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JOURNAL D'YPRES ET SE L'ARRONDISSEMENT.
GRANDE NOUVELLE.
No 3768.
Mercredi, 9 Novembre 1853.
37me année.
La nouvelle du jour est extraordinaire,
inattendue, imprévue. Nos édiles ont offert
leur démission en masse. Il parait, néan
moins, qu'ils ont mis en post-scriplum: nous
Us se trouvaient dans une fausse posi
tion. Sous le ministère Malou, le retrait
d'une partie delagarnison servait dethème
leurs déloyales attaques contre le gou
vernement; sous le ministère actuel, le re-
trailde toute la garnison, le démantèlement
des fortifications ne leur prêtait pas même
le courage d'une simple protestation. Ils
ont rongé le frein jusqu'ici; et humiliés de
leur propre conduite, ils s'abandonnent
un coup de tète.
Pourquoi ledoctecorpsquisiége l'hôtel
de ville donne l-il sa démission? Est ce par-
cequ'il ne parvient pas arrêter le budget
de 1854? Est-ce pareequ'il ne sait pas ad
ministrer sans garnison? Est-ce pareequ'il
boude letninislère? Est-ce pareequ'il se sent
abandonné par les hommes sincères et
indépendants? Est-ce enfin pareequ'il est
convaincu de son impuissance? C'est as
surément un peu cause de toutes ces
considérations.
Mais il est un point plus essentiel. Cette
démission est-elle sérieuse? C'est ce que le
futur contingent viendra vérifier. Si elle
est sérieuse, aucun des démissionnaires ne
peut plus se laisser mettre sur les rangs.
On verra probablement le contraire; on
verra: ou que, sous n'importe quel pré
texte, cette démission sera retirée; ou que
nos matadors se feront réélire par leur ser-
vile majorité. Êl alors les choses continue
ront leur train comme auparavant.
Ce qu'ils veulent, c'est se donner des
airs de grandeur, et de magnanimité; ce
qu'ils veulent, c'est obtenir un bill d'in
demnité pour les folles dépensesauxquelles
ils se sont livrés.
Ils se sentent usés ces hommes: ils dési
rent qu'on les retrempe une élection
totale: ils sont sûrs d'avance du résultat;
ils tiennent leur majorité par des fils d'or
et d'argent.
En effet, qui croira jamais que des gens
qui, depuis vingt ans, recourent tant de
moyens pour arriver et rester l'hôtel de
ville en descendent de gaîlé de cœur? Qui
croira jamais que certaines familles désis
tent de leur prétention régenter les masses?
Quicroirajamaisqueceriains hommes abdi
quent une position qui leur a coûté tant
de peineseldebassesses? Qui croira jamais
que des ambitieux résignent le pouvoir?
Qui croira jamais que des despotes renon
cent au despotisme? Cela ne se réalisera
que lorsque les oiseaux nageront dans la
mer et lorsque les poissons voleront dans
les airs?
Il n'y a donc que des niais qui puissent
ajouter foi ces semblants d'abnégation.
La démission n'est qu'une fanfaronnade
et une comédie.
VÉRITÉ ET JUSTICE.
On s'abonne Ypiesrue de Lille, io, juès la Grand
Place, et chez les Percepteurs dès Postes du Royaume.
l'ItIX l»i: U'AKSO.WEMENT, par trimestre,
Y près fr. 3. L«s aulies localités fr. 3-5o. Un n° '2 5 c.
Le Propagateur paraît le N.%10EIII et le MERCREDI
de chaque semaine, (inwertion.s 19 centimes la ligne.)
7??.3S, 9 Novembre.
serons charmés de recevoir un vouveau man
dat.
Dimanche dernier, une proclamation adressée
aux habitants de la part de l'administration com
munale, est venue annoncer que la veille les mem
bres du conseil avaient donné leur démission en
masse. Cette décision que les signataires de l'a
dresse rattachent l'insuccès de leins démarches
piès le gouvernement pour obtenir une augmen
tation de garnison, nous a fort peu surpris. Depuis
assez longtemps, eu effet, nous étions instruits des
embarras financiers de nos édiles: sans doute on se
rappelle combien de fois nous signalâmes la source
du mal; combien de fois nous avons comagense-
nient inis le doigt sur la plaie. Comme citoyens et
comme journalistes, c'était pour nous user d'un
droit, c'était remplir un devoir, coinaflicus que
nous étions, que pour parer efficacement aux pro
chaines éventualités d'un désastre financier, il im
portait de revenir sans retard soi les erreinenis du
passé, il importait d'inaugurer un système d'éco
nomies sages et continues. Ce que nuus avancions,
ce n'étaient point de gratuites suppositions, des
aiguuieiits plus ou moins plausibles, c'étaient des
chilires. Nous ne liâmes point écoulé. On méconuiit
l'évidence; ou calomnia nos intentions; la presse
communale paya nos raisons d'invectives et les
dépenses allèrent bon train, traiuant la remorque
la débâcle financière de notre cité jadis si floris
sante.
