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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3133.
36nle année
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypres, rue de Lille, «o, près la Grand
Place, et chez les Percepteurs des Postes du Royaume.
PRIX DE L'ABONNEMENT, par trimestre,
Ypres fr. 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un n° 25 c.
Le Propagateur paraît le SAMEDI et le MERCREDI
de chaque semaine (Insertions 9 9 centimes la ligne.)
TFPLES, 9 JUII •LET.
une
ÉLÉGIE DANS LE GENRE COMIQUE.
Il aurait fait rire un Sénat.
(Le singe querelleur.)
Après s'être faiten haine des ministres du
culte, l'écho complaisant d'un bruit calomnieux
et inexact de tous points (ainsi que le Progrès
lui-même l'a reconnu,) la charge de M. le curé
Pollet, la feuille pamphlétaire, mise en de
meure de se retracter, eut recours aux subterfuges
les plus misérables, et ne s'exécuta enfin de
bonne grâce que lorsqu'elle se vit sérieusement
menacée de poursuites judiciaires. Alors seule
ment le Progrès retracta formellement les ca-
lomuies dont il eut été trop heureux de pouvoir
salir la robe sacerdotale; parce qu'alors eufin il
eut peur. Acquitté aujourd'hui par devant le jury,
le courage lui est revenu, et tout la lois il a
repris sou ancienne insolence et sa morgue gro
tesque. Coupable uéauiuoins d'a^uijL^ccueilli avec
avidité des faits, qui, s'ils eussent été vrais, auraieut
porté un grave dommage la réputation et l'a
venir d'un respectable prêtre, le Progrès, s'il
n'avait l'âme assez grande pour adresser des ex
cuses celui qui aurait pu devenir sa victime, était
tenu tout au moins une grande reserve envers ce
digne ecclésiastique. Si le sens moral n'était éteint
chez lui, il eut compris, le Progrès, que sa propre
dignité lui commandait de couvrir cette déplorable
affaire du voile de l'oubli; il eut compris que,
quelque favorable qu'eut été son égard le ver
dict de la cour d'assises, ce u'en était pas moins un
scandale et une honte pour lui d'avoir saisi avec
une précipitation aussi maladroite que pudibonde
l'occasion de perdre un pasteur des âmes dans
l'estime de ses paroissieus et d'immoler ses haines
irréligieuses l'honneur d'une vie sans tâche. Le
Progrès cependant n'a pas compris ce que lui
imposaient sa position et ses fâcheux antécédents,
et comme si l'odieux dont il se couvre plaisir ne
lui suffisait pas, il a pris soin d'imprimer a ses
rodomontades le cachet du ridicule le plus achevé.
Mais laissons ce patibulaire héros de tragédie se
produire lui même sur la sècne. Quelques extraits
de son dernier factum, en même temps qu'ils amu
seront beaucoup les amateurs du genre rococo et
burlesque, serviront, plus que tout ce que nous en
pourrions dire, faire convenablement apprécier
la polémique et le caractère de ce journal.
Descendu sain et sauf de la sellette des accusés,
le Progrès, se posant en victime héroïque, adresse
h M. Pollet cette larmoyante complainte.
Monsieur le Curé,
Depuis plusieurs mois, une accusation de
calomnie pesait sur nous, vous nous aviez
traînés devant cette cour d'assises où ne com
paraissent d'ordinaire que des voleurs et des
meurtriers alors, semblables ces animaux
carnassiers qui hurlent brutalement a la vue
d'une proie facile saisir, parce qu'elle est
prise au piège dressé par un braconnier ha
bile, alors le Propagateur et la Patrie, organes
du parti soi-disant catholiquejetaient des
cris de joie et chantaient le Te Deiun.
Ces injures notre adresse nous touchent peu,
comme bien on pense; quant au Progrèsil se
trouverait sans doute fort embarrassé si nous le
sommions de corroborer ses allégations par des
extraits mêmes du Propagateur. Suit un pa
ragraphe où le véridique journal déclare sans trop
d'ambiguité que devaot un jury qui ne fut pas
exclusivement laïque, il ne l'eut peut-être pas
échappé si belle. Poursuivons:
Aujourd'hui, Monsieur le Curé, la suite
d'un verdict de non culpabilité prononcé a l'u
nanimité par le jury, la cour a proclams notre
innocence et comme conséquence, l'inanité de
votre plainte aujourd'hui nous sommes Jorts,
Monsieur le Curé, mais ne tremblez pas, ras
surez- vous, vous n'avez pas faire a l'un
des vôtres, nous sommes vos adversaires
mais nous sommes libéraux, rassurez-vous
donc.
Ces turlupinades n'ont pas besoin de commen
taires. Ou hausse les épaules, et l'on passe outre.
Cependant, Monsieur le Curé, vous avez
taché de nous faire du mal et il n'u pas tenu
vous qu'il ne nous en fut f ait beaucoup.
