4 de la guerrequi connaît ce terrain infiniment mieux que moi, je crois néanmoins devoir faire une sim ple et unique observation. Eo >845, messieurs, lorsque la chambre discuta la loi d'orgauisation de l'armée, quand elle décida qu'il fallait, pour la défense nationale, une armée de 80,000 hommes, aidée d'une année de 20,000 hommes de garde civique, k cette époque, il n'était nullement question de démolir les forteresses; on organisa alors l'armée, d'abord pour faire face aux nécessités delà défense eo rase campagne, et ensuite en vue de la défense de nos places fortes Lors de la discussion de la loi, le ministre des affaires étrangères, M. le géuéral Goblet, dont j'ai parlé tout k l'heure, fut interpellé, on lui demanda s'il serait donné suite a la convention de >83i; cet honorable ministre répondit négativement; il est donc acquis qu'k cette époque dans l'opinion du gouvernement, nos forteresses devaieut être conservées et pouvaient être défendues. Je demanderai ce qui, depuis cette époque, a pu se passer si autrefois le gouvernement a eu l'opi nion qu'on devait et qu'on pouvait défendre les places fortes, alors que l'armée n'était que de 80,000 hommes, comment, aujourd'hui que notre effectif de guerre est de 100,000 hommes, cette défense serait inutile et impossible? Si la question des forteresses est importante au point de vue belge, elle n'est pas moins grave k un autre point de vue, au poiut de vue international, au poiut de vue européen. Depuis des siècles cette question n'a cessé de préoccuper la diplomatie elle a fait l'objet de l'attention la plus vive et la plus constante de toutes les grandes puissances de l'Europe. Ainsi, le traité des barrières, les traités de 1815, en dernier lieu la convention du 14 décembre i 831 sont des preuves que, dans toutes les circonstances, les puissances se sont préoccupées de la question des forteresses belges, et que si cette question a reçu des solutions diverses, l'importance de la question en principe n'a jamais été méconnue. Je n'adresserai pas d'interpellation k M. le ministre des affaires étrangères. Je comprends combien la matière est délicate; mais si je m'abstiens de faire une interpellation k cet égard, c'est uniquement en vue des circonstan ces où nous nous trouvons, et j'espère que la chambre appréciera ma réserve k ce sujet. Le gouvernement jugera s'il peut donner quel ques explications sur les traités de i8t5, la con vention de i83 1, leur valeur actuelle, enfin sur les actes diplomatiques iotervenus depuis celte der nière époque. Mais je rappellerai nn fait important. Lors des négociations qui précédèrent la con clusion de la convention de i83i on agita la question de savoir si la place d'Ypres devait être démolie. A cette époque, de longues discussions eurent lieu k Londres, c'est a la suite de ces discussions qu'on décida que cette place, qui avait été primi tivement condamnée, ne serait pas comprise dans le traité. En effet, quand la convention de i83t fut soumise k la ratification du parlement, la place d'Ypres ne se trouvait pas comprise au nombre des places k démanteler. J'ai cherché k connaître quels avaient été les motifs de ce changement d'opinion de la part de la conférence; et si je sois bien informé, un homme d'État et de guerte, dont certes personne ne con testera la compétence, le duc de Welliogtoo, avait présenté des observations basées sur des considé rations d'un ordre très-élevé, et c'est k la suite de ces observations que la place d'Ypres, qui avait été primitivement désignée pour être démolie, fut conservée. Ce fait me paraît très-grave, et, sans blesser qui que ce soit, je crois pouvoir invoquer l'opiniou du grand général qui contribua, en i8t5, k faire adopter le système de barrière qui fut alors arrêté. Depuis cette époque, messieurs, depuis 1831la situation de notre pays est-elle changée Pourquoi des places fortes dont la conservation était jugée utile eu i83t, doivent-elles être démolies et dé 2 molies sans le moindre retard en 1853 Pourquoi d'autres forteresses qui, en 183 1, étaient condam nées doivent-elles être conservées et