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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3628.
Mercredi, 7 Juillet 1852.
35me année.
Depuis quelque temps déjà la presse
étrangère, de France surtout et d'Allema
gne, se préoccupe vivement «le la position
anormale et exceptionnelle où se trouve la
Belgique par rapport aux autres étals Eu
ropéens.
Lorsqu'à la suite des événements de 48
le libéralisme parvint donner également
la loi en France, en Italie, en Allemagne,
en Hongrie les conséquences fatales de ce
système inepte débordèrent bientôleomme
les laves d'un volcan sur ces malheureuses
contrées. Le libéralisme s'était fait fort
d'enchaîner dans des toiles d'araignée les
passions démagogiques dont ses empiéte
ments irréligieux avaient imprudemment
dissous les seuls liens qui les sussent con
tenir. Mais qui pouvait contre la logique
populaire, qui ses leçons avait appris
ne rien reconnaître de supérieur ses vo
lontés, que pouvait le libéralisme avec ses
idées mesquines, sa politique tracassière,
ses principes écornés, son inconséquence
pratique. La société et la civilisation failli
rent se dissoudre dans l'anarchie; mais au
fond des consciences il fomentait encore
des idées de justice et de bon seris, gages
précieux d'ordre et de bonheur, dernières
semences du christianisme. Grâces elles
l'Europe se sauva encore du chaos; mais
instruite par ses malheurs elle divorça en-
iin avec le libéralisme qui les avait causés.
L'infortune éclaire souvent mieux l'en
tendement des hommes, que la reconnais
sance n'éclaire leur cœur. L'exemple de
notre propre pays vient l'appui de cette
observation. Tandis que la guerre civile
déchirait la France, l'Allemagne et l'Italie,
la Belgique continuait jouir des bienfaits
de la paix, grâce aux principes religieux
qu'elle avait su conserver en son sein, et
que dix-sept années d'un gouvernement
sage et conservateur avaient aidé raffer
mir et consolider. Le libéralisme cepen
dant venait d'entrer au pouvoir et recueillit
les précieux fruits de la sagesse de ses pré
décesseurs. Mais il ne sut ni apprécier, ni
reconnaître cette dette sacrée. Installé aux
affaires sous l'égide d'un parti, il ne songea
qu'à gouverner par lui et poqrjui.
Cependant on s'étonne l'étranger des
tendances révolutionnaires d'un pays ré
puté bon droit éminemment catholique;
on s'étonne de le voir associer sa politique
celle de la Suisse, où le calvinisme a fait
de si déplorables ravages, celle du Pié
mont, qui, enserré dans les rits perfides
des sociétés secrètes, ne trouye pas dans
l'énergie des bons citoyens un réactif suf
fisant contre leur influence délétère. A trois
reprises différeutes le pays s'est prononcé
par l'organe du corps ^électoral contre la
politique ministérielle; mais les libéraux
au pouvoir feignent dp ne rien compren
dre au verdict de la nation. La souverai
neté du peuple, ce grayd axiome de leurs
principes d'autrefois, n'est plus pour eux
qu'une phrase sans portée, une flagornerie
banale. Cependant, défaut de pudeur ou
de mémoire,l'exemple seul de leurs adver
saires leur traçait la ligne du devoir. Quel
ques perles essuyées aux comices de 1845
déterminèrent la retraite de M. Nothomb;
une cause identique engagea le cabinet
De Theux-Malou se retirer. Et pourtant
le cabinet Nothomb et le cabinet De Theux
conservaient leur majorité, parlementaire,
et leur présence au pouvoir assurait la
Belgique la confiance desmonarquesélran-
gers.
11 se fait déjà des préparatifs nombreux
pour la grande procession jubilaire de
Notre Dame du S1 Scapulaire. Cette fête
imposapte, qui attirera assurément une
foule d'étrangers, est fixée au Dimanche,
18 Juillet, 4 h. de relevée, sous la direction
des RR. PP. Carmes. Ou engage fortement
les habitants ne rien négliger pour re
hausser l'éclat de cette rare solennité, que
nul n'a vue, et que nul des contemporains
ne verra de nouveau. Plus heureux qu'en
Angleterre et en Hollande, nous pouvons
sur la terre de Belgique déployer librement
les étendards de la foi, les pompes et les
gloires de la religion vraie, sans que même
des conflits d'autorités, grâces Dieu, doi
vent être tranchées en haut lieu, comme
parfois en France. Sachons profiler de
toute l'indépendance d'action religieuse
que la constitution nous octroie; montrons
l'étranger que sur celte antique patrie
d'où s'élancèrent tant de bataillons croisés
pour la terre Sainte, la religion est encore
vivace, comme aux plus beaux jours. Ma
gistrats, force publique, confréries, que
tout le monde accorde son zélé concours,
la véritable union entre concitoyens, entre
chrétiens, la seule durable, la seule qui
porte dans son sein la prospérité et la
vertu, c'est en Dieu qu'elle se détrempe.
