9
JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3659.
36me année.
7PP.3S, 23 Octobre.
Sans contredit l'écueil de la liberté fut
toujours la licence- Du jour où le peuple
non content d'une sage indépendancecivile
et politique brise les liens sociaux du de
voir, s'insurge contre les Rois pour venger
des griefs presque toujours imaginaires,
prétend traiter d'égal égal avec Dieu dont
il ose discuter les commandements et sou
mettre le culte au creuset de sa faible et
orgueilleuse raison; de ce jour, disons-
nous, c'en est fait de la liberté de ce peuple;
car alors, il n'y a plus que le despotisme
militaire, que la logique des bayonnetles
qui puissent le contenir et le sauver des
plus horribles désastres; car alors tous les
bons citoyens, quelques soient d'ailleurs
la vivacité de leurs répugnances, en sont
réduits appeler de leurs vœux, soutenir
de leur influence le bras du soldat ou de
l'aventurier dont le sabre doit remplacer
le sceptre trop débonnaire des Rois. Tel
est le spectacle que nous offrent les anna
les de l'antiquité aussi bien que l'histoire
moderne et contemporaine.
Il est des cas, la vérité, où, après quel
ques mois d'ébullition révolutionnaire, le
mal s'est réduit la perte du régime con
stitutionnel et où tout est rentré dans l'or
dre sous l'égide du principe monarchique,
ainsi dans ces derniers temps de l'Autri
che, de la Prusse, du royaume de Napels,
etc.; mais il est remarquer qu'au sein de
ces contrées le libéralisme n'avait pas
poussé profondément ses racines, et que
pour en finir avec lui il ne fallut abattre
que quelques brouillons.
Parmi nous le libéralisme, après s'être
frayé la route au sommet du pouvoir, n'a
pas tardé s'affaisser, pour ainsi dire, sur
lui-même. Militant sous la bannière de
l'opposition, ses phalanges diverses res
taient unies parce quàune même pensée
les animait au combat. Puis, en dehors de
ses aflîdés, les promesses décévantes qu'il
contractait pour l'avenir, ne manquaient
pas d'éblouir les masses et de faire bien
des dupes. Mais enfin maître sans con
teste du pouvoir qu'il convoitait, le libé
ralisme n'ayant plus d'ennemisà combattre,
a perdu cette énergie fébrile qui lui tenait
lieu de puissance réelle. Alors surtout
qu'il fallut partager les bénéfices de la
victoire entre les frères et amis, dont il
avait pris tâche de nourrir les convoitises
ambitieuses; alors qu'il fallut compter avec
les plus folles espérances de cette tourbe
de vulgaires ambitieux et qu'il n'y eut
goujat si insipide dans les rangs du libé
ralisme qui ne prétendit quelque grasse
sinécure; alors, disons*nous, des désap
pointements sans nombre surgirent de
toute part et leur suite la démoralisation
gangréna le parti vainqueur. Ce fut bien
pris en dehors de la coterie libérale. Mise
en demeure de remplir ses promesses,
l'inanité de ses rodomontades, la faiblesse
de ses moyens ne tardèrent pas éclater
au grand jour, et dès lors tout ce prestige
menteur dont elle avait eu l'art de s'enve
lopper, s'évanouit rapidement, et les mas
ses enfin désabusées condamnèrent di
verses reprises une politique dont les
principes n'étaient qu'un tissu de menson
ges, les actes un tissu de déceptions, la
science gouvernementale un tissu d'expé
dients.
Toutefois gardons-nous de croire que le
libéralisme ait dit son dernier mot dans
notre patrie. Qu'une réaction momentanée
ne nous inspire pas sur l'avenir une sécu
rité imprudente et dangereuse. Ce n'est
pas en vain qu'on érige aux frais de l'État
et de la commune ce grand nombre de
collèges, d'atbenées, d'écoles moyennes,
où la suite de l'indifférence religieuse
qui en corrompt l'atmosphère, s'inocule
dès l'enfance dans l'âme encore crédule et
confiante des jeunes élèves cette fièvre
d'indépendance et d'orgueil qui fait le
fond du libéralisme politique. N'était-ce
pas en effet un professeur aux gages des
contribuables qui récemment initiait la
jeunesse Belge jusques sur les bancs de
l'école aux élucubrations démagogiques de
Victor Hugo? N'a-t-on pas vu, il y a deux
mois, rémunérer les travaux scolaires des
jeunes lauréats l'aide de livres prétendus
historiques, où l'Église et ses dogmes se
trouvent ouvertement battus en brèche au
nom de l'hérésie protestante? Quoi d'étran
ge alors, si instruits pareille école ces
jeunes gens passant l'université n'ont pas
honte de s'insurger contre l'autorité sainte
du Siège de Rome, et d'applaudir aux
doctrines hétérodoxes d'un professeur, en
haine de l'Église catholique qui les con
damne?Scène déplorable dont les élè
ves de l'Université de Gand ont récemment
donné le scandaleux exemple, et dont le
cynique Messager a pris soin de faire res
sortir la portée.