Cependant le génie militaire avait depuis quel
que temps déj'a décidé la démolition de nos rem
parts, et la première conséquence de cette mesure
lut pour la ville la perte partielle d'abord, bientôt
complète de sa garnison d'infanterie. Toutefois le
gouvernement nous offrait l'école d'enfants de
troupes titre de compensation. Mais celle com
pensation il fallait l'acheter aux prix de sacrifices
pécuniaires, exigés pour l'appropriation des bâti
ments et locaux, et l'on ne sait que trop si la
caisse communale était vide et les ressources taries.
Alors nos édiles dont l'intervention officieuse s'é
tait peine montrée jusques-la, prirent feu tout
coup, la suite d'une séance où se devait éla
borer le budjet communal de l'exercice 185-4, et
désertant en braves le gouvernail au jour de la
tempête, ces pilotes d'eau douce saisirent l'heu
reux prétexte qui leur permettait d'abandonner le
vaisseau de la Commune en sautant par-dessus le
bord. Qu'apiès cela il y ait des gens dont la naïve
bonne foi ne voit en ce manège qu'un acte de
patriotique abnégation, c'est ce que les apparences
nous forcent d'admettre; niais ce que nous n'ad
mettons pas, c'est que l'administration d'une cité
importante rattache son sort l'envoi de quelques
centaines de fantassins. Ce que nous concevons
sans doute, c'est l'intérêt qu'attachent un si grand
nombre d'habitants, locataires et petits marchands,
ce que la ville possède une garoisou respectable
mais ce que nous ne concevons pas, c'est de voir
ces mêmes administrateurs faire dépendre la for
tune financière de la ville du revenu de l'indemnité
de casernement et de quelques profils d'octroi. Au
jourd'hui, l'on sedéclareimpuissarit faiie faceà une
dépense de 00,000 fr., et hier encore, il semblait que
le trésor de la Commune fut inépuisable. Aujour
d'hui, l'on déplore les 5oo,ooo fr. affectés en l'es
pace de 18 ans l'appropriation de bâtiments
militaires, des achats de fournitures, bien que
ces débours aient rapporté force profits la
ville, et l'on n'a pas l'air de se souvenir qu'une
somme double peut-être fut gaspillée en la moitié
de ce laps de temps des dépenses d'une inutilité
notoire et incontestable; citons ici quelques chif
fres
Subside au collège communal (depuis 19 ans,
c. a. d. depuis l'installation du collège
S' Vinceot)5oo, 15o
Derniers frais d'appropriation du mê
me institut et de l'école moyenne. 5,000
Frais d'acquisition et «appropriation
du local somptueux de l'école primaire. 46,096
Subside la dite école (pendant 7
années seulement.)38,85o
Musique des pompiers (pendant un
laps égal de temps.)io,5oo
Nouvelle décoration de la Salle de
spectacle10,000
Loyer de la salle pendant 20 ans. 9,000
Somme d'encouragement en faveur
du théâtre (en 10 années.)10,000
Subside eu faveur de la route de
Crnys-Eecke Wervicq (préjudiciable
aux intérêts de la ville.)6,000
Id. deLuzerneâOostvIeteren (pré
judiciable au même titre.)8,000
Id. de Neuve-Église (également
préjudiciable)58,000
Travaux inutiles l'étang de Zille-
beke36,000
Total fr. 517,596
Intérêts de la susdite somme de fr.
517,596 5 p °/o au b°nt 10 ans
(uous négligeons les intérêts des inté
rêts, quoique non minimes.)258,798
Total fr. 776,594
Si nous voulions pousser plus avant ces inves
tigations, il nous serait facile d'énumérer bien
d'autres dépenses inutiles, tels que les traite
ments exagérés tout au moins de maint sinéco-
riste aux gages du fisc communal, dépenses moins
importantes, la vérité, niais dont la somme assez
ronde et accumulée d'année en année, nous mène
rait bientôt un total de un million.Au reste,
l'adresse des démissionnaires du Conseil laisse bien
a entendre qu'un jour peut-être ils songeront
rendre compte de leur gestion; maison nous per-
v