9 JOURNAL D'YFRES ET DE L'ARRONDISSEMENT. No 3614. 35me année. 7P3.3JS, 19 Mai. La Révue dès Deux-Mondes, de Paris, pu blie sur la situation de la Belgique une appréciation trop remarquable pour que nous ne la mettions pas sous les yeux de nos lecteurs. Le caractère peu clérical as surément de la Révue, doivent la rendre peu suspecte de partialité envers l'opinion catholique. La Belgique est-elle remise de ses émo tions d'il y a quelques mois? Elle semble pour le moment infiniment moins préoc cupée de créer des camps retranchés, de se défendre contre des attaques dont on n'a guère la pensée, nous le croyons, et dont on a perdu même l'habitude de parler chez nos voisins du nord. L'attention de la Belgique aujourd'hui est toute entière por tée sur elle-même sur ses mouvemens in térieurs. Elle va avoir sous peu de jours des élections provinciales et des élections politiques pour le renouvellement d'une portion du Parlement dans quatre pro vinces: Flandre orientale, Liège Hainaut et Limbourg. Déjà tous les symptômes or dinaires de l'agitation électorale se mani festent. La question est de savoir ce qui en résultera dans la situation des partis et pour le ministère actuel, qui représente le libéralisme au pouvoir. A vrai dire, la durée du cabinet de Bruxelles nous semble un peu problématique. Qu'il ait contre lui tout l'ensemble du parti catholique fortifié, selon toutes les prévisions, par les élec tions prochaines, cela est assez simple; mais c'est dans son parti même qu'il com mence ne plus jouir du même crédit qu'autrefois. Quelques hommes importants du libé ralisme belge, tels que M. Dolez, député du Hainaut, MM. Boliu et d'Elhougne, repré sentants de Gand, qui se retirent aujour d'hui de la vie politique, l'ont appuyé jusqu'au dernier moment de leurs votes, mais non sans exprimer dans la familiarité un jugement assez sévère. L'ennui de met tre d'accord leur vote et leur pensée a sans dou'e motivé leur retraite. Bien d'autres encore viendront probablement grossir la phalange des mécontents. Un des griefs les plus vifs contre le cabinet de Bruxelles, c'est l'impôt sur les successions volé l'an dernier, et qui a contribué singulièrement dépopulariser le parti libéral en Belgique. C'est qu'on lui reproche, c'est sa ténacité dans les petites choses et son inconstance dans les grandes, c'est le peu d'habileté et de tact qu'il a montré un moment'dans sa politique extérieure, c'est le désordre per manent de la comptabilité des fonds spé ciaux du ministère de l'intérieur, toujours en guerre ce sujet avec la cour des comp tes, c'est l'oubli complet dans lequel le gouvernement laisse certaines parties du pays. Joignez ceci la bauteur blessante du Ministre des finances, M. Frère, trop visi blement imbu de son importance, la capacité peu constatée de M. Van Hoore- beke, Ministre des travaux publics, qui n'a réussi jusqu'ici qu'à mécontenter tout le monde par des œuvres ruineuses et peut- être inutiles. Ce sont là, si l'on veut, des griefs de détails et secondaires; ils ne sont point les seuls, et ils sont dominés encore par un grief d'un caractère plus sérieux et plus politique: c'est le reproche qu'on fait au cabinet Kogier-Frère de l'étroit es prit de coterie qui l'inspire, de ses tendan ces se mettre perpétuellement en guerre avec l'Église, de manière faire de cet an tagonisme une politique. Nous ne voulons évidemment rien exagérer; mais enfin il y avait pour le cabinet belge des vices d'o rigine, qui étaient corriger, et qui n'ont fait que se développer. Le ministère avait secouer le joug des associations libérales qui l'avaient porté au pouvoir, et il n'a fait que leur obéir. Il a fait du gouvernement l'instrument des associations de Bruxelles, de Gand el de Liège. C'est là la faiblesse du cabinet de M. Rogier, et c'est probable ment ce qui le tuera dans l'étal actuel des partis. Bien des publications révèlent et ex pliquent ces mouvements de l'opinion en Belgique. Aucune n'est plus remarquable que celle d'un homme éminent, M. De Decker, sur F esprit de parti et Cesprit na tional. M. De Decker est un membre du parti catholique, libéral et modéré. Ce qu'il montre dans sa brochure, où respire