TRIBUNAL D'YPRES.
Défense de M. le Docteur Lecluyse
de Poperinghe.
Heureuse ville d'Ypres, ajoute le spirituel
journalqui surpasse en ressource la capitale de
la France, puisqu'ici on ne recule poiut d'affecter
4oo francs l'instruction de chaque élève I
Nous livrons cette comparaison aussi intéressante
que curieuse a l'examen des hommes, auxquels la
situation actuelle de la ville d'Ypres inspire l'in
térêt qu'elle mérite, et nous leur demandons, la
main sur la conscience, si au lieu de lever de
nouveaux impôts, notre administration ne ferait
pas infiniment mieux de supprimer son collège;
et d'envoyer les 70 élèves qui le fréquentent
dans les lycées de Paris.
Il n'est personne qui ne conçoive quelle extrême
reserve impose l'autorité communale, dans ses
rapports avec le département de la guerre, la
perspective du retrait de toute garnison dont cette
ville est menacée.
Et cependant, un journal en qui tout le monde
s'accorde reconnaître l'organe de l'administra
tion communale, non content de s'exprimer avec
aigreur et mauvais vouloir sur le compte du mi
nistère, osa, il y a quelques semaines, émettre le
vœu de voir les représentants de cette ville rejetter
le hodget du général Anoul.
Nous nous sentirions disposés h ne reconnaître
en tout cela qu'un accès passager de mauvaise
humeur, si le Volksvriend, l'aller ego du Pro
grès n'était venu, samedi passé, renouveler h son
tour les mêmes attaques et les mêmes sorties.
Indépendamment des sacrifices d'amour-propre
et d'iulérêt pécuniaire qu'impose tout vrai pa
triote la situation incertaine et précaire de la paix
européenne, ces menées hostiles et impolitiques de
la presse communale doivent inspirer a tout le
monde les plus justes appréhensions, puisqu'elles
ne sauraient que compromettre la cause de la cité
auprès du gouvernement en excitant la suscepti
bilité ualurelle des membres du cabinet.
La réforme postale a donné au transport des
lettres, des imprimés, et surtout des journaux une
extension considérable. On jugera, par les com
paraisons suivantes, que nous empruntons aux An
nales combien celte réforme a exercé de l'influence
sur le mouvement de la poste pendant l'année
i852, comparativement l'année i84y.
Nombre
IA41.
t§2«.
Ca plus en IA&9
de Lettres
6,$5o,ooo
10,. 41,100
3,689,5oo
de Journaux..
4,200,000
14,000,000
9,800,000
d'Imprimés.
»,3oo,ooo
4 >000,000
3,700,00°
(Halte et fia. (1)
Si la recherche de la paternité est inter
dite, on peut néanmoins soutenir que des indica
tions concernant la paternité ont eu des cas donnés
leur utilité, savoir pour aider l'enfant h combattre
une fausse reconnaissance, ou pour faciliter la dé
cision au cas d'une double reconnaissance, diffi
cultés dans lesquelles l'enfant peut se trouver
engagé aux termes de l'art. 33g du Code civil,
comme un arrêt de la Cour de cassation de France
du 10 février 1847 (2), en fournit un exemple.
Si l'indication de la mère est un commencement
de. la recherche de la maternité, on ne pourrait
donc pas même indiquer la mère de l'enfant na
turel.
Si l'indication n'est pas un commencement de
recherche, on pourrait donc indiquer le père, sans
que celui-ci reconnaisse l'enfant naturel.
II est cependant généralemeul admis de n'in
diquer que la mère; ce qui prouve que l'art. 67 du
C. civ. qui ne distingue pas entre le père et la
mère, réglémentaire pour le droit commun, pour
les enfants issus du mariage, reçoit des tempéra
ments et des restrictions dans des circonstances
exceptionnelles.
(t) Voir les u" des 27 Avril et 4 Mai.
(a) J. >yS. 1847. Fr. I. 81.
Les art. 57 et 79 énoncent ce que les actes de
naissance et de décès doivent ou peuvent com
prendre au maximum, dans toute leur plénitude:
l'art. 35 défend qu'il y soit inséré rien de plus.
Une peine ne doit pas être prononcée du moment
qu'ils renferment moins.
Le système du ministère public irait jusqu'à
punir le médecin qui garderait le secret pour ne
pas mettre au jour l'ignominie d'une naissance
incestueuse, tandis qu'il est évident que la divul
gation sollicitée ne pourrait aboutir h une re
cherche utile de maternité, toute reconnaissance
de ce genre étant interdite. C. civ. 535, 34».
Voilà comment l'utilité supposée de l'enfant
pourrait ue lui apporter qu'une humiliation pins
grande.
On fait sonner très haut l'intérêt de l'enfant,
et cet intérêt mérite saus doute une bienveillante
sollicitude.
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Je ne suis pas convaincu cependant que cet in
térêt soit le principal mobilerqui a fait établir
l'art. 346 du Code pénal sur la non déclaration
des naissances. C'était en 1810, une époque
où Napoléon, par la rupture de la paix d'A
rt miens, entrait dans une carrière,d'après Mignet,
au bout de laquelle il devait trouver la posses-
sion ou l'inimitié de toute l'Europe, a Beaucoup
de naissances étaient déclarées par fraude du sexe
féminin: vous en rectifiez encore, messieurs, de
temps autre Le gouvernement avait surtout en
vue qu'aucune naissance ne fût soustraite h la
conscription. Celte intention est a peine dissi
mulée dans l'exposé de M. Faure, orateur du
conseil d'état au corps législatif. (1)
Certes, des indications concernant sa mère, sont
•ommunément précieuses pour l'enfant afin de
l'aider plus tard dans la recherche de la maternité.