Et vous nous avez Jait du mal, Monsieur
le Curé, car par suite de votre dénonciation
non fondée, vous nous avez momentanément
exposés au mépris qui couvre les calomnia
teurs, vous nous avez arachés notre atelier,
nous qui vivons de notre industrie et qui ne
trouvons pas comme vous des moyens d'exis
tence dans la caisse de l'état. (Si ce n'est
dans la caisse de l'état que M. l'imprimeur du
Progrès (car c'est lui que le Progrès amène ici
sur la scèue) trouve ses moyens d'existence; c'est
coup sûr du fond d'une autre caisse qu'il pré
lève ses profits et indemnités, vu que la publication
de son journal doit lui être peu lucrative et
le casuel prélevé sur les fidèles, vous nous avez
fait du mal, Monsieur le Curé, car nous avons
une famille, et en partant pour la cour d'as
sises, nous avons vu notre famille chérie verser
des larmes bien amères, tout cela, Monsieur le
Curé, a été votre œuvre, l'oeuvre d'un prêtre
du bon Dieu!
Il eut pu, grâces vous, nous arriver pis
encore si nos juges eussent été de voire avis,
Monsieur le Curé, nous étions déclarés calom
niateurs, jetés en prison, arrachés l'amour
de notre épouse, l'affection de nos enfants,
l'amitié de notre famille, nous étions ruinés,
car nous vivons de notre travail, alors nos
pauvres petits enfants eussent été réduits un
jour la misère et tout cela, Monsieur le Curé,
eut été votre œuvre, l'oeuvre d'un ministre
du bon Dieu I
Le chaulre des Tristes n'est pas plus touchant
lorsqu'il raconte comme quoi l'exil l'arracha ses
Pénates. Au reste la qualité d'époux et de père de
famille n'est pas, ce nous semble, ce qui doit ar
rêter le bras de dame justice h l'égard d'un ac
cusé. Mais nous reviendrons tantôt ce tableau
de genre.
Vous avez cru sans doute que nous som
mes de ceux qui intriguent pour arrêter le
bras de la justice et de ceux qui ont peur de
franchir le seuil du palais. Ah Monsieur le
Curé, vous nous avez jugés d'après vous-
même, car vous qui avez porté plainte contre
nous, vous n'avez pas osé franchir ce seuil,
vous avez lâchement fui, comme l'a dit notre
avocat, vous avez peut-être bien fait du reste
de ne pas affronter le regard du jury et de la
cour, ce regard eut été terrible pour le prêtre
qui a mené devant les tribunaux un père de
famille innocent.
Qu'est-ce dire, M. Lambin, vous vous plaignez
des poursuites qui vous furent intentés; de ce chef
vous appelez a grands cris la commisération pu
blique sur votre personne; vous trouvez mauvais
qu'un citoyen indignement maltraité dans son hon
neur pense qu'il y a lieu h demander réparation
par-devant la justice du pays (certes si M. le curé
de Locre n'eut été convaincu de son droit, il se
fut bien gardé de faire cette démarche); et cepen
dant, M. Lambin, ou plutôt, MM. les pourvoyeurs
du Progrès qui vous êtes fait un plastron de ce
pauvre imprimeur, cependant vous qualifiez de
lâche ce même curé de Locre, parce qu'il ne
voos a pas Irâqué avec assez de vigueur.
Ah! si, au lieu de se borner déposer une
plainte; si, ne se contentant point d'eu refèrer
simplement h la justice, M. Pollet eut jugé con
venable de se faire représenter devant elle; s'il
eut appuyé sa plaiute par les moyens légaux qui
s'offraient; s'il eut fait dévoiler, par l'organe d'un
avocat, le caractère, les tendances, l'esprit du Pro
grès, ne se pourrait-il pas que ce journal n'en eut
pas été quille de son procès si bon compte n'est-
il point permis de croire qu'il eut eu tout au moins
supporter les frais de la poursuite, comme la
Cour eu a jugé de faire dans le procès intenté par
M. Verstraete 'a Beeckman le renégat?
Quoi! M. Pollet, un lâche? Lui qui, sur ap
paremment d'obtenir du jury une réparation
d'honneur, ne voulut pas vous presser davantage,
Progrès lui, qui vous laissa respirer et s'abstint
généreusement d'agraver vos torts!
M. Pollet, un lâche? Ah! s'il y en a des
laches, en toute cette affaire, regardez derrière
vous, M. Lambin, et jeltez cette flétrissante épi—
thète a ceux que vous avez converts de votre
responsabilité! Imprimez, imprimez ce honteux
stigmate au front des pamphlétaires qui, après
avoir abusé de votre crédule bonacité pour propa
ger un bruit calomnieux, vous poussèrent, pauvre
dupe, jusqu'à l'ignoble sallette des accusés, et qui
se tenant blottis derrière vous furent les vrais
auteurs de tous vos déplaisirs, et seuls firent couler
ces larmes dont vous entretenez vos lecteurs avec
tant d'émotion et taul de complaisance!