un chaleureux patriotisme,c'est l'impossibilité pour l'esprit de parti de rien fonder en Bel gique; ce qu'il poursuit dans le cabinet actuel, c'est l'expression d'un libéralisme exclusif qui jure avec les traditions na tionales, et qui est plutôt le fruit d'une imitation étrangère. La véritable origine morale de l'indépendance nouvelle de la Belgique, c'est l'alliance de la liberté et du catholicisme. Cette alliance, maintenue avec soin, a contribué, dans les premières années, consolider la nationalité belge; elle lui a fait traverser les plus rudes mo ments. Le danger est venu avec les partis exclusifs, qui n'ont point tenu compte de celte situation. Nous ne serions pas surpris que les circonstances où se trouve aujour d'hui l'Europe ne contribuassent ramener la Belgique des conditions plus justes el plus morales. Le sentiment exprimé par M. De Decker est bien loin, en elfet, d'être un sentiment isolé. Le mérite de la bro chure de cet homme distingué, c'est de répondre une disposition très-actuelle de l'opinion publique, qui tend manifeste ment se prononcer contre le cabinet li bérai. Tout annonce que les catholiques gagneront du terrain dans les élections prochaines; ils n'auront point peut-être la majorité, mais ils l'auraient coup sur dans des Chambres renouvelées, si on les appelait au pouvoir, ce que le Roi ne fera point, parcequ'il les considère, assure- l-on, comme étant plus sages, plus modérés que les libéraux, el par suite moins dan gereux dans l'opposition. Le Roi Léopold pourra bien laisser faire pour le moment en vrai souverain constitutionnel, et l'existence du cabinet actuel restera la merci d'une coalition possible, pour ne point dire probable, entre les catholiques et les libéraux modérés. Ce serait là, au surplus, une situation qui ne serait point nouvelle. Quel que soit le dénoûment que pourront précipiter ou retarder les élec tions qui vont avoir lieu en Belgique, ce qu'il y avait constater, c'est que le ca binet de M. Rogier ne réunit pas autant d'éléments de force el de durée qu'il le croit peut-être. Le traité avec la France sera très-probablement une épreuve déci sive pour lui, car, s'il n'avait point celte satisfaction donner l'industrie linière, il aurairsubilement contre lui la coalition du parti catholique et des intérêts lésés. On voit combien d'écueils peut venir se heurter la fortune du cabinet libéral de Bruxelles. Vingt-sept membres de la Chambre des Représentants viennent de publier la piè ce suivante PROTESTATION DE L'OPINION CONSERVATRICE. Un manifeste du comité de l'Association électorale de Bruxelles, signé par le pré sident de la Chambre des Représentants et deux de nos collègues, dénonce au pays une minorité réactionnaire dont les doctrines et les actes ne tendent qu'à un but le ren versement des castesla résurrection des pri vilèges. Si la session législative n'avait pas été close prématurément, nous aurions tous protesté la tribune nationale avec l'éner gie d'une conscience indignée contre ces odieuses accusations. L'opinion laquelle nous appartenons, formait la majorité du Congrès, qui consacra les formules les plus larges de toutes les libertés, malgré l'op position de nos adversaires d'aujourd'hui. Celle opinion a presque constamment dirigé les affaires pendant dix-sept années; ses adversaires, parvenus au pouvoir, ont trouvé toutes les libertés debout, la Con stitution respectée, le sentiment national assez affermi pour que la Belgique pût ré sister en 1848aux entraînements du dehors. TÉBITÉ ET JUSTICE. Ou s'abonne Y près, rue de Lille, 10, près la Graude Place, et chez les Percepleurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre, Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° 25 c. Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaine. (Insertions Ml centimes la ligne.) Nous ne pouvons par noire silence sanctionner cette injuste appréciation du pnbliciste français. La vie toute en tière de noire auguste Monarque proteste contre les intentions machiavéliques qu'il plaît la Révue de lui attribuer. (Note du Propagateur.)

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Le Propagateur (1818-1871) | 1852 | | pagina 1