions les plus sombres se présentent
notre esprit. Aussi, quel est le citoyen
aimant sa patrie, quel est l'homme sou
cieux du bien-être public qui ne s'afflige
et ne se trouble la vue des orages et des
tempêtes qui semblent s'amonceller sur
nos têtes; franchement, quel bon augure
est-il permis de tirer du présent état des
choses, quels heureux résultats est-on en
droit d'attendre de ces conflits de plus en
plus enveminés des passions et de l'intérêt
privé luttant contre la raison et l'intérêt
général des masses? Quels justes motifs de
sécurité résident enfin dans l'altitude des
peuples qui nous environnent?
Examinons; autour de nous l'hydre ré
volutionnaire rassassiée momentanément
du sang des plus vaillants, et des plus hé
roïques défenseurs de l'ordre, s'agite fu
rieuse sur maints débris de trônes mena
çant de nouveau la paix publique; ailleurs,
c'est le socialisme avec ses phalanges
monstrueuses, berçant les masses de ses
utopies funestes, et méditant la ruine de
la propriété et de la famille; partout c'est
l'esprit d'anarchie et de dissolution qui
FEUILLETON.
IFDLi HT
s'empare du peuple, et étend de jour
autre ses fatales progrès.
Sans être aussi gravement compromises
qu'en France, les destinées de notre pays,
on ne saurait le nier, n'ont rien de riant,
rien d'agréable. La fièvre révolutionnaire,
il est vrai, ne tourmente point les popu
lations belges, mais ce qui n'est pas moins
désolant que palpable, c'est que la révo
lution réside au pouvoir même, et qu'elle
trouve des séides là^où toujours elle aurait
dû rencontrer de constants adversaires;
c'est que la Belgique, moins que la main
de la Providence ne l'arrête, tombera par
voie légale dans l'épouvantable chaos de
prétendues réformes, où tant de nations
voisines sont arrivées par le chemin des
barricades. Les zélateurs du libéralisme mi
nistériel ont beau protester de la pureté de
leurs principes, et de l'excellence de leurs
systèmes; nous déclarons la main sur l'ex
périence, que la marche qu'ils impriment
la politique actuelle conduit tout droit
l'anarchie, la révolution, la ruine de
la propriété et de la famille.
Quand on exalte les passions ne faut-il
pas que les passions s'enflammenl?Quand
on échauffe les esprits de mille t»êves trom
peurs ne faut-il pas que les têtes se déran
gent? Quand on rompt toutes les digues
ne faut-il pas que les torrents se débordent
et quand on lâche la bride un coursier
fougeux ne faut'il pas qu'il s'emporte et
qu'il renverse tout ce qui s'oppose son
passage?
Qui donc a pu promettre nos impru
dents politiques qu'ils dirigeraient leur
gré les orages et les tempêtes après les
avoir déchainés? Et comment des hommes,
témoins des avanies produites; citez une
nation voisine par le mépris de l'influence
et de l'autorité religieuse s'obstinent-ils
attiser les passions et les haines des enne-
mies du christianisme. Ah! Sans doute ils
sont loin de faire preuve d'habilité et de
suffisance, ceux qui, sous prétexte d'ac
complir les réformes reclamées par Je
siècle, disputent au prêtre le droit de con
solider par sa morale, l'éducation de la
jeunesse; et qui poursuivent de leurs ana-
thèmes le ministre du Seigueur, exerçant
son autorité comme gardien de la foi,
comme interprête et sentinelle de la mo
rale. Plus encore ils sont loin d'user de
prudence, ces hommes aveuglés, ces pères
de famille pétris de préjugés et enthou
siastes dés doctrines délétères dè notre
époque! Quoi! une foule d'exemples a
prouvé ce que devient un peuple enté sur
une souche irréligieuse: une série afflw
géante de malheurs leur a démontré, toute
la justesse des pensées de M. Tbiers qui
le péril de naufrage arracha cette vérité
La religion est désormais la seule plan
che de salut la société qui s'écroule et
malgré cet aveu, et malgré ce conseil sage,
tant de citoyens, appuyent de leurs suf
frages, un ministère qui désormais s'est
constitué l'ennemi public de l'épiscopat et
de ses doctrines, lors des questions de
bienfaisance, d'enseignement, et tous les
jours dans la presse; cet écart, cet aveu
glement est incompréhensible, et désolant
pour toute personne sage.