réparées aujourd'hui Messieurs, si j'insiste sur ce point, si je présente ces observations, c'est que je désire que la chambre qui va prendre une détermination exliêinenitnt grave n'ait pas k regretter la décision qu'elle prend aujourd'hui, c'est que je désire qu'un jour nos successeurs n'aient pas k voter des sommes consi dérables pour reconstruire les forteresses qu'on démolira k très-grands frais. Si depuis t83t 00 n'avait pas ajourné l'exécu tion de certaines mesures, la forteresse de Mous serait aujourd'hui démolie; elle devait l'être aux termes de la convention du 14 octobre, et n'aurions- nous pas de grands regrets et éventuellement de grandes dépenses k faire pour la remettre en état de défense Si la forteresse d'Ypres est démolie, elle aura été démantelée trois fois en moins d'un siècle, et les vieillards qui habiteut cette ville l'ont vu recon struire deux fois k très-grands frais. La forteresse de Menin a été construite il y a 3o k 35 ans, et l'entrepreneur qui en a construit une partie est occupé k la démolir, de sorte que celui qui fut chargé de la construction est aujourd'hui chargé de la démolition de cette forteresse. Si je cite ces exemples, c'est pour montrer que les choses les plus solides passent et que les forte resses qu'on croit destinées k une existence perma nente, sont soumises aux vicissitudes des choses de ce monde, qu'il n'y a rien d'absolu, rien de perpé tuel. Les systèmes de défense varient donc aussi suivant les circonstances, suivant les faits exté rieurs qui se produisent et quelquefois suivant l'opinion des hommes appelés k les arrêter, les mettent en pratique. En présence de ces considérations tirées de la situation de nos finances et de la défense du pays, je demaode s'il ne faut pas être extrêmement pru dent et réservé avant de procéder k des démolitions très-onéreuses. Il faut être prudent en pareille matière, car construire des forteresses est une opération très- coûteuse; oous en avons la preuve, nous savons ce qu'il eu coûte pour ajouter seulement quelques fortifications k une forteresse existante, k Anvers. Nous savons ce que nous avons voté déjà pour ces fortifications, et nous serions peut-être effrayés si nous savions ce que nous devrons voter encore pour les compléter et nous savons ce qu'a payé le pays pour la forteresse de Diest, depuis dix ans. La place d'Ypres qu'il s'agit de démolir a coûté depuis 1815 de 9 k 10 millions de francs, et si l'on ajoutait aux dépenses faites alors, les dépenses antérieures, on reconnaîtrait que les ouvrages a détruire ont coûté plus de 3o millions de fr. Messieurs, l'honorable M. Thiéfry, dans le rap port fait au tiotu de la section centrale, a dit que la question de démolition des forteresses était une question nationale, que dès-lors il était nécessaire de donner suite k la résolution prise et que pour sauver l'indépeudance nationale, il ne fallait pas hésiter k démolir sans retard les forteresses con damnées. L'a est toute la question. Sans doute si l'indépendance est en jeu, il faut savoir faire des sacrifices, il faut savoir se soumettre k de tristes né cessités locales. Sous ce rapport, je serais éven tuellement d'accord avec l'honorable rapporteur. Mais il est un autre point sur lequel je ne puis partager l'opinion de cet honorable collègue; je ne puis croire que la démolition des forteresses sera très-avantageuse k l'Etat je pense que les résul tats prouveront que l'on se fait illusion, et que d'ici k peu de temps de nouveaux crédits assez importants vous seront démandés pour démolir, tandis que les prix de vente des terrains resteront de beaucoup au-dessous des évaluations faites. La place d'Ypres est la plus importante des places condamnées, sa démolition coûterait près d'un mil lion, en prenant pour point de comparaison les adjudications récemment faites k Menin et k Ypres même pour l'établissement de la station du chemin de fer, et je n'oserais affirmer que la vente des t5o k 160 hectares de terrain environ qui, d'après le cadastre, forment le domaine de la guerre, rappor tera la moitié de cette somme. En effet, messieurs, c'est