VÉRITÉ ET JESTICE.
On s'abonue Y près, rue de Lille, 10, près la Grande
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PIIIX I>K L'ABONNEMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n» a5 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. insertion* 19 centimes la ligne.)
TPRiBS, 7 Juillet.
La Revue des Deux-Mondes, dans sa chro
nique polilique du nume'ro qui a paru le i" juillet
Paris, apprécie en ces lermes la situation de noire
cabinet
La Belgique, remise de sa récente agitation élec
torale, reste encore dans la situation incertaine
créée par le résultat du scrutin. Ce n'est point,
comme nous l'avons dit, que ce résultat fut décisif
pour déterminer quelque changement subit; mais
les pertes éprouvées par le ministère étaient .a'ssez
réelles pour lui susciter quelque embarras, ne fût-
ce que par cette question universellement pose'e
de savoir s'il resterait au pouvoir. Le cabinet lui-
même n'a rien décidé encore, h ce qu'il semble, a
ce sujet quelques uns de ses membres sont hors de
Bruxelles, le roi Léopold lui-même est a Wies-
baden. Gela n'empêche point, au reste, que l'exis
tence du cabinet belge ne soit très-réellement
en question, et que sa retraite ne doive être l'objet
d'une prochaine délibération en conseil. Le minis
tère se décidera—t-il garder le pouvoir ou se
retirer? Il est fort probable qu'il ne se dessaisirait
pas du gouvernement, s'il n'y avait que M. Rogier.
M. Rogier a une raison très préremploire, c'est
qu'il aime le pouvoir; il s'y croit indispensable, et
il sonffie naturellement de voir mal aller les af
faires de son pays lorsqu'il n'est plus ministre.
Quant aux membres du cabinet, plusieurs ne
comptent pas comme hommes politiques.
Le ministre de la justice, M. Tesch, penche
ouvertement pour la retraite, dans l'intérêt même
de l'opinion libérale. Le ministre le plus impor
tant avec M. Rogier, M. Frère-Orban, serait lui-
même assez disposé se retirer. Ses motifs peuvent
être tirés également d'un intérêt de parti, mais
peut-êire tiennent ils aussi des considérations
personnelles. M. Fière jeune encore, semble se
soucier assez peu de rester lié la fortune sur le
retour de M. Rogier. Si on pouvait douter d'ail
leurs de l'activité et de l'ardeur libérale de M.
Fïère, on n'aurait qu'à jeter les yeux sur une
brochure qu'il a publiée récemment sous le nom
de Jean Vau Datume et eu réponse M. de Der.ker.
Cela peut prouver du inoins qu'en Belgique les
ministres ont les loisirs nécessaires pour écrire des
brochures. Toujours est-il que M. Frère, se sentant
un avenir polilique, ne semblerait point éloigné
de quitter le ministère. Telle est aujourd'hui la
situation elle se dessinerait indubitablement mieux
encoie, si, comme on l'a dit, les chambres sont
Convoquées vers la nii-juillet. Une des difficultés
les plus épineuses pour le ministère de Bruxelles,
c'est toujours le traité de commerce avec la France.
Le cabinet a cherché donner uue satisfaction aux
Flandres en envoyanl Paris un négociateur spé
cial, M. Charles Liedts, ancien président de la
Chambre des Représentants, ministre d'Etat gou
verneur du Brabaut et.même désigné comme mi
nistre probable ou possible en cas de retraite du
ministère actuel. Les négociations se poursuivent
activement aujourd'hui dans des conférences régu
lières. Nous osons croire qu'elles aboutiront: une
conclusion est d'autant plus urgente, que la con
vention de 1846 expire, comme on sait, le 10 août
prochain mais d'ici la même le cabinet belge exis-
tera-t-il?
On assure que le château et le domaine de
Bitremont, Bury, vont être mis en vente. Ce ma
noir n'est plus habité. Un garde qui en tient les
clcs, a reçu l'ordre de la comtesse de Bocarmé, de
n'y laisser entrer les étrangers que lorsqu'ils seront
munis d'une permission écrite de sa main. Le mo
bilier du château a été vendu.
Cet encan a duré trois jours, madame de Bocarmé
a racbeté quelques meubles de peu d'importance,
parmi lesquels figurent un lit et une commode d'a
cajou et l'étagère dont il a tant été parlé au procès.
Ce sont aujourd'bui, avec la bibliothèque de la
comtesse, qui est tenue sous clé, et quelques por
traits d'Espagnols carlistes, les seuls meubles du
château.