bien que l'arrondissement qui m'a envoyé dans
cette enceinte soit destiné être la part du feu
être sacrifié, je m'y soumets si l'intérêt général
l'exige» Mais, je vous le demande, si une partie du
pays est exposée être dévastée en tempsde guerre,
n'a-t-elle pas le droit de réclamer quelques com
pensations en temps de paix, je demande si, dans
j'opinion de la cbatnbre, il ne serait pas juste que
les villes exposées de pareils désastres, pour ainsi
dire offertes en holocauste pour sauver l'iudépen-
dance nationale, obtinssent en tempsde paix quel
ques compensations, et en tout cas conservassent
les avantages dont elles jouissent depuis un temps
immémorial.
C'est une question d'équité.
Les populations de la plupart des villes dont les
fortifications sont condamnées ont adressé au gou
vernement et la chambre diverses réclamations.
L'honorable M. de Baillet-Latour, qui a mal
heureusement été obligé de s'absenter pour une
affaire urgente, et qui défend toujours avec tant
de sollicitude les iutérêts qui lui sont confiés, a
appuyé la réclamation de Philippeville.
D'autres localités se sont adressées au ministre
de la guerre, je le prie de vouloir bien examiner
avec sa sollicitude habituelle les justes réclamations
et donner suite aux espérances qu'il m'a permis de
concevoir.
Pour donner un sens pratique h mes observa
tions, je peose qu'il serait équitable de placer dans
les villes abandonnées quelque grand établissement
civil ou militaire, peut-être de céder aux villes tout
ou partie des terrains des fortifications.
La section centrale ayant réservé cette question
et reuvoyé les rélamations dont s'agit M. le mi
nistre de la guerre, j'attends avec confiance la ré
solution qu'il prendra h cet égard.
Mais il est un avantage dont les places condam
nées sont depuis longtemps en possession, je veux
parler des avantagesque procure aux petites villes
surtout le séjour de garnison. Nul u'iguore que le
séjour des troupes dans uue ville peu considérable
est un très grand bienfait pour les habitants, une
foule de petites industries tout fait spéciales s'y
sont créés et procurent des moyens d'existence
une partie de la population. Modifier brusquement
uue situation qui existe depuis des siècles en en-
levaut toute garnison, c'est causer la ruine d'un
grand nombre de familles et jeter le décourage
ment au milieu des populations.
Messieurs, une autre considération que je deman
derai a la chambre la permission de lui présenter,
c'est que les administrations communales des villes
ont si admirablement compris les bieufaits qui ré
sultent du séjour d'uue garnison, que quelques unes
d'entre elles ont consenti faire des sacrifices im
menses pour assurer h leurs populations le bienfait
d'une garnison permanente. Plusieurs de ces villes
ont établi h cette fin de lourds impôts qui pèsent
encore sur leurs habitants; elles ont contracté des
emprunts; elles ont enfin, je puis le déclarer en
parfaite connaissance de cause, ajourné les travaux
les plus indispensables, afin de pouvoir créer des
établissements militaires pour loger les corps d'ar
mée que le ministre de la guerre voulait bien leur
envoyer.
La ville d'Ypres, dont je connais plus particu
lièrement la situation financière et les affaires, a,
depuis 1836, dépensé la somme énorme d'un demi-
million pour construire des écuries et des établis
sements militaires, pour acheter les fournitures de
couchage nécessaires l'armée.
Cinq cent mille francs, en dix-sept ans, cette
somme représente peu près trois années des re
venus ordinaires et fixes de cette commune et un
cinquième de son avoir total durant cette période.
C'est la un sacrifice important, un sacrifice sérieux
qui prouve combien ces villes ont besoin de gar
nisons.
Des sacrifices aussi considérables mériteraient
d'être pris en considération très-sérieuse.
On pourrait peut-être accuser les administra
tions communales d'avoir agi avec légèreté en fai
sant de pareils sacrifices. C'est là une erreur. Les
administrations communales en général sont très-
prudentes et très-économes des deniers des contri
buables. C'est ainsi que pour la ville d'Ypres, avant
de créer des écuries, un manège et d'antres éta
blissements destinés la cavalierie, l'administration
communale avait reçu, en 835, la promesse for
melle de M. le ministre de la guerre qu'elle pouvait
compter sur l'occupation de ces écuries d'une ma
nière permanente.