une erreur de croire que dans les petites villes la valeur des terrains k bâtir soit considérable, j'ai peine k croire que l'on trouvera k Ypres, par exemple, des propriétaires ou des entrepreneurs qui consentiront k démolir les remparts de la place sans autre indemnité que la cession des terrains mêmes. Il est évideut pour moi que les frais de démoli tion dépasseront dé beaucoup le pris de vente des terrains militaires; l'État aura donc des sacrifices k faire sous ce rapport et perdra en outre le prix de location des herbages qui;pour la place d'Ypres s'élevait k 24 ou 25 mille fraucs par an. On dira peut-être qu'il y aura économie sons d'autres rapports, qu'il faudra dépenser ntoius pour l'entretien du matériel de l'artillerie et du génie; je ne puis résoudre cette question, mais ce qui est certaiu, c'est qu'eu r843 encore la démolition des forteresses était considérée comme une opération très-onereuse k l'Etat, puisque k cette époque le gouvernement belge invité par les puissances k exécuter la convention de i85i, répondait que la Belgique n'avait pas les ressources nécessaires pour couvtir les frais de démolition des forteresses. La résolution prise par le gouvernement de raser les fortifications des places d'Ypres et de Menin a jeté la consternation et le découragement au mi lieu des populations non-seulement de ces villes mais encore des communes rurales groupées autour d'elles. Ces populations se préoccupent, et k juste titre, du sort qui leur serait réservé si la guerre venait k éclater. D'après le nouveau système de défense, se dit- on de toutes parts, en cas de guerre l'armée se retirera entre l'Escaut et la Meuse, défendra celte partie du territoire, puis s'il le faut, et comme dernière ressource se retirera dans le camp re tranché d'Anvers. Que deviendra alors le pays situé entre la mer et l'Escaut, celte Flandre si riche et dont la popu lation forme k peu près la cinquième partie de la population générale du royaume? Et la réponse que l'on fait k cette question n'est, je dois l'avouer, guère rassurante pour l'avènir. Ce pays, dit-on, sera exposé aux incursions de l'ennemi d'abord, puis occupé par lui, et cette idée, cette perspec tive, effraye les populations, car le souvenir de ce qui se passa a la fin du dernier siècle dans uos contrées n'est pas effacé; on se rappelle encore les massacres, les pillages, les exactions de tous genres qui signalèrent le passage des armées en nemies; 00 n'a pas oublié que dans les communes situées k certaine distance des places fortifiées, les églises, les maisons communales furent brûlées, les archives détruites, les récoltes ravagées et que les habitants furent forcés tle payer d'immenses con tributions de guerre. Plus que jamais, dit-on, nous aurons pareilles calamitésk redouter,car,si la guerre éclatait, depuis Nieoport jusqu'à Tournai, sur une frontière qui a une étendue de 1 7 lieues environ, il n'existera plus un seul point fortifié qui puisse servir d'abri aux populations et de point d'appui k un corps d'armée chargé de nous défendre; en face de nous an con traire de l'autre côté de la frontière, de nombreuses forteresses existent et leurs garnisons pourront cha que jour occuper momentanément nos communes et nos villes. Telles sont, messieurs, les craintes qu'expriment nos populations profondément découragées, et si je m'en fais l'écho dans celle enceinte, c'est non- seulement pour les signaler k l'attention du gou vernement, mais encore dans l'espoir que M. le ministre de la guerre voudra bien donner quelques explications de nature k démontrer que ces craintes sont au moins exagérées et k rassurer nos popula tions, que certaine propagande ne cherche que trop égarer. On me répondra peut-être qu'un peuple, en cas de guerre, il doit savoir sacrifier une partie du pays pour sauver le reste, comme dans un grand in cendie, un capitaine de pompiers doit avoir le courage de faire la part du feu. Je comprends par faitement mieux que personne cet argument, et

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Le Propagateur (1818-1871) | 1853 | | pagina 2