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JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT.
]\o 3767.
37me année.
Le libéralisme était synonyme de prodi
galité, nuls n'auraient mieux mérité la
dénomination de libéraux que ceux qui ré
gentent avec dédain les habitants d'Ypres.
Combien de fois n'avons nous pas signalé
les gaspillages auxquels se livraient étour-
diment nos édiles? Le collège communal,
la salle de spectacle, la musique des pom
piers, celle de la garde civique, l'école
communale, les travaux l'étang de Zille-
beke, les subsides pour des routes préju
diciables la ville, les dépenses excessives
aux bâtiments militaires lurent tour tour
l'objet de nos observations, de nos criti
ques, et, quelquefois même de notre in
dignation. On répondait par le rire de
l'insolence.
Qu'arrive-t-il cependant? Les fortifica
tions de la ville sont démantelées; la gar
nison part, les casernes, les écuries sont
vides, et la caisse de l'hôtel de ville devient
on ne peut plus légère. C'est tel point
que le Conseil communalcomposé, on le
sait, de tout ce que la ville possède de plus
intelligent et de plus habile, n'est pas en
état de se tirer d'affaire, quand il s'agit
de dresser le budjel de 1854.
Nous n'avons plus besoin de crier aux
économies, elles sont devenues une néces
sité, même aux yeux des libéraux prodigues
qui occupent nos chaises eu ru les. Voyez
les coudes appuyés sur la table; la tète
dans les mains ils s'ingénient découvrir
la première mesure prendre, pour entrer
dans celle voie hors de laquelle il n'y a
plus de salut. Ne soyez pas pressés; la
chose est extrêmement grave; s'il n'y
avait là, que des modérés ou plutôt des
rétrogrades, ils ne sortiraient pas de leur
perplexité, mais ce sont des hommes de
progrès, ce sont des hommes pleins de
lumières et d'expédients. Leur méditation
est son terme; le moyen est trouvé il
est résolu l'unanimité, que l'intérêt, des
sommes empruntées par la ville aux ad
ministrations charitables sera réduit de
quatre et demi quatre.
iModérés, arriérés, catholiques, recon
naissez-le vous êtes incapables d'inventer
une pareille ressource.
Dans un moment où tout concourt
multiplier les privations des pauvres, nos
édiles décrètent que le revenu des pau
vres sera écorné.
Ho! devant ce résultat, nous avons des
regrets, presque des remords, d'avoir ja
mais parlé d'économie. Dépensez tant qu'il
vous plaira, augmentez les centimes addi
tionnels tant que vous pourrez, mais, nous
vous en conjurons, ne touchez pas au
patrimoine du pauvre ce qui est insigni
fiant pour la généralité, devient considé
rable pour les malheureux.
Lejournaldesclérophobes s'ingénie dans
son dernier n° enfiler en deux articles
consécutifs toute une kyrielle d'allégations
gratuites, de diatribes usées et d'imputa
tions anti-historiques contre la liberté de
la charité, le droit d'association et les or
dres religieux. Nous ne ferons pas ce
déclamaleur aussi insipide que fanatique
l'honneur de nous occuper longuement de
lui. Il nous suffira de produire un seul
échantillon de sa manière de parler lo
gique.
Après s'être hypocritement apitoyé sur
le peu de ressources qu'offre en la crise ac
tuelle la charité cléricale (lisez: chrétienne),
notre homme ajoute la fin de son réqui
sitoire, que depuis 1850, les libéralités
autorisées au profit d'établissements re-
ligieux représentent une somme de seize
Les droits perçus par la douane fran
çaise sur nos houilles ne sont que fr. 1-65
par 1,000 kilogr. tandis que les droits
d'octroi s'élèvent Ypres, pour la même
quantité fr. 2-00. La taxe communale
d'Anvers prélève fr. 1-25; celle d'Ostende
fr. 1-50. Les droits de douanes ne repré
sentent donc que 8 et 9 p. c. de la valeur
vénale de la marchandise, tandis que les
taxes communales prélèvent 15, 25 et
même 35 p. c. Un remarquera par ces
chiffres, que la ville d'Ypres, qui doréna
vant peut être rangée sur le dernier rang
sous le rapport des ressources, ne tient
guère le dernier rang dans la perception
des taxes communales.
