9 JOURNAL D'YFRES ET OE L'ARRONDISSEMENT. N« 3619. 35me année. TgB.ES, 5 Juin. UNE TRANSFORMATION POLITIQUE. A la veille du renouvellement partiel de la Chambre, il est indispensable pour s'éclairer sur les tendances du parti mi nistériel de descendre dans le détail de son organisation intérieure et des nuances diverses qui se dessinent en son sein. Tout récemment une des feuilles qui lui servent d'organe, le Messager de Gand, sti mulant l'ardeur du libéralisme, conviait la lutte tous ses soldats de 1847. Or, qui ne sait qu'entre les vainqueurs d'alors brillait par son importance le parti répu blicain et socialiste? Qui ne sait avec quel cynisme inouï les confédérés d'alors me naçaient la Belgique d'un abattis révolu tionnaire et quelles vociférations catégo riques partaient de leurs rangs contre l'état de choses établi en 1850 et 1831: Ou la constitution sera revisée légale ment, ou vous serez abattus révolution- nairement: ainsi hurlait le Journal de Liège, donl les accoinlances a vec Ie ministre Frère sont parfaitement connues. Certes nous croyons sans peine, que les vainqueurs de 1847 eussent fait (ou tâché de faire) un 24 février si la Belgique n'avait eu le i0 juin; ainsi qu'une autre feuille ministérielle, le Journal de Bruges, l'alïirmait, lors de la dissolution du Sénat en 1851, dans les ter mes que nous souslignons; tandis que vers la même époque le Messager de Gand trai tait un des trois pouvoirs de l'Etat d'ana chronisme théocralique! Au reste dans les rangs du parti minis tériel, de ceux dont la victoire électorale de 1847 combla les vœux, il en est certes qui répugnent ces doctrines démogagi- ques. Ce sont ces hommes politiques en petit nombre, tels que MM. Dolez, Dele- haye, Depouhon, Rousselle, qui tout en soutenant le ministère déplorent cette hos tilité systématiquement déployée contre l'opinion conservatrice. Il en est d'autres, et en grand nombre, dans les phalanges ministérielles, qui la révolution inspire une instinctive terreur; ce sont les répus, ceux que l'avènement de la politique nouvelle a pourvu de places et de profils. Ceux-là ce sont les satellites du cabinet; ce sont les muets du sérail. Le concours des républicains, des socialistes, des partisans de la Hollande ou de la France amena, il y a cinq ans, leur barque flots; mais la suite de la tourmente de février et de juin 1848, entendant mugir sous eux jusques dans ses bas-fonds l'abî me révolutionnaire, ils parurent quelque temps délaisser ces dangereux parages. Aujourd'hui néanmoins remis de leur ter reur la suite de la restauration de l'ordre en France, et reconnaissant d'ailleurs des signes non-équivoques la puissante réaction qui se mani^sle au sein de l'opi nion publique en faveur de l'ancienne po litique modérée, ils oit tendu humblement la main aux fauteursde la révolution, ils ont demandé grâce (tomme l'organe des républicains de Verviers le disait tout ré cemment) au radicaisme, parti redouta ble, malgré sa faible&e numérique, parce qu'en faisant appel aut instincts dangereux et pervers des masses, il en accepte dans sa logique impitoyalle toutes les consé quences. Ce que le libéralisme condamne en théorie, le radicalisme le rejette dans la pratique; Cun n'est, de l'aveu de tous, que la fraction avancée de l'autre. Aussi quoi d'étonnant si l'alliance des ministériels et des républicains de toute nuance est un fait désormais consommé? Le libéralisme,qui s'adresse directement aux idées et trouve sa force en elles, ne saurait, sous peine d'atrophie, se mainte nir dans les limites qu'une ridicule doctrine lui traça priori; quoiqu'il puisse arriver, il lui faut de l'air et de l'espace; pour vivre, il faut qu'il agisse. Or celle condi tion d'existence, il la partage avec le catho licisme politique. Mais le catholicisme se développe la clarté lulélaire des tradi tions religieuses; sa marche depuis son origine est connue; travers les ombres du temps on la dislingue aux vertus éclo- ses sous ses pas; la surface du globe ou la retrouve partout où fleurit la civilisa tion. Le libéralisme, lui, a pris une voie diamétralement