Eo 1847, quand la création d'nne école d'équi-
talion fut décrétée, cette école fut placée Ypres.
La ville se chargea alors des frais d'installation;
elle dépensa de ce chef 4o,000 fr., car on lui disait
Établissez celte école, mettez-là sur un bon pied
c'est un établissement permanent, et vous pouvez
être certaine qu'il vous sera conservé.
Avant celte époque, en 1834,un autre fait s'est
passé. Le gouvernement, ayant des difficultés
traiter avec les compagnies pour la fourniture des
lits militaires, s'adressa aux communes; il leur fit
un appel.
Eh bien, au nombre des communes qui répon
dirent cet appel se trouva la ville d'Ypres, et
pour faciliter les négociations entamées par le gou
vernement avec les compagnies, elle lui fit des
avantages que d'autres villes ne lui accordèrent
pas. C'est ainsi qu'elle consentit n'être payée que
pour les lits occupés.
Mais en échange de ces concessions, le gouver
nement consentit, par un acticle formel d'un contrat
civil, laisser constamment dans la ville d'Ypres
une garnison minimum de 700 hommes, sauf les
cas éventuels où les inléiêts du pays exigeraient
qu'il n'en fût pas ainsi. Quand ces cas éventuels
existent-ils? C'est une question que l'équité et la
bonne foi doivent seules résoudre.
Messieurs, si je cite ces faits, ce n'est pas que
j'entende jeter le blâme sur qui que ce soit, ni sur
les administrations communales qui ont fait ces dé
penses, ni sur les ministres de la guerre qui ont
pris ces mesures.
Je veux seulement prouver que retirer subite
ment les garnisons aux villes qui eu sont en posses
sion depuis longtemps, c'est les exposer une ruine
certaine, c'est occasionner la caisse communale de
ces villes une perte telle, que l'administration de
vient en quelque sorte impossible.
Le séjour d'une garnison augmente les produits
de l'octroi, et lorsque les villes font elles-mêmes le
service du casernement, le produit de l'indemnité
qui leur est payée de ce chef est important.
La perte de la garnison amènerait dans les caisses
de la ville d'Ypres un déficit de 3o,ooo 35,000
francs. Je demande si, une perle de 3o,ooo
35,000 francs sur un budget total de 180,000
1 go,000 francs l'administration est encore possible,
et si, eo pareilles circonstances, le gouvernement ne
doit pas faire ce qui est possible pour améliorer le
sort de ces villes.
L'opinion que j'émets cet égard n'est pas nou
velle.
En i845, l'honorable prince de Chimay, dans
le rapport sur le projet de loi relatif l'organisa
tion de l'armée, disait:
Réduire l'armée outre mesure, ce serait porter
préjudice uue foule d'industries et tarir en même
temps la source des revenus de certaines villes aux
quelles leurs garnisons donnent seules les moyens
de faire face aux nécessités de l'administration.
Ainsi l'opinion que j'émets n'est pas neuve, et
je suis heureux de me rencontrer cet égard avec
l'honorable prince de Chimay.
En résumé donc, messieurs, on ne peut se dissi
muler que les villes qu'on démantèle en ce moment
sont sacrifiées l'intérêt géuéral en d'autres termes
qu'elles sont expropriées en quelque sorte pour
cause d'intérêt public, d'intérêt national. Dès lors,
il est juste, il est équitable que le gouvernement
accorde ces communes une indemnité ou une com
pensation.
Je pense encore que lorsque le pays tout entier
contribue aux dépenses générales du royaume, la
justice distributive exige qu'autaDt que possible on
fasse profiter tout le pays des bénéfices des dépenses
faites. Ainsi tout le pays contribuant aux dépenses
qu'exige notre système de défense, il est juste aussi
que toutes les parties du pays puissent dans une
juste proportion en temps de paix, profiter de
bienfaits que les garnisons procurent.