Mais est-ce là le seul iutérêt de l'enfant, est-il
bien toujours favorable pour lui qu'il y ait éclat
de ces mentions ou de cette recherche? Gardons-
nous de nous y méprendre.
Aux actes de décès s'attachent aussi des intérêts
bien considérables pour la transmission des suc
cessions qui forment une des matières les plus
importantes du Code civil, et néanmoins la loi n'a
point placé de pénalité coté des omissions de
détail qui peuvent s'y commettre. La loi aura-t-
elle eu plus de prévoyance pour l'enfant naturel
qui ne peut avoir droit qu'à des soins actuels, et
une portion relative et éventuelle d'une seule suc
cession future, que pour la transmission des suc
cessions entières?
La constatation du fait de la naissance est de la
plus haute importance pour l'enfant; l'indication
de la mère n'est pour l'enfant naturel, relative
ment ses droits civils, son état civil, que d'une
importance souvent subordonnée.
La constatation de la naissance voulue par l'art.
56 entoure l'enfant, quel qu'il soit, de toute la
sollicitude de la société il acquiert immédiate
ment son domicile de secours, la protection de la
police, la capacité d'acquérir, les droits de ci
toyen. (2)
L'art 57 se rapporte aux relations de famille;
mais l'enfant naturel n'en a pas, c'est un honneur
et un bénéfice réservé la dignité du mariage.
C. civ. 756.
On conçoit dès lors comment il se fait que le
premier article doit avoir une sanction pénale,
tandis que la même sanction ne doit pas proléger
l'enfant naturel dans la seconde disposition.
La recherche de la maternité est favorable, mais
ce principe même ne doit pas être outré. La mère
peut procurer des aliments son enfant sans le
(l) Locré, 1.15 p. 44'-
(a) Rapport de Siineon au tribunal.
reconnaitre, sans faire un acte officiel de recon
naissance. L'affection maternelle veille indépen
damment d'une formalité civile. Il s'en faut que
l'absence de reconnaissance explicite par acte soit
toujours le résultat d'une cruelle, d'une coupable
indifférence. Qui scrutera mille situations diverses
Nous arrivons, Messieurs, devant ces considé
rations élevées que nous annoncions dès le com
mencement de la défense de M. Lecluyse, pour
montrer que sa circonspection et sa fidélité la
discrétion de son état, sont loin de pouvoir lui être
reprochés avec justice.
L'enfant, pour de l'argent, doit-il se constituer
le tyran impitoyable de sa mère? La recherche de
la maternité est admise, mais si l'honneur de la
famille peut être sauvé, l'enfant ne gagnera-t-il
pas par l'absence d'une manifestation inopportune?
La mère appartient, par exemple h une hono
rable famille. Elle a cédé une séduction qui
contraste avec toute sa vie, et qu'elle déplorera
toujours. Sa réputation cependant n'est pas com
promise dans le public. Elle peut parvenir un
état social distingué, elle a l'exspectative de suc
cessions considérables. Si le secret d'une maternité
deshonorante est divulgué par le médecin, elle est
exclue, repoussée, forcée de s'expatrier, réduite
mener une vie errante, sans avenir, sans espoir d'un
parti avantageux, sans ressources; elle ne peut
rien faire pour son enfant ni dans le présent, ni
au futur. Et on invoque l'intérêt de l'enfant
Plus lard, l'enfant sera reconnu, en attendant
il sera bien élevé, II lui est réservé une belle for
tune. Lui ravir tout cela, ce serait prendre son
intérêt cœur
Si vous forcez la divulgation du secret, la
mère tombe dans le découragement et le déses
poir, elle mourra par chagrin, peut-être par sui
cide. Comment! pour le bien prétendu de l'enfant,
ou retire la mère tout soulagement dans le mal
heur, on expose sa vie, et aux yeux de la religion
son salut?
Le premier intérêt de l'enfant, par dessus tout
autre sur la terre, est de vivre. Il ne faut donc pas
éloigner de la mère les secours de l'art au momen t
où donnant le jour un être faible, comme s'ex
primait Thibaudeau, elle en a le plus besoin pour
elle et pour l'enfant. 11 ne faut pas pousser
des accouchements clandestins et solitaires par la
crainte du deshonneur public, il ne faut pas ouvrir
la porte un désespoir capable de porter des
crimes qui font reculer d'horreur et d'épouvante.
Remarquez que l'intérêt de l'enfant est en quel
que sorte problématique, puisqu'il est possible qu'il
meure, et alors tout ce fracas aura eu lieu biea
inutilement, une personne aura été sacrifiée par un
zèle inconsidéré.
Jusqu'ici nous nous sommes occupé de l'intérêt
de l'enfant, mais ne peut-on pas aussi consulter
l'intérêt de la mère? Ici il ne s'agit plus d'un in
térêt futur, mais actuel, pas d'uu intérêt hypothé
tique, mais certain.
Si le secret de la maternité n'est pas divulgué,
savoir si jamais l'honneur de la mère aura souf
frir dans le monde. Ou bien le blâme de la faute
sera paralysé l'instant même par la légitimation.
Du moins, plus tard dans la vie, elle pourra re
connaître son enfant sans les extrêmes inconvé
nients que nous avons signalés.
La faute est immense, je l'avoue, est-ce dire
qu'il n'y a accès aucune indulgence? Les obses
sions du vice arrivent de toutes parts: si le clergé
fulmine contre les réunions qui y mènent, on le
critique, aucun excès désordonné n'a fait défaut au
théâtre ni dans les feuilletons que tolère le père
de famille; et si l'innocence succombe, le monde
est inexorable, et couvre les suites de ses sugges-