contraire; essentiellement négatif en ses principes, son action est toute dissolvante, et tous les jours il tend de plus en plus se fondre dans la démo cratie socialiste. Le pas qu'il vient de faire et que nous signalons aujourd'hui, est im mense, quoique prévu en s'allianl avec les républicains il a ouvertement brisé avec les rares éléments unionistes et modéra teurs qu'il renfermait encore en son sein. En 1830 et depuis, M. Nolhomb, M. Dechamps, beaucoup d'autres encore, que maintenant on classe au fort du parti ca tholique, étaient réputés franchement li béraux. Ont-ils changé d'opinions ou de conduite? Non certes; ce qu'ils étaient alors, ils n'ont cessé de l'être. C'est le libé ralisme qui en marchant les a distancés. A une époque plus rapprochée de nous, un fait analogue se remarque l'égard de M. Mercier, de M. Osy, de M. Vergauwen, etc.; qui libéraux encore sous la politique unioniste paraissent aujourd'hui avoir changé de parti; tandis que c'est leur parti seul qui a changé. Nous le disions plus haut, le libéralis me ministériel vient de faire encore un grand pas dans sa voie. Désormais il dé laisse une autre couche de partisans, afln de renforcer ses rangs dans les basses ré gions de la démocratie révolutionnaire. Lors de la dissolution du Sénat; c'étaient MM. de Waha, Dindal, de Bagenrieux, de Tornaco, etc. dont il combattait la réélec tion, malgré leurs sympathies bien connues. Aujourd'hui le.renouvellementde la Cham bre lui fait prononcer l'ostracisme contre MM. Depouhon et Rousselle; M. Dolez se retire, et M. Delehaye lui-même devient suspect de cléricalisme. Sans doute l'avenir nous garde bien d'autres métamorphoses, et nous nous at tendons l'un de ces jours, si quelque réac tion prochaine n'entrave enfin les trop libres allures du libéralisme, ce que M. Rogier lui-même, malgré la rapidité de ses évolutions politiques, encourre de la part de ses thuriféraires d'aujourd'hui l'impi toyable reproche de n'être qu'un trainard, un réactionnaire! Il faudrait méconnaître la lumière du jour pour ne pas apercevoir que le libéra lisme la mode qui a fait l'engouement de ces dernières années, approche de son déclin. Des événements quelconques préci piteraient sa ruine. A défauld'événements, il tiendra encore quelque temps en sus pens l'opinion qu'il n'éblouit plus, mais qu'il domine encore par routine et par in timidation. Passé quelques années, il n'était presque plus permis de n'être pas libéral: on commence respirer en plein air sans l'être. Le ministère belge a beau tendre les ressorts, une fois galvanisés, leur action devient pénible, plus lourde et moins efficace. Les peuples ne sont pas éternellement dupes. Comme le peuple belge est foncièrement religieux, il a fallu constamment masquer le libéralisme sous un vernis de religiosité. Le vernis s'use la longue, et le bois ver moulu de l'arbre empestéparaîtau naturel. Malgré la descente des libéraux dans la rue avec les insignes maçonniques Bru xelles, Malgré la motion de M. Verhaeghen la Chambre pour obtenir un traitement en faveur du schismalique Helsen, qui ne se doutait pas dans son délire d'être le jouet des loges, Malgré les scandalles de Tilff, Malgré le roman feuilleton né des feuil les libérales Malgré cette presse constamment nour rie d'impiété, de blasphèmes, de guerre aux prêtres, de turpitudes outrageant les mœurs, Malgré la plume d'or offerte par ambas sade Eugène Sue, 11 fallut constamment des protestations hypocrites en faveur de la religion et du dogme catholique. Si bien le catholicisme est au cœur du pays. Si bien ses ennemis acharnés en sont convaincus, car on conçoit ce que doivent VÉRITÉ ET JUSTICE. On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Grande Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume. PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre, Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Uu n° 25 c. Le Propagateur païaît le SAMEDI et le MERCREDI de chaque semaiue. (Insertions 19 centimes la ligne.)

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Le Propagateur (1818-1871) | 1852 | | pagina 1