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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
No 3766.
37me année.
7??.3S, 2 Novembre.
Dans quelques jours, les représentants
Belges aux chambres législatives, repren
dront leurs travaux. Une session parle
mentaire des plus intéressantes va s'ouvrir;
plusieurs lois importantes, notamment un
système de législation qui mette fin aux
tracasseries et aux entraves, suscitées con
tre la charité privée, dans l'exercice de sa
mission bienfaisante, sont attendues par
le pays avec impatience.
Les électeurs des campagnes, froissés
des vices que présente le mode élecloral
aujourd'hui en vigueur, et qui porte de si
grands préjudices leurs intérêts et
leurs droits constitutionnels, demandent
par la voix de plus de 15,000 pétitionnai
res que, conformément l'art. 6 de la cons
titution qui déclare tous les Belges égaux
devant la loi, ils soient placés sur le même
pied que les habitants des villes, en ce qui
louche l'exercice de leurdroilélectoral. Un
arrangement entre le gouvernement et
l'autorité ecclésiastique pour ce qui con
cerne l'enseignement religieux donner
dans les collèges de l'Etal; c'est-à-dire une
réorganisation de l'enseignement moyen,
sur des bases telles que le prêtre trouve
des garanties suffisantes ce qu'il ne se
voit réduit se tenir en dehors des collè
ges et des athenées, voilà ce qui fait l'objet
des vœux de la grande majorité du pays.
En dehors de ces améliorations équila-
UN HOMME POUR UN FAUCON
bles si vivement réclamées, il est une foule
d'autres griefs, non moins fondés, dont
le pays demande que la législature fasse
prompte justice. Ces griefs qui sont la
condamnation la plus flagrante du système
administratif inauguré depuis 1847 par
MM. Rogier-Frère et leur attelage soi-
disant libéral, reposent en majeure partie
sur la gène publique que les étourderies et
les maximes financières ruineuses de la
politique nouvelle ont, sinon créé, du moins
augmenté considérablement.
Rappelons en effet quelques uns des
actes des Colhert clubistes, et voyons si
c'est bien en semant des faveurs et en opé
rant des économies qu'ils manquèrent leur
passage au pouvoir.
Après avoir supprimé le timbre des jour
naux le ministère Rogier-Frère a imposé
au commerce de nouvelles charges par le
timbre sur les effets ordre et les lettres
de voilures. (Lois des 20 juil. et 28 déc.
1848.)
Il a voulu exposer les produits de notre
agriculture une concurrence ruineuse.
(Loi du 22 fév. 1850.)
Le 22 janv. 1849 la loi sur les patentes
a été modifiée elle augmente le droit pour
un grand nombre de patentables déjà for
tement imposés. Nous ne parlons que pour
mémoire, des changements successifs ap
portés au tarif des douanes. Ils accusent
du reste, une absence complète de système.
La même faiblesse s'est révélée dans la
discussion de la loi sur les sucres. La loi
sur les distilleries du 20 déc. 1851 a déjà
dû être modifiée par la loi présentée par
M. Lieuts. Il en sera de même de celle du
l"déc. 1849 relative au débit des boissons,
par laquelle la politique défunte a conféré
la qualité d'électeur une foule de petits
aubergistes.
Reste la loi sur les successions paternel
les qui frappe d'une impopularité toujours
croissante l'administration qui l'a propo
sée.
Voilà avec les lois sur la bière, le tabac,
et la garde civique, comportant toutes de
nouvellescharges,le bagage de la politique
de MM. Rogier et Frère.
Pour donner une idée plus complète
des bienfaits dûs ces hommes d'État met
tons en regard 2 budgets de 1847 et de
1853, celui des voies et moyens et celui de
la dette publique En 1847 le montant du
service de la dette publique était de fr.
27,891,866, 78 c., en 1853 il s'élève fr.
32.102,564, 09 c., ce qui fait une augmen
tation de plus de 4 millions.
Voilà des actes dont l'honneur revient
au soi-disant libéralisme! Quant au budget
des voies et moyens, il s'élevait en 1847
fr. 114.673,650; il s'élève en 1853 fr.
123,224,250 Ce qui constitue une augmen
tation permanente de contributions et
d'impôts, dont les contribuables se plaig
nent amèrement. En présence de la crise
alimentaire que la bourgeoisie endure, il
va sans dire, que tout homme sage, doit
reconnaître que jamais avec plus de droit,
le cri d'économie et de diminution des impôts,
ne s'est fait entendre aux oreilles des man
dataires de la nation, et que jamais tant
et de si pressants motifs ne leur comman
dent d'y avoir égard.