Pour nous, nous sommes loin de le nier,
l'étrange étourdissement dans lequel nous
voyons une foule de nos compatriotes; et
les marques de faveur et de sympathie que
donnent un trop grand nombre de per
sonnes des défenseurs obstinés de la po
litique ministérielle, de ce gouvernement
dont les intentions passionnées et'despo-
tiques se traduisent par tant de mesures
impopulaires dont nous ne citons que la
loi sur les successions en ligne directe, ces
témoignages d'aveugle estime, nous attris-
VÉRITÉ ET J15TICE.
Ou s'abonne Y (iresrue de Lille, 10, près la Graude
Place, et ciier. les Percepteurs des Prestes du Royaume.
PltlXjBK L'tBOJSKUKST, pur trimestre,
Y'pres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SltlRDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions 13 centime* la ligne.)
i.
Napoléon avait besoin d'hommes pour battre les
Autrichiens; la conscriplion de 1809 se chargea
de lui en fournir. Elle s'insinua dans les familles,
et, marquant du doigt toutes les têtes de vingt
ans, elle parcourut toute la France entière, sans
pitié pour l'es larmes des mères et des sœurs. Au
milieu des sanglots et des cris de douleur mater
nelle, elle continua sa lâche, et bientôt cent mille
hointnes se trouvèrent sur pied, prêts satisfaire
l'insatiable voracité de la guerre. Forts et faibles,
riches et pauvres, tout fut désigné, tant était grand
le besoin que la patrie avait de défenseurs! La
Conscription, traçant dans les familles un énorme
sillon, y laissa le vide et les regrets. Chaque mère
la maudit en serrant convulsivement son fils entre
ses bras; chaque sœur versa des larmes en pensant
son frère dont elle allait se séparer, pour toujours
peut-être; chaque jeune fille s'abandonna a une
douleur jalouse, en voyant l'époux pui allait de
venir le sien passer aux bras de l'avide conscrip
tion, sa rivale cruelle. De leur côléles pères,
quoique affligés, jetaient sur l'avenir des yeux où
l'espérance d'une épaulette pour leurs fils dominait
la tristesse. Les jeunes gens, enfin, les jeunes gens,
saisis du vertige de gloire qui tournait toutes les
têtes a cette époque, furent les seuls qui firent la
conscription un accueil franc et joyeux; ils souri
rent son approche, et partirent, oubliant bientôt
les adieux de leurs mères, de leurs sœurs éplorées,
et rendus presque égoïstes par leur courageuse ar
deur. C'est qu'elle était bien brillante, l'auréole
glorieuse qui couronnait le front de l'empereur, et
dont les rayons versaient de l'éclat sur tous ceux
qui faisaient partie de l'armée française!
Cependant tous ne partirent pas avec joie; il y
en eut qui répandirent des larmes c'est que ceux-
là laissaient peut-être derrière eux une mère ma
lade qu'ils craignaient de ne plus revoir c'est que,
chez eux, les idées de gloire n'étaient pas assez
exaltées pour anéantir tout autre sentiment. Parmi
ces derniers, il en fut un, entre autres, pour qui
s'éloigner de France était un de ces malheurs qui
laissent une impression ineffaçable.
Victor Derville était dans sa vingtième année,
mais sa complexion débile lui donnait l'apparence
d'un enfant de seize ans. Des maladies longues et
cruelles avaient fait craindre pour ses jours pen
dant son enfance, et, depuis cinq ans seulement,
les soins empresse's de sa mère étaient parvenus
le rendre la santé. La pauvre femme se trouvait
heureuse et fière de sou succès: elle avait arraché
son fils la mort qui le convoitait depuis si long
temps. Quelle joie pour elle de le voir prendre peu
peu la force d'un jeune homme, se développer,
croître, pour ainsi dire, sous ses yeux Aussi,comme
elle lui prodiguait ses tendresses! Victor était l'ob
jet de ses attentions continuelles elle ne vivait que
pour lui et par lui. Sftre désormais de le posséder
près d'elle bien portant, elle goûtait un bonheur
que n'empoisonnait pas le souvenir de ses peines
passées; et cependant les yeux de la bonne mère
avaient été bien souvent mouillés de pleurs, même
avant qu'elle eût craindre pour la vie de son en
fant. Malheureuse en ménage, elle avait vu son
mari, homme brutal et dur, l'abandonner pour se
livrer des spéculations hasardeuses, et quitter la
France, après avoir peine assuré snn existence
par une modique pension. Ainsi délaissée, elle
bénit le Ciel, qui l'avait rendue mère; tout son
amour d'épouse se fit amour maternel, et fut pour
son fils. Qu'on juge donc de ses craintes, de ses