Nous le disons avec conviction; il n'y a
pas que la piété seule qui soit intéressée
dans la question de l'enseignement; mais
tout autant les solides principes qui fout
les bons citoyens et auxquels se rattache
l'avenir politique et social du pays.
FUNÉRAILLES
de M. le Vicomte DE PATIN de Langemarck.
L'enterrement de M. le vicomte de Patin
de Langemarck a eu lieu jeudi dans la
commune de Langemarck dont il était
Bourgmestre. Le service funèbre sera cé
lébré dans quelques jours. Deux discours
ont été prononcés sur la tombe, l'un en
flamand,d'un mérite littéraire remarquable
par M. Van Biesbrouck de Langemarck,
l'autre par M. Honoré Smaelen d'Ypres.
Voici les paroles de M. Smaelen
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, 10, près la Graude
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'A BOISEMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° a5 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine. (Insertions I) centimes la ligne.)
Messieurs,
Le vénérable vieillard dont la perte répand
ici le deuil ne sera pas regretté seulement dans sa
noble famille, et dans la grande et populeuse
commune dont il fut si longtemps le premier
Magistrat. L'admiration du pays entier est acquise
aux hommes qui se dévouent comme M. De Patin
jusqu'à l'épuisement complet de la plus longue
vie: leur mort est toujours prématurée et produit
au loin une sensation douloureuse. Si doDc je viens
retarder de quelques instants le momeot où s'a
baissera la pierre sépulchrale, si je viens déposer
sur celte tombe quelques paroles d'une respec
tueuse condoléance, c'est l'expression d'un senti
ment publicqui m'enhardit ajouter cette
pompe, ces honneurs solennels et funèbres, le
faible tribut d'un hommage suprême.
Messire Joseph-Charles Vicomte De Patio de
Langemarck avait commencé sa carrière d'officier
en Belge intrépide il termina celle de magistrat
en Chrétien zélé. La plupart d'entre nous n'ont été
les contemporains que de celte dernière partie de
son existence nous l'avons vu l'âge où commu
nément la fortune convie au repos, se sacrifier ré
solument tout entier aux intérêts de sa commune,
et déployer une vigueur d'administration que la
force même de l'âge ne saurait dépasser.
Depuis longtemps les coups de la Providence
avaient éprouvé celle âme élevée dans ses affec
tions les plus chères. Comme autour d'un chêne
séculaire, il se forma entre le Vicomte et sa fa
mille le vide et la dislance d'une génération. Mais ses
descendants croissaient sous la vigilance éelairée
et les tendres auspices de leur mère adorée: une
éducation conforme leur rang, religieuse avant
tout, affermit dans leur cœur les germes de la
vertu. De là cette piété filiale qui remplit le vieil
lard de consolation, et qui répandit près de lui le
bonheur et la joie, en même temps que des al
liances illustres rehaussaient l'éclat de sa maison.
Les fonctions diverses dont il fut revêtu, les
hautes distinctions dont il fut honoré diverses
époques, témoignent la confiance et l'estme qu'in
spirait son mérite. Son zèle s'étendit aux intérêts
de la province entière, mais se concentra principa
lement sur la commune qu'il affectionnait. Il y
avait beaucoup faire en effet dans un endroit où
l'impiété révolutionnaire avait marqué son invasion
par un incendie sacrilège, où le temple du Seigneur
se relevait peine de ses ruines. Je ne m'arrêterai
pas montrer quelle louable ardeur déployèrent
vos devanciers pour effacer les traces de ce van
dalisme atroce, ni le concours magnanime que
cette sainte entreprise trouva auprès de la famille
De Patin. Je ne puis éuumérer non plus ces tra
vaux multiples de tous les jours, qui chez un
fonctionnaire capable et appliqué comme l'hono
rable défunt, absorbent la vie, et en sont com
munément la partie principale et la plus utile,
quoique la moins aperçue.
Deux monuments durables attestent et caracté-