S'il en était autrement, les populations de cer
taines parties du pays, par exemple de toute la
contrée située entre Nieuport et Tournai, seraient
destinées payer constamment et sans compensa
tion aucune. En temps de guerre, elles payeraient
l'ennemi. Les hostilités venant cesser, elles
payeraient encore la patrie leur part dans les frais
de la guerre; enfin quand la paix serait faite, elles
auraieut encore payer leur part dans le budget de
la guerre. Aujourd'hui les villes dont on démolit
les fortifications sont forcées de payer elles-mêmes
leur part dans les frais de démolition qui causent a
quelques-unes un si grand préjudice.
Il me reste une dernière observation faire. Si
la démolition des places condamnées est nécessaire,
je demande que dans l'exécution des travaux on
lèse les intérêts communaux le moios possible; je
demande, par exemple, que l'on n'enlève pas aux
villes condamnées la possibilité de percevoir les
droits d'octroi en détruisant entièrement les obsta
cles qui jusqu'ici facilitent la perception de ces
taxes; si l'on agissait autrement, on tarirait les
principales sources des revenus communaux, on
augmenterait les frais de perception et l'on for
cerait plus tard les communes soit creuser des
fossés, soit bâtir grands frais un mur d'octroi
je pense donc qu'on doit avoir égard ce grand
intérêt local et que l'on devrait même céder aux
villes les boulevards et le chemiu de ronde néces
saires pour garantir la perception de ces taxes.
L'État n'a, en cette circonstance, qu'un seul in
térêt, celui d'ôter aux places condamnées toute
valeur défensive; cet intérêt satisfait, l'État doit,
je pense, ménager autant que possible ceux des
communes. Ainsi, pour ce qui concerne la ville
d'Ypres, il importe nou-seulement qu'on ait égard
sa situation financière, mais encore qu'on ne
perde pas de vue que les habitants de celte ville
n'ont d'autre eau potable que celle qui leur est
fournie par les fossés de la place, fossés creusés
primitivement par la commnue d'Ypres et utilisés
plus tard pour la défense de la forteresse.
Messieurs, je termine et je me résume; je de
mande que le gouvernement, avant d'ordonner la
démolition de la place d'Ypres, veuille bien se
rappeler que cette place, aux termes des traités,
devait être conservée et qu'elle serait, Menin étant
démantelée, la seule forteresse entre la mer et
l'Escaut; que, s'il est indispensable, dans l'intérêt
du pays, de procéder cette démolition, le gou
vernement veuille bien ne pas perdre de vue les
sacrifices faits dans l'intérêt de l'année et accorder
la ville d'Ypres et aux autres forteresses con
damnées, les compensations auxquelles, en équité,
elles me semblent avoir des droits incontestables.
Lors de la discussiou de la loi d'organisation et
du budget de la guerre, je me suis abstenu de pren
dre la parole; j'ai pensé que les observations que
j'avais faire trouveraient mieux leur place l'oc
casion du crédit pour la démolition de quelques
forteresses.
Je prieavec instance le gouvernement de vouloir
bien avoir égard aux observations que j'ai eu l'hon
neur de développer; je suis convaincu qu'il ne
voudra pas que, dans un moment où le pays entier
n'attend de l'avenir que prospérité et bonheur,
quelques contrées déshéritées seules aient se
préoccuper tristement du sort fatal qui leur semble
réservé. (La suite au prochain nQ.)
Samedi 11 de ce moisont eu lieu dans
l'église de St.-Martin, les funérailles de M.
Toussaint Duval, médecin adjoint Chôpital
militaire décédé en notre ville l'âge de 46
ans. La foule immense qui suivait le deuil
témoigne hautement de l'estime générale que le
défunt s'était su concilier par ses hautes quali
tés. Aux connaissances médicales justement
appréciéesM. Duval joignait une aménité de
caractère qui le rendait cher tous. Fervent
catholique autant que zélé médecin, et brave
militaireil sut courageusement fouler aux
pieds les moqueries des misérables railleurs