Dans le courant de la semaine dernière,
trois délégués de la commission royale des
—a
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On a'.honut: Ypres, rue de Lille, 10, pies U Grand
Place, et cher, les Percepteurs des Pestes du Royaume.
PRIX ni: 1/AK«>*NKME!VT, par trImpaire,
Ypres fr. 3. Les aulieif localités fr. 3-5o. Un u° a5 c.
Le l'ro|>a*atrnr («irait le H1Ml;IlI et le nr.KrHESI
de chaque semaine, (laaertlnna II centlnirs la llgae.)
(Suite et fin.)
Ma chère Savine, vous avez du remarquer
que je oe puis avoir aucuu repos auprès du Duc,
notre seigneur. Il faut toujours avec lui chasser,
manier les armes, courir le vol de l'oiseau, telle
ment que vous me voyez souvent reveuir demr-
inort. C'est pourquoi, afin de le détourner un peu
d'une telle ardeur de chasse, je viens de lui faire
un tour qui ne lui plaira guère, mais qui, je l'es
père, nous donnera quelques jours de repos.
Que lui avez-vous donc fait? dit Savine.
J'ai tué, répondit Yves, son plus cher faucon.
Il sera si furieux lorsqu'il ne le trouvera plus, qu'il
s'enfermera pendant deux ou trois jours sans re
cevoir personne. Le voici, ajouta-t-il, en tirant
l'oiseau mort de dessous sa robe: faites-le cuire;
nous le mangerons k souper, afin qu'il n'en reste
aucune trace.
La dame, voyant le faucon mort, changea de
visage et prit l'épouvante
Hélas, mon ami, dit-elle, vous tous exposez
une perte certaine. Qui pourra vous soustraire k
la colère du Duc, s'il a connaissance de ce que vous
avez osé
Comment voulez-vous qu'il le sache, répli
qua le mari, puisqoe vous seule en êies instruite?
C'est vrai dit Savine; et vous devez être
persuadé que j'aimerais mieux souffrir mille morts
que de révéler un secret qui vous pourrait nuire.
Ayant dit cela, elle fil cuire le faucon mais
lorsqu'il fut sur la table, quoi que sou mari lui pût
dire, soit qu'elle n'eut pas goût de tels mets, soit
qu'elle eût horreur de manger le faucon du Prince,
elle ne voulut pas y toucher. Yves Casterinan, las
de l'engager 'a lui faire compagnie, ou peut-être
voulaut pousser son épreuve jusqu'au bout, s'im
patienta, dit des injures, leva la main et donna sa
femme un soufflet, tellement que sa joue en devint
pourpre.
La dame, qu'un tel traitement dot surprendre,
se mit k pleurer, gémir, puis s'irritaot, se leva de
table et s'en alla, la menace k la bouche, s'enfermer
dans sa chambre,grommelant entre sesdents qu'elle
saurait se venger.
Yves, bien sûr de sa discrétion, ne fit que rire
de ce moment de colère, et acheva de souper en
disant J'aurai fait du moins une épreuve suf
fisante.
Il s'alla coucher aussi et dormit sans la moindre
inquiétude.
Mais le lendemain matin, Savine, qui n'avait
point fermé l'œil, s'étaot levée de bonne heure,
s'en fut droit au palais du duc de Bourgogne, et
lui raconta ce que son mari avait fait. Yves dor
mait encore, lorsque les hommes d'armes de Char-
les-le-Téméraire le vinrent prendre au lit, le
garotlèrent et l'emmenèrent; car le Prince, écu-
mant de colère, avait ordonné qu'il fût pendu
comme un vilain, et que ses biens confisqués fus
sent divisés en trois parts, dont l'une serait donnée
k sa femme, l'autre k son fils, la troisième k celui
qui le pendrait.
Sulpice, qui était alors beau, grand et fort jeune
homme, ayant connaissance de l'arrêt qui veuait
d'être porté contre son père, dit k Savine
Mère, ne serait-il pas bien que je pendisse
mon père moi-même, et que je gagnasse ce tiers
de ses grands biens, qui autrement sera la part d'uu
étranger
Certes, mon fils, répondit Savine, c'est fort
bien dit k vous. Eo faisant de la sorte, toute la
fortune demeurera entre nous deux.
Sulpice courut aussitôt au palais, et se présen
tant devant le Doc, demanda la faveur de pendre