Dans la journée de la fètede la Toussaint,
l'on a vu des chariots transportant des
briques, pour l'administration du chemin
de fer, traverser continuellement les rues
de notre ville. La généralité des habitants
d'Ypres, chez qui le sentiment religieux
est profondément vivace, ont vu avec in
dignation cette violation flagrante du
commandement de l'Ëglise catholique, qui
prescrit le repos du Dimanche. Si le dévé-
lopement des chemins de fer constitue un
progrès social comme quelques uns le
prétendent, il serait désirer qu'il ne con
stituât avant tout un progrès vers l'oubli
et l'indifférence des principes fondamen
taux delà religion catholique, qui est sans
contredit la véritable force conservatrice
de la société.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'ahouue Y prèsrue de Lille, 10, près la Grand
Place, et chei les Percepteurs des Postes du Royaume.
l'HIV »i: U'ABOlftE.tlEKT, par trlmeatre,
Yprès fr, 3. Les autres localités fr. 3-5o. Un ii° 25 c.
Le Propagateur paraît le AA.1IEIH et le SIEItCKEQI
de chaque semaine. (Insertions i 9 centimes la ligne.)
TPBiSS, S Novembre.
une économie de bouts de chandelles.
millions, trois cent six mille, quatre cent
quatrevingt-un francs (fr. 16,506,481).
Nous croyons sans difficulté le confrère sur
parole; ou plutôt, nous prenons plaisir
cet aveu; mais que prétend-l-il conclure de
ces faits contre nous? Celle somme d'au-
delà de seize millions affectés des œuvres
de charité (puisque la loi ne reconnaît point,
que nous sachions, d'autres établissements
religieux que ceux de bienfaisance, et ne
pourrait par conséquent en autoriser d'au
tres recevoir des legs ou donations), celte
somme, disons-nous, ne prouve-t-elle pas
que, contrairement aux allégations de la
feuille vollairienne,!a charité cléricale, loin
d'être inerte et engourdie, brille encore de
l'éclat le plus beau et se signale, comme
toujours, par d'immenses bienfaits.
Un fait étrange vient de se passer b Paris. Une
jeune actrice du Vaudeville a trouvé tellement
iodécent un rôle qu'on lui assignait dans une pièce,
qu'elle s'est refusée b jouer. Il s'agissait, pour elle,
de représenter la Treille de sincérité dans un cos
tume dont la feuille de vigne et le maillot faisaient
tous les frais et de débiter des équivoques obscènes
en harmonie avec le costume.
Bien des gens ne s'étonneront que d'une chose,
c'est de voir une actrice reculer par sentiment de
pudeur devant l'immoralité d'une pièce comme il
y en a tant au théâtre qui est, comme on le répète
volontiers, une école de mœurs. Ainsi a pensé le
directeur du Vaudeville, qui a assigné M11* Julie
Teisseire devant le tribunal de commerce de Paris,
et le tribunal du commerce a tendu le jugement
suivant
Attendu que M11" Teisseire, invoquant tout
b la fois l'inconvenance des paroles et du cos-
tume du nouveau rôle, n'a pas voulu s'en charger
et a opposé uu refus formel b la sommation qui
lui a été faite
Mais attendu qu'il résulte des débats que le
rôle réservé b M"° Teisseire dans la pièce uou-
velle ne présenterait pour elle aucune situa-
tion imprévue au théâtre et rentrerait
au contraire dans le répertoire qui lui
est imposé par ses obligations
Par ces motifs, le tribunal dit que dans la
huitaine la demoiselle Teisseire sera tenue d'ac-
cepter, de répéter et de jouer le rôle sus énoncé
sinon et faute de ce faire dans ledit délai, la
condamne b payer la somme de 10,000 fr. b titre
de dédit, et la coudamoe aux dépens.
Que le jugement du tribunal parisien soit con
forme b la stricte légalité, cela est possible. Mais, a
coup sûr, c'est le cas de répéter le mot de M. Vien-
net: La légalité actuelle nous tue. En effet, elle
tue la morale, la pudeur, les convenances, la li
berté du dernier sentiment auquel ou rende hom
mage même dans les sociétés les plus corrompues.
Toute la législation civile est dominée par l'ar
ticle 6 du Code qni porte: «On ne peut déroger,
a par des conventions particulières, aux lois qui
intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
Il faut croire que les mœurs publiques ne sout
qu'un mot en l'air ou qu'il n'y a pas de loi écrite
pour les protéger. Cependant si une femme se
rooulrail en pleine rue dans le costume qu'on im
pose b l'actrice, il est probable que la police ne le
tolérait pas. Comment ce qui blesserait la morale